Faut-il avoir peur de la bactérie tueuse ?

Une épidémie de gastro-entérites hémorragiques a frappé l’Allemagne au mois de mai dernier. En cause, une contamination bactérienne par voie alimentaire. Et un problème de taille : impossible de trouver l’aliment responsable ! Une histoire pareille peut-elle arriver en France ?

Le 19 mai dernier, à Hambourg, dans le Nord de l’Allemagne, l’alerte était lancée au centre médical universitaire du centre de contrôle des maladies de l’Institut Robert Koch. Des centaines de personnes se présentaient depuis début mai aux urgences des hôpitaux de tout le Nord de l’Allemagne, avec des gastro-entérites sévères doublées de syndrome hémolytique urémique (SHU) hémorragique. En clair, des diarrhées aigues, avec du sang dedans, et une infection urinaire hémorragique entraînant des complications rénales pouvant être fatales. La bactérie responsable ? Escherichia Coli   (E.coli), une bactérie habituellement commune de notre tube digestif. Les patients ayant déclaré avoir mangé des tomates crues, des concombres et des laitues, les soupçons se sont aussitôt portés sur les légumes… Concombres espagnols, puis graines germées de Basse-Saxe, se sont retrouvés sur la sellette : en vain, l’aliment coupable, restait inconnu à la mi-juin. La bactérie avait déjà fait alors plus de 20 morts et plus de 2000 malades.

Des épidémies assez fréquentes

Ce n’est pourtant pas la première fois qu’une épidémie à E.Coli et en particulier à E. coli entérohémorragique, par voie alimentaire, survient, loin s’en faut. En 1982, aux États-Unis, des hamburgers insuffisamment cuits provenant d’une chaîne de restauration rapide avaient fait des centaines de victimes. Et, régulièrement, des épidémies sont recensées, de diverses causes alimentaires…: à Washington en 1993, liée à la consommation de hamburgers : 501 malades, 45 SHU et 3 décès ; au Japon en 1996, liée à des radis blancs : 9451 malades et 12 décès ; en Écosse en 1996 : liées à de la viande de bœuf avec 137 malades et 10 décès. En 2006, des épinards contaminés ont infecté 199 personnes aux États-Unis, causant des infections des reins.     Et en mars 2008,  près de 2,5 tonnes de viande potentiellement contaminée par une souche d’Escherichia Coli entérohémorragiques (EHEC) avaient  été mis en vente ! L’épidémie allemande, en revanche, est particulière : il s’agit d’une souche d’E.Coli  très virulente et  encore jamais rencontrée, la souche O104: H4, une bactérie entérohémorragique à Escherichia Coli   (EHEC).

Mécanisme de contamination

E.Coli est une bactérie commune, habituellement très minoritaire dans la flore intestinale du tube digestif de tous les êtres vivants (voir précédent numéro), mais qui peut devenir extrêmement virulente.   Elle peut se transmettre par voie alimentaire, contaminant aussitôt le système digestif. Et, sachant que les bactéries peuvent se reproduire toutes les 30mn, les dégâts arrivent vite. D’où vient-elle ? Du tube digestif des animaux et de leurs excréments. Ce qui explique que les deux principales catégories contaminées sont les steaks hachés et les végétaux. Les premiers, parce qu’il arrive, dans les abattoirs, que lors de l’abattage de la bête, les bactéries de son tube digestif en viennent à contaminer la viande… Les seconds, parce que les déjections animales sont souvent épanchées sur les champs, en guise d’engrais. Et pourquoi est-elle si virulente ? En cause, probablement, l’usage immodéré des antibiotiques dans les élevages (voir Alternative Santé n °362  ), qui permet aux souches bactériennes les plus résistantes aux antibiotiques d’être sélectionnées…

Une menace européenne ?

