À quelques jours d’un très attendu « Grenelle des antennes », les ondes électromagnétiques agitent la France, sur fond de procès, de controverses scientifiques… et de nouvelles résolutions adoptées par le Parlement européen.
Depuis quelques mois, la multiplication des victoires juridiques obtenues par les riverains d’antennes-relais contre les opérateurs inquiète le marché français de la téléphonie mobile. Les riverains sont montés au créneau, trouvant la parade à l’inaction : instaurer un rapport de force pour faire démonter les antennes par voie de justice.
Au mois de mars, pas moins de cinq nouveaux procès ont démarré. Et à ceux qui pourraient dire que l’avocat, toujours le même, Maître Forget a trouvé une nouvelle clientèle pour renflouer son cabinet, on rétorquera que c’est un avocat engagé, qui fait partie des robins des toits. D’ailleurs, le président des robins des toits rappelle que l’avocat a même trouvé le moyen pour que cela coûte aux plaignants le moins d’argent possible (S’agissant souvent de locataires d’immeubles HLM (car il est plus facile pour les bailleurs de négocier avec les bailleurs sociaux), il leur propose de se regrouper en mini classe actions (il suffit pour cela que les locataires regroupent les indemnités forfaitaires dont ils disposent contractuellement pour couvrir les frais de justice liés aux préjudices qui les opposeraient à leurs bailleurs (500 à 700 euro).)
Les politiques, tout comme l’académie de médecine ont critiqué le fait que ce soit des décisions de justice. Mais comme le rappelle Maître Forget, les magistrats se sont prononcés sur des pièces, émettant pour la plupart d’opérateurs ou de scientifiques dépendant des opérateurs. Les juges ont reconnu qu’il y avait une controverse scientifique. Le constat d’une controverse fait naître chez les gens exposés un sentiment de peur qui justifie la reconnaissance d’un trouble anormal du voisinage, justifiant l’application du principe de précaution.Un argument avancé par les opérateurs est que l’état est propriétaire de l’air et qu’il a donné aux opérateurs l’autorisation d’utiliser l’air. Que démonter l’antenne c’est porter atteinte aux services publics, que ça relève donc du tribunal administratif et non de la justice.
Pour mettre un terme à ces tensions, anxiogènes pour le grand public, un « Grenelle des antennes » doit se tenir le 23 avril prochain. Les déclarations des scientifiques français « officiels », de l’Académie de médecine par exemple, se veulent rassurantes et n’invitent pas à la révision des normes actuelles d’exposition. Elles donnent du grain à moudre aux opérateurs de mobiles et au législateur tout en attisant les colères de scientifiques indépendants, d’associations d’usagers et des Verts.
Les débats font rage, comme en témoignent les colloques et réunions publiques organisés en préambule de ce Grenelle :
Au Sénat, le 23 mars dernier, un colloque organisé par les sénateurs Marie-Christine Blandin et Jean Desessard à l’initiative des associations Robin des Toits et Ecologie Sans Frontière et du syndicat Supap-FSU a donné la parole aux scientifiques militants pour des réglementations plus strictes sur la foi des résultats des études qu’ils ont menées. À cette occasion, Marie Claire Daveu, directrice du cabinet de Nathalie Kociusko-Morizet , au nom de la secrétaire d’état à l’économie numérique a rappelé une autre pierre d’achoppement : l’exigence de couverture des territoires par la téléphonie mobile et les réticences de élus préoccupés par le développement des infrastructures. Au moins, la volonté de démonstration scientifique que montrent les associations aura été reconnue : « c’est la seule qui peut justifier le principe de précaution ». Paradoxalement, le conseiller scientifique de l’Association Française des Opérateurs de Mobile ou les représentants de l’académie de médecine brillaient par leur absence. Ainsi que L’AFFSSET restée singulièrement muette. Absente, au départ parce que NKM n’y était pas, puis, à l’annonce que sa chef de cabinet y serait, lettre circonstanciée disant qu’ils ne voulaient pas intervenir avant la publication de l’étude en cours ! a rappelé Marie Christine Blandin.
