Sur les pas de Savitri

Mais pourquoi on est là au fait ? Consommation, Club Med,
drogues (même pas…) ? Non, on ne le sait pas encore. Le matin,
Klara cherche le wi fi, c’est dimanche, et un dimanche en Inde,
Everything is possible, aussi, il paraît.
Klara avait donc décidé de travailler un peu ce matin. Pleine de
cette résolution, elle commence par se perdre dans les rues, car
son GPS Gaelle habituel était parti faire le tour des ghats
(peut-être se plonger avant elle dans le Roop Tirh…). Elle avait
bien repéré la veille un café wi fi en free mais n’avait pas retenu
son nom ni son emplacement. En plus , au passage, elle a été
distraite par un enfant qui lui avait collé des pétales de fleurs
dans la main , en lui enjoignant d’aller les jeter dans le lac
parce qu’il paraît que c’est le festival de Brahma aujourd’hui.
Mais Brahma avant-hier, Brahma hier, c’est tous les jours Brahma ou
quoi dans ce pays ? Klara le suit au début (ou plutôt l’inverse).
Puis lui voyant que cela l’énerve lui dit « Ok je te laisse y aller
seule ». Mais sitôt que je m’engage dans une ruelle sur la droite,
il la rattrape et lui dit « C’est pas par là, respecte mon lac ».
Et Klara, tout en essayant vainement de lui rendre ses trois
pétales, de lui dire que je suis libre de faire ce que je veux tout
de même, » (faut préciser qu’on n’a pas bien suivi ici si les
pétales de fleurs sont gratuites ou pas, est ce que c’est une
obligation ou pas de les jeter dans le lac.. enfin entre les
brahmanes cupides, les rabatteurs d’hôtels, les guides , les
mendiants et les fanatiques, on ne sait plus bien qui est qui, et
on a la tête un peu embrouillée, surtout quand ils nous disent «
Money is not the problem » ben si quand même un peu ! ) Une bonne
âme lui dit alors qu’au Koala Café, il y a du wifi, Klara y va,
mais manque de bol, il faut redémarrer le modem et le type qui
s’occupe du wi fi dort toujours, Ils viennent de l’appeler pour le
réveiller mais ne savent pas quand il va arriver. Dépitée, Klara
s’en va, après avoir obtenu une réduction de 5 roupies sur son
tchai (on négocie tout ici ). maintenant. Une autre bonne âme
parle du Om Shiva, et finalement Klara le trouve . Du coup, toute
contente, elle s’installe , commence à travailler, mais à peine 10
minutes après, plus d’internet, les singes avaient bouffé le câble
..Une petite heure pour changer l’installation…. Puis, ça
remarche, Klara a le temps de relever son courrier, même de
répondre à Gaelle, qui est maintenant dans un cybercafé, et au
moment où elle allait poster un autre mail de travail, bing, ça
plante, et là c’est plus de jus pour au moins trois heures (c’est
comme ça ici, aux portes du désert, le dimanche, on coupe le
courant) . Bref, la zénitude à l’indienne c’est pas gagné, tout
semble prendre trois fois plus de temps ici et on commence à
comprendre pourquoi ! heureusement que Gaelle est venue délivrer
Klara de ces grosses misères informatiques. Pour se calmer, nous
décidons de faire une bonne marche, l’ascension de la Ratnigiri,
une montagne qui domine à côté et où se trouve le temple de Savitri
la première femme de Brahma. Là nous aurons à grimper un escalier
d’ on ne sait combien de marches (en tout cas il faut une heure de
marche pour le monter) dont la dernière partie n’est pas aménagée
(on grimpe sur de la roche en fait). Et pareil avec 10 roupies
d’offrande pour Savitri. Mais pourquoi ce temple est il donc si
haut sur la montagne ? Après que le lac de Pushkar eut émergé,
Brahma avait invité tous ses copains les dieux (Kuber, le dieu de
l’abondance, pour l’argent et les étoffes ; Vishwakarma, le GO ,
pour l’hôtellerie des dieux, Vasuded pour les bonnes intentions de
prières, Shiva, pour protéger tout le monde, Brahspatjii pour
apprendre aux brahmanes à accomplir le rituel, le dieu de l’air
pour inviter tous les autres, Indra pour que tous les brahmanes lui
lavent les pieds, et puis Vishnou. Ensuite, pour que le rituel soit
complet, il devait être accompagné de sa femme, Savitri, et a donc
envoyé son fils Naradjii la chercher. Et Naridjii a prévenu Savitri
qu’il y avait tous les copains qui étaient là et qu’elle aurait
donc intérêt si elle ne voulait pas s’ennuyer comme un soir de
match de foot, à inviter ses copines (qui s’avèrent d’ailleurs être
les femmes des copains, donc Lakshmi, la femme de Vishnu, Parvathi
la femme de Shiva, Indrani, la femme d’Indra…) Naradjii a eu beau
prévenir Brahma que Savitri arrivait, avec ses copines, Brahma
s’impatientait et a envoyé son pote Indra lui chercher une autre
femme dans la jungle. Indra a trouvé une bergère, qui portait un
pot de yaourt sur la tête, Gayatri, et l’a ramenée , et Brahma l’a
épousé. Mais quand Savitri est enfin arrivée, oh stupeur, elle vit
une autre femme aux côtés de Brahma et devint très en colère, elle
s’adressa à tous ceux qui étaient présents à la cérémonie. Elle dit
à Lord Brahma « T’es plus qu’un vieux chnok, ton âge t’a fait
perdre ta faculté de penser. Maintenant je te le dis, en dehors de
Pushkar, dans aucun autre endroit tu seras vénéré » Voyant sa
colère , les autres dieux ont commencé à flipper et baissèrent la
tête. Savitri s’adressa à Indra et lui dit : « Tu ne gagneras
aucune bataille et tu resteras pour toujours flippé et dépressif
dans le ciel ». Ensuite, elle s’adressa à Vishnou : « Toi tu as
blessé mon cœur, tu te réincarneras en humain et Rawan kidnappera
ta femme Sita et ainsi, toi aussi, tu souffriras de la séparation
». Puis, elle fit son sort à Shiva : « Quant à toi, tu n’auras que
les cendres des corps morts(Bhasm) et les fantômes pour compagnons
». Puis, à tous les brahmanes : « vous, vous aurez à mendier la
nourriture de ci de là. » Et à la vache, qui avait aidé au rituel
de purification de Gayatri « et toi, tu seras condamnée à vivre au
milieu des hommes et à n’avoir que leurs restes (Vishta) à manger
». Puis à Kuber : « tu perdras tout ton argent, les rois te
taxeront toujours et tu resteras pauvre ». Et enfin au dieu des
airs : « quant à toi, tu amèneras toujours la puanteur ! ». ( Voilà
pourquoi à Pushkar, les brahmanes sont des mendiants, les vaches
crottent à qui mieux mieux, et ça pue à pas mal de coin de rue.
Bon, ceci dit, c’est aussi un peu ce qu’on voit partout..) Après
tous ces réglements de compte, Brahma a tenté de pacifier Savitri
en lui disant « toi tu viens d’une famille noble, s’il te plait,
aide moi à accomplir le rite. » Mais Savitri était si furieuse que
son visage est devenu tout rouge et noir de colère et qu’elle s’est
transformée en Mère Kali ( et pas Theresa évidemment) même si elle s’est aussi enfuie à Calcutta,   au Bengale.
Brahma était très ennuyé, il lui a dit « reviens, car ta soif ne
sera étanchée qu’avec l’eau sacrée de Pushkar ». Mais Savitri était
si contrariée qu’elle lui a dit que OK elle revenait mais elle
partait sur la montagne de Ratnagiri pour une longue longue très
longue méditation. Du coup, toutes celles qui font cette ascension
n’auront que des compagnons fidèles, et des compagnons tout court
d’ailleurs, et ça bien sûr que ça nous intéresse. Car à nos âges,
les mecs ça assure pas un cachou quand même. Au sommet de la
montagne, visite du temple, le Brahmane, qui portait un pantalon
rouge, n’a même pas ouvert les offrandes (on les a déposées sur le
tronc et on le soupçonne de revendre le paquet !). Puis, pause
nature à regarder les singes, les écureuils et les oiseaux dans les
arbres.