Les consommateurs européens se sont mis à craindre les légumes, entraînant partout une baisse des ventes et des destructions de stock par les producteurs eux-mêmes (comme à Nantes, le 6 juin par exemple). La recherche infructueuse de l’agent alimentaire responsable pose question, car son identification reste la seule façon d’enrayer l’épidémie. Et les erreurs sont lourdes de conséquences…L’Espagne, dont les concombres étaient dans un premier temps boycottés, a porté plainte auprès de la Commission Européenne pour le préjudice subi.  Posant question également, la surveillance et le système d’alerte en cas d’épidémie.  En France, la surveillance de telles infections est réalisée par un dispositif spécifique coordonné par des organismes comme l’Institut Pasteur ou  l’InVs… Mais les délais restent trop longs : 10 jours par exemple en France, lors de l’épidémie de steaks contaminés en mars 2008, entre le moment où la bactérie a été identifiée à l’abattoir et celui où les stocks contaminés ont pu être saisis.   Pour Pierre Franchomme, aromathérapeute,  c’est évident : « On aurait pu faire quelque chose en Allemagne en milieu hospitalier. Donner par exemple des doses massives d’aromanutriments comme le 801, un puissant bactéricide, testé cliniquement sur les cystites colibacillaires, et qui associe  des huiles essentielles de Curcuma de Java (Curcuma xanthorrhiza), de Thym (Thymus vulgaris), Origan vulgaire à carvacrol (Origanum vulgare) et Cannelle de Ceylan (Cinnamomum verum, cortex). »  Jean-Michel Morel, phytothérapeute (1), précise : « Le traitement préventif ou curatif des gastro-entérites à E.Coli passe par la restauration d’une flore intestinale de qualité, avec les probiotiques ; l’activation des défenses immunitaires, avec les polysaccharides que contiennent des plantes comme l’échinacée, certains lichens ou les champignons comme le shitake ;  la restauration de l’intégrité de la muqueuse intestinale (avec la canneberge ou plus généralement tout fruit rouge ou noir riche en anthocyanes) ; la lutte contre l’infection, avec les huiles essentielles, principalement à thymol et à carvacol ». Il préconise  « une formule à base de thym à thymol, de sarriette, de palmarosa et d’arbre à thé (20 mg de chacune de ces huiles essentielles, dans une gélule gastro-résistante ). Et rappelle, en cas de diarrhées aigües, toutes les vertus du jus de myrtilles, à prendre à raison d’un verre toutes les deux heures.

Il est peut-être aussi possible d’empêcher les contaminations en éliminant les bactéries directement des fruits et légumes. Le professeur Bill Keevil, Chef de service microbiologie et directeur de l’unité Soins de santé environnementale de l’Université de Southampton, a étudié l’effet bactéricide du cuivre sur les bactéries. Le 2 juin dernier, il affirmait que les souches  O104: H4  responsables de l’épidémie allemande  ne survivent pas à une exposition de 45 minutes sur une surface de cuivre humide ! Une propriété qui serait propre au cuivre et à certains alliages à base de laiton et de bronze, également testés…

(1)         Jean Michel Morel – « Traité pratique de phytothérapie » Editions Grancher

(2) Pierre Franchomme-  Daniel Pénoël – « L’aromathérapie exactement » Editions Roger Jollois

 

 Comment éviter la contamination ?

-Lavez bien les légumes, les fruits, les herbes… d’autant plus qu’ils doivent être consommés crus.

-Séparez les aliments crus des aliments cuits ou prêts à être consommés pour éviter les contaminations croisées.

  • Isolez la viande crue.
    -Revenez à une hygiène élémentaire de base (bien se laver les mains)

 

Conserver ses aliments au réfrigérateur  …

Pour éviter les contaminations bactériennes liées à la conservation des aliments, rangez bien vos aliments au réfrigérateur car la température n’y est pas la même partout à l’intérieur.

 

Sur les planches du milieu (4-5°C) et la planche du dessus (8°C), on placera les œufs,   produits laitiers,   charcuterie,   restes,   gâteaux et  produits « à conserver au frais une fois ouvert »

Sur la planche du dessous,   la partie la plus froide du réfrigérateur (2°C) : c’est l’endroit où il faut placer la viande et le poisson frais. Les placer en bas les empêche également de couler sur les autres aliments.

Le bac tout en bas,  est utilisé pour les légumes : sa température peut monter jusqu’à 10°C. Pour les légumes et les fruits qui peuvent être abîmés par des températures plus basses.

Les compartiments ou planches dans la porte qui sont les endroits les plus chauds du réfrigérateur (10-15°C)   sont prévus pour les produits qui ne nécessitent qu’une légère réfrigération (boissons,   sauces et beurre)

 

  • Ne mettez pas trop de nourriture dans votre réfrigérateur : l’air ne peut plus circuler et les températures montent.