Le 6 avril, à l’Assemblée nationale, c’était au tour de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de rassembler scientifiques, associations, décideurs – français et étrangers – pour une audition publique sur les antennes relais à l’épreuve des inquiétudes du public et des données scientifiques. Bernard Accoyer nous a offert quelques belles perles lors de son allocution d’ouverture.. Et André Aurengo, de l’Académie de médecine, critiqué pour son appartenance (« bénévole », a-t-il précisé) au conseil scientifique de Bouygues Telecom, n’a pas manqué contester comme on s’y attendait toutes les études montrant des effets nocifs des champs électromagnétiques en les qualifiant de fausses, voire de frauduleuses. Sa remise en cause va jusqu’à la légitimité de la norme de 0,6V/m , qui est aujourd’hui mise en avant et exigée par les associations d’usager (ou 1mW/m2). En effet, cette norme selon lui proposée en 1998 par Oberfield, s’appuye sur la base d’une étude de Mann et Röschke de 1996 qui montrent un effet des ondes à 900MHZ à 500mv/m2. Appliquant un facteur de sécurité de 500, ils aboutissent à cette norme de 1mW/m2. Le problème étant pour lui que ces auteurs eux-mêmes ont refait leur étude deux ans plus tard…et n’ont pas retrouvé ces résultats. De même comme l’étude de Rubik en 2005, dans Psychosomatic Med, semblemontrer qu’il n’existe effectivement aucun système sensoriel permettant de ressentir des ondes de radiofréquences, c’est bien que l’EHS serait une maladie…psychosomatique ! Et puis, Bioinitiative ne serait pas une étude scientifique, ce serait pour ça que l’OMS aurait refusé de la commenter. En plus, Cindy Sage, l’une des auteurs du rapport, est aussi la pdg d’une entreprise vendant des dispositifs de protection contre les champs magnétiques, Aurengo se défend ainsi d’être le seul à être soumis à un conflit d’intérêt ! (Mais bon ,il est facile de jouer de sa stature de médecin pour impressionner un auditoire avec des diapositives. D’ailleurs, dans un souci de transparence toute scientifique, Aurengo avait même été jusqu’à promettre les powerpoints de ces diapos à qui voulait les avoir, (personnellement je les lui ai demandées…il ne m’a toujorus pas répondu!!!) ….)
Dans chaque camp, les débats deviennent vite passionnels autour de la question de la nocivité des antennesrelais. Au point que le grand public ne sait plus à quels experts se vouer : l’expertise « officielle » est critiquée pour les inévitables conflits d’intérêts qu’elle soulève… Alors que l’expertise « indépendante » est tout simplement taxée de « pseudoscience ». Ainsi, la question de l’effet des champs électromagnétique sur la santé humaine divise la science, donc l’opinion . Et puis, fait hautement suspect, comme le rappelle Bakchich aussi cette semaine, les compagnies d’assurance refusent généralement de couvrir le risque en responsabilité civile concernant les champs électromagnétiques. Connaissant la capacité des assureurs à évaluer tout type de risque et à parier sur l’avenir, « on est en droit de s’interroger sur les raisons qui les motivent à appliquer à leur façon le principe de précaution! «
Des études ont certes montré des effets, mais pour être « validées » les résultats doivent être reproduits. Car, le principe du fait scientifique est d’être reproductible. Ainsi, si une étude montre un effet quelconque, d’autres études fondées sur les mêmes protocoles sont attendues montrer les mêmes résultats. En revanche, si la dite étude ne montre pas d’effet, la question de sa validité scientifique est remise en cause. Et jusqu’à présent, c’est là que le bât blesse. une étude qui montre un effet est refaite…par des scientifiques du » camp adverse », celui des opérateurs de mobile…Et puisn plus le temps passe, plus c’est difficile : les différents rapports réalisés par les commissions nationales d’évaluation des risques en Europe pointent toutes le manque d’études épidémiologiques. Elles deviennent même de plus en plus difficilement envisageables, faute de « population témoin », tout le monde étant potentiellement exposé. Ces études (in vitro ou sur l’animal) ne montreraient rien de bien probant, en tout cas rien qui permettent de lever tous les doutes et d’aboutir à un consensus scientifique.
