Le voyage au Cachemire


Notre train est à quai, n°5, le Uttar S Kranti, avec des wagons bleus  peints SLEEPING, Nous sommes dans le sleeping 6, places 43 et 46. Et là commence une aventure typique , il faut vraiment venir en Inde, bien évidemment, pour connaître les trains indiens. Cela ressemble à un dortoir géant, avec juste quelques cloisons de séparation entre blocs de 6 couchettes, et des couchettes dans l’espèce de couloir de circulation. Des toilettes à la turque à chaque bout du wagon, ça pue la pisse dans tout le wagon. On est sur les couchettes du haut, juste sous les ventilos (bien évidemment éteints, c’est l’hiver) , sur une sorte de planche recouverte d’un skai bleu un peu défraichi, ambiance..carcérale. Enfin de ce qu’on voit dans les films.

On a nos bagages avec nous, on dort ici, mais ici c’est très familial, c’est plein d’indiens, que des indiens d’ailleurs. Des vendeurs ambulants de thé, de biscuits, de chips, de plats chauds défilent. On s’endort tôt.  Klara bizarrement n’a plus envie d’aller aux toilettes..enfin surtout pas dans le train. Gaelle est plus courageuse, d’ailleurs elle adore les toilettes à la turque, elle y va même deux fois ! (mais comment fait-elle ? surtout dans le train !).A toutes les gares, le train s’arrête une bonne demi-heure, une femme débite en hindi plein de noms probablement de correspondances, ou de prochains trains, etc…et on repart dans une secousse , avec les vendeurs de tchai, de plats chauds… etc..Ah oui, et avec les ronfleurs, un joli concert qu’on mettra  en ligne bientôt. Après cette nuit épique, où on a quand même relativement bien dormi, on arrive à Jammu à 7h du matin.  Et là pas plus d’une demi-heure plus tard, nous nous retrouvons dans …une jeep pour Srinagar. 5 h de route nous a-t-on dit. Parce que nous avons pris une jeep partagée, plus une guest house à Srinagar. Il fait beau, le paysage  est très vite à couper le souffle. Nous sommes dans le Jammu, puis dans le Cachemire…. Les singes sont nos  vaches de chez nous, regardant les voitures passer… Tout au long de la route, l’entreprise BRO se charge de couvrir les parois montagneuses de pierres pour éviter les éboulements, et agrémente son travail de messages écrits sur des bandes jaunes bordées de rouge , des messages mi-philosophiques, mi prévention routière, comme «  If you’re married, divorce, you’re too speed ! » (Si vous êtes mariés, divorcez vite, vous roulez trop vite)…  beaucoup de militaires, partout, dans les maisons, sur les places, dans les forts militaires, dans les champs, une omniprésence qui nous rappelle que la guerre est bien proche et qu’elle a fait beaucoup de ravages. Et comme partout qu’elle profite en premier lieu aux promoteurs immobiliers, qui construisent de belles maisons, modernes qui du coup donnent un côté assez prospère au pays. A un checkpoint, on nous a demandé de sortir une par une de la voiture. Et nous avons été interrogées dans une petite cabane par deux militaires sur quel était notre métier, combien de temps on restait, ce qu’on venait faire ici… ils ont pris nos numéros de passeport. Aux abords de Srinagar, des champs enneigés , avec  quelques panneaux plantés précisent qu’ici on cultive le « world most famous saffron » . Le safran le meilleur du monde.

On n’est plus en Inde, les panneaux sont écrits en arabe, ici, ou en cachemiri, une langue différente mais à la scriptographie proche, les tailleurs de pierre sur le bord des routes ressemblent aux pakistanais, même le costume local, un poncho de cachemire, ressemble ni plus ni moins à une djellabah, les femmes sont voilées, certaines même portent la burka. C’est étrange.