  • Dégivrez-le régulièrement  : si vous laissez le givre s’accumuler, le réfrigérateur ne fonctionnera plus efficacement.   Dégivrez votre réfrigérateur   en utilisant de l’eau chaude et un détergent.

  • Ne mettez pas tout au réfrigérateur ! Certains aliments comme les fruits exotiques, les tomates, les haricots verts, les concombres ou les aubergines peuvent être stockés à température ambiante. De même que tous les fruits et   légumes qui ont besoin de mûrir …

  • Vérifiez toujours que la porte est bien fermée.

  • N’ouvrez les portes que lorsque c’est nécessaire et fermez-les dés que possible.

  • Gardez à l’esprit qu’un aliment n’est sûr au réfrigérateur que si c’est conseillé sur l’étiquette.

 

 

 

 

 

Vers une « médecine environnementale » ?

Les 12 et 13 avril dernier, l’ARTAC  [1] organisait son troisième colloque international, avec des médecins et scientifiques du monde entier, autour du thème « la Santé des Enfants et de l’Environnement ». L’amorce d’une reconnaissance officielle des travaux visant à relier l’environnement et la santé ?

Genon Kensen de l’Alliance pour la Santé et l’Environnement, un réseau européen d’ONG qui vise à améliorer la santé grâce à des politiques publiques qui promeuvent un environnement plus propre et plus sûr, ne mâche pas ses mots : « l’exposition quotidienne à des produits chimiques “industriels” peut être nocive pour la santé. Les effets sur les enfants peuvent être le résultat d’une exposition maternelle avant et pendant la grossesse et après la naissance. » Dans la droite ligne de l’Appel de Paris, un manifeste lancé en 2004 par un groupe d’experts internationaux, les scientifiques continuent d’affirmer qu’un grand nombre des maladies actuelles sont causées par la dégradation de l’environnement…

Des maladies chroniques de plus en plus préoccupantes

Signe des temps, le colloque de l’ARTAC était soutenu, pour la première fois, par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). L’OMS vient d’ailleurs de reconnaître, dans un communique du 27 avril dernier, que « les maladies chroniques telles que le cancer, les maladies cardiovasculaires ou le diabète ont atteint des proportions épidémiques bien plus préoccupantes que les maladies infectieuses ». Un constat que confortent les statistiques françaises selon les données des assurances : « Un français sur sept est aujourd’hui en ALD (Affection Longue Durée), rappelle le professeur Belpomme, fondateur d’ARTAC. “Or on sait que ces maladies peuvent être liées à des causes environnementales…» C’est le cas de nombreux cancers par exemple, cela ne fait plus de doutes. Des cancers qui frappent de plus en plus tôt, de 2 à 3 % plus d’enfants qu’il y a 30 ans. C’est aussi le cas de bien d’autres maladies. La liste des maladies pour lesquelles l’environnement est au banc des accusés s’est étendue depuis à l’obésité, au diabète ou à l’asthme… « On note aussi que de plus en plus de sujets jeunes sont atteints de maladies d’Alzheimer » complète le professeur Belpomme. « Et l’on assiste à une véritable épidémie d’autisme »… Mais alors que les scientifiques ont toujours eu tendance à rechercher des facteurs déclencheurs immédiats et directs à ces maladies, de nouvelles pistes de compréhension vont probablement générer une nouvelle façon d’approcher la question. En effet, développement de l’épigénétique aidant (voir notre numéro de mars 2011), on sait aujourd’hui que tout commence probablement bien avant la naissance : comme l’a expliqué le pédiatre italien Ernesto Burgio, qui étudie l’origine embryo — fœtale des maladies de l’adulte « nos propres phénotypes physiologiques et pathologiques sont largement déterminés par l’induction/modulation de marqueurs épigénétiques de nos cellules et tissus par des facteurs environnementaux ». En d’autres mots, les facteurs environnementaux auxquels est exposé un fœtus vont le « programmer » à développer plus tard telle ou telle maladie. Dans cette conception, une maladie peut être « un résultat tardif chez l’adulte d’un processus de développement qui a mal tourné, profondément enraciné dès les premiers stades de développement et du fœtus. » L’exemple des petits-enfants de mamans ayant pris du distilbène montre en outre un impact transgénérationnel qui va plus loin que la simple exposition du fœtus à un polluant. Raison de plus pour faire attention aux générations futures !