À Bruxelles, deux récents rapports invitent à plus de prudence. Le premier émane des experts du Comité scientifique sur les risques de santé émergents et nouvellement identifiés (SCENIHR) de la Commission européenne (1) . Le second, d’une parlementaire belge, Frédérique Ries, adopté au Parlement européen à une écrasante majorité (559 voix) le 2 avril (2). L’un comme l’autre réaffirment la nécessité d’appliquer le principe de précaution quant à l’exposition des citoyens aux champs électromagnétiques, faute de données scientifiques suffisantes.Ainsi, selon le rapport Ries, il faut agir rapidement, sans attendre le résultat des études scientifiques et appliquer le principe de précaution en limitant le champ électrique à trois volts par mètre (V/m), comme l’on déjà décidé neuf Etats membres. Pour comparaison, la limite européenne actuelle est de plus de 40 V/m aujourd’hui. Il préconise également une vaste campagne d’information sur les bonnes pratiques à connaître quand on a un téléphone portable, d’éviter d’implanter des antennes-relais ou des lignes haute tension à proximité d’écoles, de crèches, de maisons de retraite ou d’institutions de santé et de rendre public des cartes notifiant les degrés d’exposition aux ondes électromagnétiques. Et donc de réviser, bien qu’aucune loi européenne n’oblige les États membresà prendre des mesures particulières en matière d’ondes, les normes limites d’exposition de juillet 1999 sur la base de valeurs préconisées par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP) : les antennes-relais GSM, DCS et UMTS doivent être respectivement en dessous de 41,25, 58,33 et 61 V/m… Des valeurs qui restent élevées et justifient le principe dit « Alara » (as low as reasonably achievable) en vertu duquel l’exposition aux rayonnements doit être aussi faible que possible « raisonnablement ». À l’instar de certains États membres, qui l’appliquent déjà : la Grèce, la Pologne, ou l’Italie ont adopté des normes plus sévères d’exposition atteignant même 3 V/m en Belgique et au Luxembourg. La France, elle, attend son Grenelle.
(1) « Health Effects of Exposure to EMF » Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks (SCENIHR), Commission Européenne, 19 janvier 2009, 84 pages (pdf)
(2) Rapport sur les préoccupations quant aux effets pour la santé des champs électromagnétiques, Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité Alimentaire (Rapporteure: Frédérique Ries), janvier 2009, 11 pages ( lien non valide…)
A suivre à l’antenne de Radio Ici et Maintenant, le 16 avril de 14h à 17h30 . Mon invité sera Maxence Layet. Et le 19 avril à 23h. Mon invitée sera Annie Lobé, de Santé publique éditions. (Voir page « nouveau »)
L’électrohypersensibilité
Le témoignage d’une électrosensible : [audio:evy.mp3]
Le professeur Belpomme a présenté les premiers résultats d’une étude qu’il mène sur le Syndrome d’Intolérance aux Champs Electromagnétiques (SICEM). Il se base sur une série de 88 malades qui se sont présentés avec un SICEM. Il dit avoir été auditionné pendant plus de 3 h par l’AFFSSET. Son étude porte sur 88 malades, 24 hommes et 64 femmes, âgés de 47 ans en moyenne. Il décrit une pathologie démarrant d’abord par des douleurs cervico-cranio-faciales (céphalées) comme des syndromes méningés, des troubles de la sensibilité superficielle et profonde, ainsi qu’un déficit d’attention ou de concentration. Puis, par de l’insomnie, de la fatigue et de la