« The Substance », ou la dualité de la moi-elle

14 décembre 2024 – Un body-horror français? C’est ce qui m’a poussé à aller voir ce film de Coralie Fargeat. À la fois fiction sur le « dur désir de durer » et romance féministe autour de la vengeance d’une femme, « The substance » (en anglais dans le texte) , propose une allégorie de l’elixir de jeunesse et de la fontaine de jouvence, version Doppelgänger . L’histoire, en 3 mots : Elisabeth Sparkle dure depuis trop longtemps , on l’a virée de son émission de télé ; après avoir eu un méga accident de voiture en rentrant chez elle – elle n’arrive même plus à conduire sa vie! – , à l’hosto, un infirmier tâte son dos , mais ce n’est même pas pour la draguer. Il la juge « compatible », il lui dit mystérieusement que « ça a changé sa vie ». L’ex-star rentre chez elle, trouve dans sa poche une clé USB titrée the Substance qui lui parle « d’une meilleure version d’elle-même » qu’elle peut générer grâce à elle. Après quelques hésitations, elle se procure le kit, dans un vieil entrepôt désaffecté , et se l’injecte. Un clone d’elle (en plus jeune donc plus belle) lui sort de l’échine dans une scène digne d’Alien, comme une sorte d’enfant dans le dos? La règle, c’est l’alternance : 7 jours pour la version jeune, 7 jours pour la version vieille. Et il s’agit d’une seule et même personne. Sauf que la version jeune et belle finit par se prendre pour un individu, elle utilise la version veille comme substrat pour se régénérer, et la « pompe » au sens littéral, dans la moelle (la substantifique moelle?) . Quant à la version vieille, celle qui a décidé de l’expérience, elle se trouve à chaque fois qu’elle retrouve son état, comme dépossédée d’elle-même, se sentant remplacée, niée, c’est-à-dire…reléguée au rang où on l’a placée depuis le début ! Son état mental, loin d’évoluer, devient de plus en plus psychopathique. Elle cherche à marquer son territoire, en bouffant n’importe quoi, en faisant n’importe quoi dans son appartement. Au point de devenir de plus en plus haïssable à sa version jeune. Cette dernière devient une rivale qui la met en danger. et la fait vieillir de plus en plus vite. Pourtant, rappelle le mystérieux interlocuteur qui gère le service après-vente de the substance, les « deux sont une », elles sont une seule et même personne. Comme la dualité que nous pouvons porter en chacun de nous, ces deux parties sont cependant rivales et ennemies, jusqu’à s’anéantir l’une et l’autre. La belle ne pouvant pas exister sans la bête. Tandis que la bête , pour pouvoir continuer à vivre, doit accepter de tuer la belle …

Qui est derrrière l’expérience? Une scène nous montre Elisabeth Sparkle prendre un café dans un restau situé non loin du hangar où elle s’approvisionne en kits pour poursuivre l’expérience. Et…son voisin semble être la version vieille de l’infirmier qu’elle avait vu à l’hôpital, son portefeuille tombe, il a une carte d’approvisionnement portant le code 207. Elisabeth a le code 503… on suppose ainsi qu’ils sont plusieurs centaines à prendre la substance …et se sont fait avoir . Car tous se retrouvent confrontés au même problème, se vivant relégués à l’arrière plan par la meilleure version d’eux-mêmes. Mais comment espérer rester intègralement bien avec soi-même quand on ne rêve que d’ être quelqu’un d’autre? The substance questionne aussi l’amour de soi …

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