Sous la pression des lobbys industriels…

Pour autant, malgré les connaissances qui s’accumulent, peu de mesures ont été prises pour lutter efficacement contre les pollutions chimiques ! Même si les liens ne sont pas toujours faciles à prouver… « Il est particulièrement difficile d’établir de manière irréfutable l’impact sur la santé des polluants environnementaux », explique le Pr. Hanns Moshammer, chercheur spécialisé en épidémiologie, qui faisait l’ouverture du colloque de l’ARTAC. La société civile a ici un rôle essentiel à jouer. Surtout dans notre société, où, a-t-il rappelé, « on a tendance à transformer les victimes en coupables ! » Ana Soto, professeur de biologie cellulaire à Boston, et spécialiste des perturbateurs endocriniens, a pour sa part rappelé comment l’histoire du bisphénol A était un triste cas d’école : bien que le Congrès américain ait voté dès 1993 un droit à une eau et à une alimentation sans perturbateurs endocriniens, le bisphénol A a continué d’être autorisé – maintien des intérêts économiques des industriels du plastique oblige – bon an mal an, son côté perturbateur étant régulièrement contesté, jusqu’en 2009  aux États-Unis ! Car pour chaque polluant, c’est le même scénario : lorsque l’effet pathogène d’un produit est démontré par une étude scientifique, le lobby du produit en question s’empresse d’aller financer un laboratoire pour démontrer qu’il n’y a pas tant d’effets que cela, et donc que l’étude montrant sa toxicité n’est pas valide ! Comme les études scientifiques coûtent chers à réaliser, ce sont bien souvent ceux qui ont le plus d’argent à y consacrer qui les orientent… Un procédé que la mention seule des conflits d’intérêts éventuels ne suffit pas à enrayer. Et qui sème le doute chez les politiques au point de freiner la prise de décisions ! En France, le statut du bisphénol A est ainsi suspendu jusqu’à la fin de l’année, les politiques préférant attendre les résultats de l’expertise de l’INSERM que de suivre les associations qui souhaitent élargir l’interdiction actuelle dans les biberons à tous les plastiques alimentaires…

Bien d’autres problèmes posant toujours des questions sanitaires ont été exposés au cours de ce colloque. Les champs électromagnétiques par exemple, qui faisaient l’objet d’une table ronde spécifique, au cours de laquelle il a été rappelé que l’exposition aux champs magnétiques engendrés par les lignes électriques de haute et de très haute tension accroit le risque de leucémies infantiles et, comme l’a souligné le professeur Franz Adlkofer, coordonnateur du programme de recherche REFLEX financé par la communauté européenne et portant  sur les  effets biologiques des champs électromagnétiques, qu’ « il est fortement probable que le risque de développer une tumeur cérébrale chez l’enfant à cause de la téléphonie mobile soit une réalité ». Si les mesures officielles récentes (périmètre de sécurité, démontage des antennes relais existant sur les établissements scolaires, interdiction de l’utilisation des téléphones portables pour les moins de 6 ans ainsi que dans les écoles…) témoignent d’une prise de conscience dans ce sens, elles doivent encore être étendues. Le professeur Lennhardt Hardell, professeur suédois en onconlogie médicale, a exposé les risques similaires liés à l’utilisation…de simples téléphones DECT, les téléphones sans fil que l’on trouve partout aujourd’hui. Enfin, actualité oblige, le scandale  actuel du nucléaire a été aussi dénoncé. Et en premier lieu, comme l’a rappelé Paul Lannoye, député vert européen, que l’OMS est liée par un accord à l’AIEA, l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (le lobby du nucléaire, donc), qui lui interdit d’aborder la question des effets du nucléaire sur la santé. Si cet accord n’existait pas, l’OMS aurait été dans l’obligation de faire son travail, c’est-à-dire un bilan sanitaire en Biélorussie par exemple des conséquences de Tchernobyl… Le colloque était dédié à la mémoire du professeur Lorenzo Tomatis, mis en 1993 à la porte de l’IARC (centre international de recherche sur le cancer) qu’il présidait pourtant depuis 1982. Il avait dénoncé les conflits d’intérêt en jeu dans les études scientifiques sur lesquelles s’appuyait l’IARC pour établir la liste des différents produits chimiques cancérogènes probables, présumés ou avérés. Aujourd’hui, les scientifiques qui lancent des cris d’alarme se font probablement mieux entendre. Sauront-ils pour autant convaincre les pouvoirs publics, comme le souhaite le professeur Belpomme, « d’inclure enfin la santé dans le principe de précaution » ? Car ce principe ne concerne pour l’instant… que l’Environnement !