Srinagar n’a pas grand-chose d’indien.  Des mosquées partout, contre deux temples, dont un à 5 km perché sur une montagne, et un autre au nord de la ville. Dans les rues, les poteaux électriques sont équipés de haut-parleurs pour diffuser les appels des muezzins. Et puis ,un peu comme à Dehli, des glues, toujours et encore, des gens qui proposent de tout et qui insistent pour qu’on achète, qui proposent de nous assister etc…

L’accueil de la guest-house est chaleureux, jusqu’au moment où, nous  rentrons dans la chambre, et où nous nous rendons compte..qu’il n’y a pas de chauffage. On a beau nous rassurer avec les couvertures chauffantes, le premier thé que nous prenons dans la chambre est très bon (c’est du kawa, la boisson locale ici, un mélange de cardamome verte et de cardamome noire) mais ne nous réchauffe pas vraiment… Du coup, nous passons quelques moments sous la couverture, avant le dîner que nous avions demandé à 20 h pour finalement l’avancer dès que possible. Gaelle avait demandé sans épice à Rezvana, notre hôte,  …et même Klara, qui a l’habitude des épices, n’avait pas mangé un truc aussi épicé depuis longtemps….sympathique…. En fait, ici ce n’est pas sans épice qu’il faut demander (not spicy), c’est sans piment, le piment n’étant pas une épice (no mirschi) . Maintenant qu’on le sait… notre hôte, Azar, s’est aussi mis  à nous proposer des tours, de louer une voiture, d’aller à deux heures de route voire une station de ski, sûrement magnifique certes, mais on n’est pas équipé pour ça, et puis il est étouffant et ne semble pas vouloir nous lâcher d’une semelle. En plus son anglais sommaire ne rend pas la conversation fluide. Nous lui annonçons que demain nous voulons nous promener librement, aller à l’office de tourisme récupérer un plan de la ville et nous connecter à internet.

Nous passons une nuit…glaciale. Malgré les couvertures chauffantes. Le réveil, au lever du jour , par l’appel à la prière… et puis surtout, la panne d’électricité depuis 6 heures du matin, qui fait que le lit est devenu froid.. et qu’il n’y a bien évidemment pas de moyen de brancher le convecteur électrique qu’Azar nous a promis la veille, et qu’il ne nous a pas monté, pour sûr. Heureusement, il y a de l’eau chaude , et, comme à l’ancienne, on se lave dans un seau  qui se trouve dans la baignoire, en s’arrosant avec une petite cruche (alors qu’il y a une super douche avec des jets masseurs ,comme dans un SPA et une super baignoire avec un repose tête !! )… mais la douche ne marche pas et le ballon ne contient que 45 litres d’eau. Donc, on ne se lave pas les cheveux, mais ça ne dérange pas les indiens car ils aiment les cheveux de Clara, allez savoir pourquoi.

Notre première étape, aujourd’hui, l’office de tourisme, où on nous dit que on doit nous fournir du chauffage  ou du moins des bouillottes et des couvertures pour supporter  le froid. Et sans supplément. Pour la connexion internet, ils nous proposent la leur mais elle est tellement lente qu’on renonce très vite. On part se balader, c’est grand , on arrive vers les canaux, toutes ces maisons sur pilotis et ces House boats étonnants, et ces chauffeurs de pirogue qui nous appellent, on fait un tour avec un vieux gondolier, il nous emmène jusqu’au Dal Lake, des marchands nous abordent en pirogue, ils veulent nous vendre des bijoux, moches et kitch, des boîtes décoratives, des cartes postales, (bien sûr, pas en même temps, les uns après les autres, à 10 minutes d’intervalle chaque, mais c’est comme s’ils s’étaient donné le mot). On a dit non à tous sauf au marchand de safran, qui nous en a vendu 2 grammes pour 6 dollars. Ce qui n’est pas cher, bien sûr.

