19 décembre 2024 . Figurez-vous que, informée d’une étude internationale pointant le danger des ustensiles de cuisine faits de plastique noir – tout pleins de « Black Carbone » ou «charbon suie », un composé toxique car contenant un peu tout et n’importe quoi, et notamment du déchet électronique – j’ai jeté tous les ustensiles de cuisine faits de plastique noir « à la jaille ».
Ou plutôt , je les ai apportés à ma Ressourcerie préférée en faisant la maline à leur dire « Surtout, ne les mettez pas au rayon vaisselle, ces trucs sont toxiques. Si je vous les rapporte, c’est qu’on peut pas les recycler il parait et je ne sais pas quoi en faire. »
L’origine de l’avertissement, c’était un article très sérieux de la revue scientifique « Chemosphere» paru en octobre 2024 (1). Les chercheurs avaient mesuré le relargage de retardateurs de flamme bromés contenus dans ces plastiques noirs. Et conclu que dans certains cas, de dangereux seuils de toxicité étaient atteints. Et que l’homme pouvait ainsi se contaminer par voie alimentaire, suite à la migration de ces dangereux composés dans la nourriture , depuis les ustensiles servant à la touiller. Seule solution : par prudence, se débarasser des dits ustensiles.
Mais le plus sérieux des chercheurs n’est pas à l’abri d’une erreur de calcul – ce qui non seulement aurait pu faire une jolie fable de la Fontaine mais aussi me rassure, très égoïstement, ayant pour ma part toujours été nulle en maths… Et il se trouve que dans le numéro de décembre du même Chemosphere (2) , les auteurs se confondent en excuse de s’être trompés d’échelle (de valeurs) , et pas qu’un peu puisque c’est d’un facteur 10 – ça la fout mal !
En fait, ils se sont trompés en faisant une multiplication afin de calculer la dose limite à laquelle peut être exposée un adulte de 60 kg . La norme américaine étant de 7000 nanogrammes / kg/ jour, c’est pour un adulte de 60kg une dose 60 fois journalière 60 fois plus élevée qui peut être tolérée, soit 420 000 nanogrammes par jour . Mais les chercheurs l’ont évaluée à 42 000 nanogrammes, dans leur article initial ! La bourde ! Les ustensiles de cuisine les plus contaminés n’exposent pas à une migration supérieure à plus de 34 700 nanogrammes de composés bromés dans les aliments , ce qui serait toujours moins que les « valeurs autorisées » pour un adulte de 60kg. Mais qu’en est-il pour les enfants ? Et, par ailleurs, les experts notent que les taux de composés bromés migrant de ces produits ne sont pas très clairs.
Après, évidemment, on peut se demander sur quelles bases ont été fixées ces « valeurs autorisées », s’agissant de composés perturbants notamment les fonctions endocriniennes, on peut supputer qu’elles sont de toutes les manières probablement toujours trop élevées. Mais les fabricants d’ustensiles de cuisine en plastique noir, qui avaient probablement eu quelques suées à lire l’article initial, doivent être désormais rassurés. Même si, comme tous les marchands de doute, certains scientifiques ne manquaient pas d’ expliquer que quand bien même les valeurs limites seraient dépassées – ce qui arrive parfois tout de même ! – il ne s’agirait pas de confondre risque et danger, citant à l’appui les habituels exemples : un couteau n’est pas une arme tant qu’il n’est pas utilisé comme tel ou encore un requin n’est dangereux que si l’on se trouve dans l’eau à côté de lui – s’il est dans la mer, et qu’on se trouve dans son canapé on ne craint rien. Cela va sans dire – mais ça va mieux en le disant, aurait dit Pierre Dac. Avec l’ erreur reconnue des auteurs de l’étude, cette dernière a évidemment beaucoup moins d’impact.
En tant que consommateur, cela ne suffira évidemment pas non plus à nous convaincre que les normes relatives à des produits chimiques sont fixées « pour nous protéger ». On sait bien qu’elles sont établies de manière plus arbitraire que scientifique, principalement pour permettre la mise sur le marché de produits toxiques qui ne devraient pas s’y trouver. En somme, à quoi servent -elles si ce n’est à délimiter un « seuil d’empoisonnement acceptable » ?
Et on aura beau rappeler que l’étude ne mentionnait pas plus de 8% des ustensiles particulièrement contaminés, cela ne suffit pas à nous rassurer. Car quand on tombe sur un ustensile contaminé, ben , …c’est 100% !
Finalement, même si l’erreur est humaine, le seul moyen d’être certain de se prémunir des risques des ustensiles de plastique noir…c’est ou de s’en débarasser, ou de les laisser pendus à leur crédance, façon déco – c’est pas très joli quand même et pis ça prend d’la place.
Que sont les erreurs de calcul de chercheurs qui sont supposés vérifier leurs calculs si ce n’est la preuve flagrante ou de l’étendue de leur ignorance ou de leur soumission aux intérêts industriels ? Je ne regrette pas m’en être débarassé, tout cela suggère plutôt de ne pas s’en servir !!
(1)Megan Liu, Sicco H. Brandsma, Erika Schreder « From e-waste to living space: Flame retardants contaminating household items add to concern about plastic recycling » Chemosphere, Volume 365, October 2024, Pages 143319
(2) Megan Liu, Sicco H. Brandsma, Erika Schreder « Corrigendum to ‘From e-waste to living space: Flame retardants contaminating household items add to concern about plastic recycling’ [Chemosphere 365 (2024) 143319] »