[1] L’ARTAC (Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse) est un organisme de recherche indépendant, privé à but non lucratif, fondé en 2004. A l’origine de l’appel de Paris et de la mise au point de plusieurs médicaments anticancéreux,   l’ARTAC travaille aussi  sur la prévention.

 

Héparine, un médicament à scandales !

(Paru dans Alternative Santé – L’impatient en février 2011)

Affaire de la vache folle en 1996 et importations sauvages depuis la Chine ont placé l’héparine au cœur d’un scandale sanitaire et humain. En cause, le laxisme des laboratoires pharmaceutiques à sécuriser leurs processus de fabrication, l’inertie des gouvernements à faire respecter les mesures sanitaires et l’inconscience de certains scientifiques !

Découverte en 1916 dans le foie de bovin, l’héparine est une substance anticoagulante : elle permet d’éviter la formation de caillots sanguins, ainsi que les complications circulatoires. Ses nombreuses indications en font depuis longtemps l’un des médicaments phares du groupe Sanofi-Aventis 1qui la commercialise sous le nom de Lovenox  : elle est utilisée notamment dans le traitement et la prévention de thromboses veineuses mais aussi de l’embolie pulmonaire en phase aiguë ou de l’infarctus du myocarde.

Boyaux de bœuf chinois …

On trouve l’héparine chez la plupart des mammifères, dans tous les organes richement vascularisés tels que le poumon et l’intestin. Compte-tenu de leur facilité d’accès et de leur coût, les boyaux de bœuf ont longtemps été une source de choix de cette substance. Jusqu’en 1996, avec le scandale de la maladie de la vache folle, où on les interdit en Europe …mais pas en Chine ! Un constat lourd de conséquences pour le responsable de la sécurité biologique des médicaments de Sanofi-Aventis, Jacques Poirier : suite à son refus de cautionner cet approvisionnement chinois et malgré sa détermination à imposer des tests permettant de détecter la présence de tissus bovins éventuels dans les lots d’héparine, il a été mis au placard et licencié en 2003. Pourtant, en janvier 2002, la Chine avait fait l’objet d’une suspension par l’union européenne de produits d’origine animale destinés à la consommation humaine, en raison de graves lacunes sur les réglements de police vétérinaire. Une suspension qui visiblement ne concernait pas la fabrication de médicaments !

chondroïtine persulfatée ?

L’origine chinoise représente pourtant bien un danger pour les utilisateurs d’héparine : en 2008, un scandale éclate, avec les anticoagulants commercialisés par la société Baxter. 81 morts aux USA, 5 en Allemagne, et des centaines de cas graves, tous victimes d’un choc anaphylactique, une réaction de type allergique. Mais rien à voir ici avec les bovins : les lots d’héparine en cause contenaient simplement de la chondroÏtine persulfatée, une substance extraite de cartilages de différentes espèces animales, réputée avoir les mêmes effets que l’héparine …mais 100 fois moins chère et surtout potentiellement dangereuse ! «  Inventée » par une équipe de l’Iowa dirigée par une sommité de l’héparine, le Pr Linhard, selon les résultats parus en 1998, la chondroïtine sulfatée agit comme l’héparine. L’histoire dit que ce n’est qu’après leur publication que les chercheurs testèrent l’héparine sur des souris qui en moururent et que le résultat, faute d’avoir été divulgué de suite, n’empêcha pas l’Université de Shandong en Chine de déposer un brevet sur la fabrication de ce substitut, à partir de cartilages d’animaux, de peau de requin ou de crustacés, commençant à en expédier aux industries pharmaceutiques dans le monde entier   !

Ou boyaux de bœuf français ?

Les cas d’ESB continuent chez les vaches. 4 en France, en 2010. Leur nombre est toujours secret défense en Chine. L’impossibilité de tracer les médicaments en Chine, mais aussi l’augmentation rapide du cours de l’héparine de porc 2 ont conduit contre toute attente à un arrêté gouvernemental cet été réhabilitant le boyau de bœuf pour la fabrication de l’héparine bovine. N’y aurait-il plus de risques de contamination de l’agent infectieux du prion ? Ou aurait-on peur des médicaments chinois ?