Alors là un rôt, même deux, surviennent…c’est l’heure de la soupe, notre famille d’accueil est une famille très pratiquante, Azar fait la prière, rote, mange par terre…etc…. ça nous coupe un peu l’inspiration. Reprenons nous, allons. Donc, le safran, sur les canaux..nous revenons à terre, et essayons de trouver le cybercafé indiqué par l’office du tourisme… un mythe. Il faut dire que sur le plan il n’y a pas de noms de rues et que dans les rues il n’y a pas de noms de rue non plus, et que les gens ici ne comprennent pas le même anglais que celui que nous parlons, ils nous répondent des indications aussi dans un autre anglais que celui que nous comprenons. Bref, nous n’avons pas trouvé le cybercafé, rien que des boutiques de souvenir, à moitié fermées car on est hors saison. En rentrant, le long du fleuve, on s’ arrête un instant pour prendre le zero bridge en photo , et sommes juste à l’aplomp des house boats ; des  enfants viennent à notre rencontre, une famille, qui nous invite à monter à bord pour nous proposer une chambre, nous allons voir et c’est mignon, vous pouvez même pas vous imaginer. on nous présente Gullam, un guide qui parle un anglais parfait et nous montre toutes les lettres qu’il a reçues des français contents de lui. Effectivement, il a l’air autrement plus sympathique que notre hôte.  Nous sommes chez eux, même pas froid, c’est chaleureux, sympathique, et trois fois moins cher qu’où on est..ah les offices de tourisme officiels du gouvernement, méfiez vous on vous dit. En plus. A l’office,  C’est une mafia pas possible. Ils nous ont vendu en plus un trajet en jeep 30% plus cher aussi, car on était sur les places du fond, qui normalement sont à 350 roupies et non 500 ! (500 roupies = 8 euros environ). Demain matin, on filera chez l’autre famille. Ce soir, on a partagé  une soupe avec la famille de la guest house, encore une panne d’électricité…. Espérons que nos couvertures chauffantes ont suffisamment chauffé le lit pour pas qu’on s’enrhume, on vous dira demain….

PS .Le temps d’aujourd’hui était magnifique. Klara a rêvé qu’il y avait une grosse tempête de neige qui nous bloquait à Srinagar….enfin c’était un cauchemar, sans doute…. Ici, on ne peut même pas savoir le temps qu’il va faire demain…ni téléphoner d’ailleurs…Après souper, remontant pour nous coucher, on nous avons trouvé la chambre tellement glaciale que nous l’avons appelé pour lui redire qu’il nous devait un peu de chauffage, que sinon on allait se plaindre à l’office de tourisme de Jammu et qu’ il avait qu’à appeler Nazir tout de suite pour vérifier qu’il nous devait bien du chauffage sans supplément. Ce qu’il a fait, devant nous, Klara gueule auprès de Nazir,qui gueule sur Azar, tout cela finirait il en pugilat ? Non , Azar se rend à l’évidence, et part nous chercher un chauffage : il remonte…avec un chauffe-mains, enfin un truc minuscule pour une pièce de 25 m2 à température extérieure (-5°C tout de même). Alors Klara pousse une deuxième gueulante «  Quoi, tu te fous de nous ? tu crois qu’on va chauffer la pièce avec un truc pareil ? » Azar « mais ça fait 2000W, c’est beaucoup , ça va chauffer ! » « Tu te rends compte que c’est comme si tu voulais chauffer la pièce avec 10 ampoules électriques ! » (c’est une connerie, comme  le froid  peut vous en faire dire). Et là , gagné, il remonte avec un radiateur à infrarouges… Pendant qu’il allait le chercher, Gaelle raisonne Klara, en lui disant : « quoi qu’il ramène dis lui que c’est parfait, qu’on est content… » Et sur les conseils avisés de  Gaelle, Klara adopte un sourire de faux cul : «  It’s perfect, thanks, we’re so happy, you’re so nice… ». Et la nuit fut tout aussi glaciale que la précédente. Du coup, le lendemain matin, nous bouclons nos sacs rapido (de toute façon on tient pas plus de 15 minutes dans cette glacière). Et prévenons nos hôtes que nous partons, nous nous faisons même rembourser la dernière nuit, ce qui n’était pas gagné d’avance vu que l’office de tourisme se blinde en vendant des packages non remboursables non échangeables.  Direction le house boat, accueilli par un kawha et des ponchos en cachemire que l’on garde jusqu’au soir , et, le must, le chauffage d’appoint local, ou Firepot traditionnel, un panier d’osier contenant un pot de terre cuite dans lequel se consumme doucement du charbon,  avec des hampes assez grandes pour qu’on y poser les pieds , les mains ou le mettre entre les cuisses (ce qui lui vaut le surnom local aussitît adopté par Gaelle de Winter Boyfriend) , ou sur le ventre ou dans le dos (c’est souvent parce qu’ils portent leurs firepots que les cachemiriens ne mettent pas leurs mains dans les manches de leurs ponchos.