dépression. Ont été objectivés des résultats à l’échodoppler cérébral pulsé témoignant d’une activité similaire à la maladie d’alzheimer, témoin d’une souffrance cérébrale majeure, ainsi qu’une augmentation des protéines de stress cellulaire HSP27 et ou HSP70, ainsi qu’une baisse de la mélatonine dans les urines. Il est parvenu à établir un lien avec la présence de CEM, sur la foi des déclarations des gens (lorsqu’ils sont en présence d’un tel champ, ils disent aller mal, mais mieux lorsqu’ils en sont loin)…sur la foi de résultats biologiques chez l’animal et enfin, sur la base de tests de provocation (zone blanche avec CEM < 0,1 V/m puis zone avec CEM de l’ordre de 3 à 4 V/m. A chaque fois, l’EEG a montré un retard à la fermeture des yeux. La distinction avec l’electrosensibilité est justifiée selon lui par la distinction entre ce qui pourrait être génétique et ce qui est acquis. Le SICEM s’acquiert. Belpomme est convaincu que c’est en lien avec la présence de magnétosomes, et a pour projet de les doser dans les cellules pour voir s’il y a une corrélation entre le taux de magnétosomes dans les cellules et les symptômes. Les magnétosomes sont des agrégations de 50 à 100 cristaux de magnétites, il y aurait des millions de magnétosomes dans nos systèmes nerveux, en particulier dans les les cellules gliales (astrocyte) , cités par Kirschvink JL, Kobayashi-Kirschvink A, Woodford BJ. Magnetite biomineralization in the human brain.Proc Natl Acad Sci U S A. 1992 Aug 15;89(16):7683-7.
http://www.pubmedcentral.nih.gov/articlerender.fcgi?tool=pubmed&pubmedid=1502184 (texte intégral)
Kirschvink JL, Kobayashi-Kirschvink A, Diaz-Ricci JC, Kirschvink SJ. Magnetite in human tissues: a mechanism for the biological effects of weak ELF magnetic fields. Bioelectromagnetics. 1992;Suppl 1:101-13. Review.
Kobayashi AK, Kirschvink JL, Nesson MH Ferromagnetism and EMFs. Nature. 1995 Mar 9;374(6518):123.
L’évolution de la maladie se fait selon une régression des symptômes, une atteinte dégénérative du SNC, une surdité de perception, un neurinome, un cancer… Ailleurs, en Suède, le professeur Johanson a rappelé que l’EHS est reconnue comme un trouble fonctionnel depuis 2000, qu’il y aurait en Suède de 230 à 290 000 suédois atteints..que ces personnes relèvent des lois sur l’égalité des chances des handicapés…
Impressionant témoignage d’Evelyne surtout très clair et complet. Je ne suis personnellement sensible qu’au Wifi qui provoque chez moi une dyshidrose (des mains pendant 5 ans puis des pieds quand j’ai installé la Livebox à mes pieds (Là j’ai enfin compris !) puis suite à une heure de visite à l’hôpital de Valence une atteinte beaucoup plus généralisée mais seulement cutanée. Toutefois j’ai bien ressenti tous les caractères soulignés par le récit et dans mon cas, certes moins grave car il est beaucoup plus simple de se protéger du Wifi, il faut tenir compte des traitements chimiques des vêtements (lavage, nature du tissu, et traitements de coloration et conditionnement à l’état neuf et cela rejoint le dilemme du voyage, des réunions, des hébergements et heureusement qu’en périodes sensibles on puisse encore se vêtir de coton (mais pas blanchi !), Il manque du coup un renseignement utile: Les phénomènes de sensibilité peuvent se maifester en achetant un vêtement provoquant une allergie ou en ingérant un médicament (Ex du « Preterax » [commun contre l’hypertension] qui le note d’ailleurs sur la notice !!! .