Clara Delpas

1 Le Lovenox pour Sanofi-Aventis représente un marché de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires (2009) dont 60% à l’exportation aux Etats-Unis. Produit numéro deux du groupe, il en représente 12% des ventes …

2 L’héparine de porc est passé de 7euros par mega-unité en 2007 à 60 en 2010

Pressing: à quand la fin du perchlo ?

Le principal solvant utilisé pour le nettoyage à sec  est le perchloroéthylène, un composé chimique toxique, accusé aujourd’hui de tuer. Qu’attend l’Etat pour l’interdire ?

Au mois de décembre 2010 une information judiciaire pour homicide involontaire a été ouverte au parquet de Nice suite au décès de José-Anne Bernard,  72 ans. Cette dame est morte le jour de noël 2009 d’un arrêt cardiaque. Les émanations de perchloréthylène utilisé par le pressing au-dessus duquel elle habitait depuis 2 ans seraient directement en cause. En effet,   selon son fils,  Mme Bernard n’arrêtait pas de se plaindre des vapeurs du pressing, répétant « qu’elle avait l’impression d’être empoisonnée, de se consumer comme une chandelle ».  Une impression   confirmée par l’autopsie qui a établi la présence de perchloroéthylène dans presque tous ses organes, y compris dans les graisses …

Emanations toxiques

Cela fait pourtant longtemps que l’on sait que le perchloroéthylène est une « substance probablement cancérogène » (2A selon la classification du Centre international de recherche sur les cancers).   Ce dissolvant des graisses, particulièrement volatil, peut lorsqu’il est inhalé, irriter  les voies respiratoires et les yeux, entraîner des vertiges et des nausées, une somnolence ou une perte de mémoire. Il peut aussi   entraîner des lésions irréversibles du cerveau : Thierry Drouin,  restaurateur, fait ainsi les frais du pressing attenant à son restaurant dans une galerie commerçante de Rennes… Quant aux employés des pressings eux-mêmes, les plus exposés, la médecine du travail rapporte une  augmentation des cancers du système urinaire, du pancréas et de l’œsophage, voire des troubles de la reproduction (avortements spontanés). Les autorités françaises sont pourtant bien informées, et depuis longtemps : « A l’Ineris (1), nous avons rédigé une dizaine de rapports depuis 2001 qui n’ont pas été suivis des faits » s’indigne André Cicollela, du Réseau Environnement-Santé (RES).

Trop de perchlo dans les machines

Si la seule prévention réelle du risque chimique dans les pressings est évidemment l’interdiction du perchloroéthylène , en attendant, les autorités ont plutôt soutenu une réduction  à la source les émissions dangereuses. D’où la mise au point de machines dites « à circuit fermé », aujourd’hui la grande majorité des machines en fonctionnement en France, qui selon les dires du président de la Fédération nationale des pressings, Robert Roux, rendraient nul le risque d’intoxication… Or, en 2009,  le ministère chargé du travail  et l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) ont finalement mis en garde contre l’utilisation de ces machines : les dispositifs installés, censés  accélérer la décomposition du perchloroéthylène en combinant l’action de la lumière et d’un catalyseur, émettent du phosgène, un gaz très toxique par inhalation qui provoque des effets pulmonaires sévères même à des concentrations très faibles, et ce,  à niveaux d’exposition préoccupants à proximité des postes de travail ! Et n’éliminent pas tout le perchlo. Un avis de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), paru au mois d’octobre 2010, invite désormais à « fixer une valeur limite d’exposition professionnelle » ainsi que le « développement de solutions permettant à terme de substituer le perchloroéthylène par des agents chimiques moins nocifs ».

 

ENCADRE : Des substituants sans risque ?

Parmi les agents de substitution possible, on trouve

L’eau, le plus simple et le moins risqué : l’aquanettoyage ( !) impose cependant l’ajout de produits chimiques et de détergents pour éviter la détérioration des fibres du textile…Leur effet sur la santé n’est pas bien établi.

– Le décaméthylpentasiloxane (siloxane) ou D5 de la famille des silicones,  apparu aux Etats-Unis à la fin des années 1990. Plus efficace que le perchloroéthylène pour le nettoyage, il est très inflammable et ses données toxicologiques sont encore peu connues.