Et surtout,
cette vue magnifique sur les Aravallis. Et c’est en redescendant
que nous nous sommes dit que nos vœux étaient sur le bon chemin
puisqu’un chien, que nous avons naturellement appelé Mama (vu qu’on
venait du Mama Temple) s’est pris d’affection pour nous (et vice
versa), mais il s’est un peu trompé d’incarnation (et nous aussi
peut être finalement). On pourrait vous dire deux mots aussi sur la
condition canine en Inde, pour laquelle Brigitte Bardot n’a jamais
rien fait, parce que peut-être tout simplement elle ne sait pas.
Les chiens de rue ici, c’est la pire des incarnations, ils sont
battus, on leur jette des cailloux, les vaches et les cochons les
chargent, on les écrase, et surtout on ne les caresse jamais. Et ça
pullule , il y en a partout. Bon , on a aussi rencontré des indiens
qui avaient des chiens chez eux, des chienchiens qui restent en
laisse donc, pour ne pas s’échapper dans la rue… et il y a même des
foires au plus beau toutou, comme à Jaipur en ce moment par
exemple. On a expliqué à Mama qu’il ferait mieux de remonter dans
la montagne s’il ne voulait pas finir écrasé par une bouse et on a
accéléré le pas et fait mine de ne plus le voir, triste déchirement
d’avec ce joli compagnon d’un moment. Gaelle ne s’en remet pas.
Mais on préfère le voir heureux dans la montagne que maltraité en
ville. Et notre haveli n’accepte pas les chiens.

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