À chaque jour qui passe à la COP, ma boîte aux lettres électroniques se remplit de communiqués de presse d’acteurs de la société civile. Point commun : ils dénoncent tous des engagements insuffisants de la part des états. Évidemment, c’est leur mission, aux ONG, de revendiquer toujours plus que ce que les politiques peuvent décider. Et heureusement. Mais le tableau qu’elles brossent n’est pas très réjouissant, même si percent ça et là quelques lueurs d’espoir.
Le 2 novembre, le méthane était à l’honneur. Évidemment, un engagement mondial en faveur du méthane avait été approuvé, signé par plus de 100 pays se sont engagés à réduire les émissions de méthane d’au moins 30 % d’ici à 2030 (par rapport à l’année de référence 2020). S’il nous réjouit un peu, on sait déjà qu’ il sera insuffisant pour arrêter la catastrophe climatique.
Selon l’évaluation mondiale réalisée par le Programme des Nations unies pour l’environnement sur le sujet, publiée au début de l’année, les émissions de méthane devraient être réduites d’au moins 45 % d’ici à 2030 pour espérer rester en deçà d’un réchauffement planétaire de 1,5 degré.
Le méthane , deuxième gaz à effet de serre le plus important, est de près de 40 % du réchauffement à ce jour ! Il est 81 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2) sur 20 ans…
Mais rien n’est fait pour limiter les émissions de principaux secteurs économiques responsables :
– 40 % du méthane est émis par l’agriculture . 32 % des émissions de ce secteur sont dues à l’élevage, qui occupe par ailleurs à lui seul 80 % des terres agricoles et reste l’un des principaux moteurs de la déforestation. L’élevage animal compte pour 16,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Un rapport de la fondation Changing Markets (Blindspot: How lack of action on livestock methane undermines climate targets) souligne que ni les gouvernements ni l’industrie n’agissent alors qu’il faudrait réduire la consommation de viande et de produits laitiers, réduire la taille des troupeaux, passer à des pratiques agricoles régénératrices, mieux gérer le fumier ou encore réglementer les industries de la viande et des produits laitiers afin qu’elles déclarent leurs émissions et engagent des mesures pour les réduire…
– 35 % des émissions de méthane proviennent du secteur des combustibles fossiles , en particulier de l’extraction de gaz par fracturation hydraulique. Son impact climatique serait pire que celui du charbon dans la production d’électricité dès lors qu’il y a plus de 3 % de fuite de méthane le long du circuit d’approvisionnement ! Mais il y aussi évidemment tout le secteur de la pétrochimie, qui utilise le gaz comme matière première première. Il manque là encore une action politique coordonnée pour restreindre plus drastiquement ce secteur.
– Le secteur des déchets, enfin, reste intouchable. Incinérateurs ou décharges comptent tout de même pour 6 % dans les émissions de gaz à effet de serre. Imposer le compostage des déchets alimentaires et des déchets de jardin serait une mesure simple, bon marché et efficace pour réduire les émissions de méthane. Les décharges à l’air libre fuitent aussi…
Bien sûr, la question de l’énergie reste le point crucial pour espérer réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais les multinationales pétrolières, poids lourds de l’économie mondiale, ne sont pas vraiment pretes à remettre en cause leurs pratiques, comme le révèle une enquête de Disclose. Et ils ont eu une idée de génie : prendre le contrôle des énergies renouvelables pour ralentir la transition écologique. Il n’y a pas qu’eux d’ailleurs. Le nucléaire, vendu comme une énergie plus propre, est accusé de nuire à l’environnement ? Qu’à cela ne tienne ! Edf a rejoint le groupe des Total, Engie ou encore Shell.
Sinon, la sarcastique remise des fossiles du jour a couronné aujourd’hui la Norvège qui n’a jamais atteint le moindre objectif climatique mais dont le nouveau Premier ministre Jonas Gahr Støre, il n’est en poste que depuis quelques semaines, s’est surtout vanté auprès des médias de ce que « le gaz norvégien n’était pas le problème, mais une partie de la solution pour une transition réussie vers les énergies renouvelables », surtout s’il est associé au CCS, le captage et stockage du carbone (CSC) ! Ce leader travailliste considère que la production de combustibles fossiles est une solution pour le milliard de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité. Dans le monde de Støre, seuls les grands producteurs de charbon (dont ne fait pas partie la Norvège) sont concernés par les appels de l’Agence internationale de l’énergie et des Nations unies à mettre fin à l’exploration de nouveaux gisements fossiles. D’ailleurs, avant la COP, le gouvernement norvégien a été pris en flagrant délit de lobbying auprès du GIEC pour que ce dernier valide le CSC comme une solution permettant de poursuivre la production d’énergie fossile. En plus d’appeler à la poursuite de l’exploitation du pétrole et du gaz, il s’est joint à la Russie pour contester une potentielle interdiction européenne de forer dans l’Arctique. L’industrie pétrolière norvégienne est la principale source d’émissions nationales, mais cela ne représente que 10 % de ce qu’elle émet, 90 % de sa production étant exportée à l’étranger.
Le deuxième prix du « Fossile du jour » a été décerné au Japon qui entend continuer à utiliser des centrales à charbon au-delà de 2030 et même jusqu’en 2050. Quant au troisième prix, il est revenu à l’Australie, pour la deuxième fois. Angus Taylor a tenu une conférence de presse avec Santos, une sympathique compagnie de gaz de quartier, pour parler du CSC et de la façon dont ils vont enterrer leurs émissions sur leurs propres terres.
Tout n’était pas si noir, cependant, l’Inde semble être le champion climat du jour, ayant annoncé d’ici à 2030 pouvoir couvrir 50 % de ses besoins énergétiques grâce aux énergies renouvelables et réduire de 45 % ses émissions de CO2 (soit un milliard de tonnes)