– Le dioxyde de carbone (C02 liquide), en enceinte sous haute pression , (mais qui nécessite des coûts élevés d’équipement!)

 

ENCADRE 2 : Un linge dangereux

Lorsqu’un vêtement revient du pressing, on la sent, cette petite odeur particulière, qui témoigne du nettoyage à sec : due à de petites quantités résiduelles de perchloroéthylène dans les fibres des tissus,  cette odeur est également toxique ! En 1996,   une étude médicale recensait 26 cas de personnes empoisonnées au « perchlo », dont un nourrisson décédé suite à l’inhalation d’émanations de tissus qui revenaient du pressing… Le  linge n’est pas anodin non plus, étant en contact avec la peau, ces quantités résiduelles peuvent aussi migrer par la voie cutanée. Certains tissus retiennent d’ailleurs plus le solvant que d’autres : couettes, duvets, oreillers, couvertures, rideaux  et peluches par exemple…. Mieux vaut donc  bien   laisser  les tissus s’aérer   avant de les utiliser !

 

Demi-mesures

Alors qu’aux Etats-Unis ou au  Danemark les autorités ont statué en  interdisant l’installation de nouveaux pressings utilisant le perchloroéthylène (le produit est même en bonne voie d’interdiction aux   Etats-Unis d’ici 2020), la France consciente du danger continue à les autoriser. Même si elle a interdit l’installation de nouvelles machines de nettoyage à sec en libre service dans les laveries automatiques. En témoigne le récent avis du Haut conseil de la santé publique (avis publié en juin 2010 ) qui se borne à recommander de « réaliser, à titre préventif, une campagne nationale de mesure des concentrations de tétrachloroéthylène dans les pressings et dans tous les logements et locaux ouverts au public se trouvant au-dessus ou à proximité immédiate de ces installations ». L’avis propose aussi que toutes les personnes exposées bénéficient d’un examen médical gratuit. Et  préconise « qu’à l’avenir, aucun nouveau pressing ne soit installé au voisinage immédiat de logements », montrant que les préoccupations des habitants voisins de pressing  commencent à être prises en compte … Cet avis vient s’ajouter à l’ arrêté de 2009, qui impose aux pressings déjà ouverts de faire contrôler leurs installations par un cabinet extérieur tous les cinq ans. Mais il n’est pas sûr que cela soit suffisant aujourd’hui pour les rassurer ! Les analyses de l’air faites autour du restaurant de Thierry Drouin par exemple ont révélé un taux de perchlorétylène dix fois supérieur à la valeur seuil fixée par l’OMS :  2,5 mg/m3, au lieu des 0,25 mg/m3 tolérables ! Et, pour mémoire, quelques mois avant le décès de José-Anne,  une inspection de la préfecture avait révélé des défauts d’étanchéité des murs et plafonds du pressing, exigeant des travaux de mise en conformité.  Malgré cette inspection, ils n’avaient pas été fait (le pressing est d’ailleurs fermé depuis l’été 2010)…Selon André Cicolella, qui s’est rendu sur les lieux en décembre 2009 : «  le taux de perchloroéthylène dans l’appartement était de plusieurs centaines de milliers de microgrammes par mètre cube ».

Bref, toutes ces demi-mesures  commencent à énerver sérieusement les ONG ! Générations Futures et le Réseau Environnement Santé (RES), ainsi que leurs partenaires WWF France et Health and Environment Alliance  ont demandé mi-décembre  l’interdiction pure et simple du perchloroéthylène… Comme le résume André Cicolella «  Attendre alors qu’on a toutes les preuves, ce n’est pas acceptable ! ».

 

(1) Institut National de l’environnement industriel et des risques

 

 

 

 

Pour en savoir plus

Association de défense des victimes d’émanation de perchloroéthylène des pressings (ADVEPP)

12, rue de Suède
35000 Rennes

e-mail : advepp@sfr.fr

 

Réseau Environnement Santé
32, rue de Paradis
75010 Paris 

Tél : 09 54 05 24 11

 

Site web : http://www.reseau-environnement-sante.fr

 


Initié en 2002 avec l’agrément de l’ADEME, les pressings porteurs du label Pressing Propre, utilisent du perchloroéthylène , se contentant d’en récupèrer les boues pour qu’elles ne contaminent pas l’environnement.