Gullam nous annonce qu’il va nous faire visiter le maximum de sites dans la journée, dans des endroits pas forcément touristiques mais qu’il apprécie et qui montrent « l’esprit du Cachemire ». Et puis des endroits où il a probablement quelques intérêts sur les ventes (comme des ateliers de tapis et de cachemire, de bijoux, de mandalas, etc..). On a visité plein de mosquées et de jolis sites, on vous prépare un diaporama, ça changera. On a même été visiter un saint homme, fils d’un riche banquier, (en aparté, de la part de Klara : « non non, ce n’est pas lui ! »), qui a renoncé à la fortune pour partir dans les montagnes vivre en ermite pendant 6 ans. Il est doté d’un don de guérison qui fait que les gens l’ont ramené un jour à côté de Srinagar, parce que il était un peu loin dans la montagne quand même pour eux, et ils lui ont construit une petite maison, où les gens viennent manger gratuitement, et peuvent aussi être reçus par lui.  Nous avons été autorisé à  nous assoir auprès de lui, et à partager le thé. Il s’allume un gros pétard (mais ne le partage pas, heureusement, parce que vu comment ça sentait l’afghan, on aurait été plutôt scotchées ). Il nous regarde et nous demande ce qu’on fait dans la vie. Quand Gaelle lui dit qu’elle s’occupe des vieilles personnes, il a été touché et a acquiécé en disant qu’elle s’occupait en fait de tout le monde. El là Gaelle a posé SA question, mais que à Klara, et cette question lui est sorti spontanément : «  Et moi, mais qui s’occupe de moi, au fait ? » Comment avait-il pu entendre et surtout comprendre ce langage étranger ? 5 minutes après , Gaelle reçoit directement sur ses genoux, lancé de sa main, un cran d’arrêt labellisé « Samouraï 2000 » , accompagné de ces mots : «  this is your protector » (C’est ton protecteur). Quant à Klara, elle demande à le prendre en photo, et… et il lui donne un sourire qui a illuminé le viseur de son objectif…  Il nous dit au revoir en nous souhaitant «  Bonne chance ».

Ce qu’on a oublié de dire, c’est que notre guide nous avait fourni un autorickshaw avec chauffeur pour nous emmener partout où on voulait. C’est vrai qu’on a vu de super beaux jardins. On a acheté un peu de cachemire, mangé des pâtisseries tout au long de la journée , bu  du tchai, mangé du pain du matin, de l’après midi , du soir, des beignets de graines de lotus ….Le soir, nos hôtes nous avaient préparé un repas cachemirien typique, avec de la viande (enfin), des boulettes d’agneau avec de la sauce à la crème, accompagné de riz, et de green leaves( feuilles vertes) qu’on voit pousser partout sur tous les bouts de terre qui entourent les maisons du Dal Lake, et qui ressemblent  un peu quand même à des épinards (mais qu’on ne trouve pas ailleurs paraît-il). Soirée avec la famille, surtout les deux jeunes filles qui nous attendaient impatiemment pour nous faire du henné sur les mains, mais on est rentré trop tard… Elles étaient curieuses de savoir ce qu’on avait visité, elles parlaient très bien anglais, on a bien ri, elles nous ont donné leurs bracelets, appris à nouer le voile , un truc pour être tranquille en Inde, paraît il quand on est une fille. Dernier thé et au lit. Moins froid quand même avec les bouillottes, et le côté très cosy du house boat avec ses boiseries de partout et ses tapis orientaux.

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