Une cosmétique plus propre

Face aux nouvelles réglementations européennes mais aussi à la vigilance accrue des consommateurs, les cosmétiques tendent à devenir beaucoup plus propres qu’ils ne l’étaient. Les conventionnels sont de plus en plus nombreux à emprunter pour cela le chemin tracé par le bio. Pour autant, le bio, s’il a permis de grandes avancées, est encore loin d’offrir au consommateur la garantie d’une innocuité parfaite. S’informer de manière attentive non seulement sur les labels, mais aussi sur la composition des produits et les pratiques des fabricants reste encore un passage obligé pour le consommateur final. D’autant plus que les labels sont nombreux et ne garantissent pas tous la même chose… 

létude sur les cosmétiques publiée en septembre 2013 par le Réseau environnement santé (RES) a encore donné l’alerte : sur 15 000 produits notés par l’institut indépendant Noteo, près de 40 % contiennent au moins un perturbateur endocrinien ! Parmi les plus fréquemment trouvés, les parabènes (23 %) et le cyclopentasiloxane (15 %). Toutes les catégories de produits d’hygiène et de beauté sont concernées : au premier chef, les vernis à ongles (dont 74 % contiendraient un ou plusieurs perturbateurs endocriniens), les fonds de teint (71 %), les produits de maquillage pour les yeux (51 %), puis les rouges à lèvres (43 %), les soins du visage (38 %), les déodorants (36 %), les dentifrices (30 %) et enfin les shampooings (24 %). Les substances incriminées dans l’étude ne sont rien moins que celles qu’un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de février 2013 considérait comme « une menace mondiale » pour la santé humaine et l’environnement. Une menace qui ne concerne que très peu les produits bio : l’étude de Noteo ne retrouve de perturbateurs endocriniens que dans 1,3 % d’entre eux. Il s’agit principalement du cinnamal, une molécule naturellement présente dans certaines huiles essentielles (cannelle, jacinthe, patchouli…). Autre cri d’alarme récent : une étude de l’Association allemande pour l’environnement et la protection de la nature (BUND) parue en juillet révélait la présence de substances chimiques problématiques dans un tiers des 60 000 produits cosmétiques distribués Outre-Rhin.

Poisons quotidiens

Des études toxicologiques menées par des chercheurs indépendants ou appartenant à des organismes de recherche publique montrent déjà depuis une bonne dizaine d’années que de nombreuses substances utilisées dans les cosmétiques peuvent irriter la peau et enlever son enveloppe protectrice, la traverser, circuler dans le sang, s’accumuler à certains endroits de l’organisme ou prendre la place habituellement réservée aux hormones (perturbateurs endocriniens). On sait que certaines déclenchent, aussi, des réactions allergiques ou provoquent des cancers. Les substances pointées sont des produits dérivés de la chimie des hydrocarbures, que les industriels eurent un jour l’idée d’incorporer à des crèmes de beauté, probablement plus pour exploiter au maximum les résidus des raffineries de pétrole que pour la santé de notre peau. Or les cosmétiques, contrairement aux médicaments, ont le droit de se passer d’autorisation de mise sur le marché car ils sont supposés ne pas avoir d’effets notoires sur l’organisme. Pourtant la peau étant ce qu’elle est, une simple interface entre l’intérieur et l’extérieur, toute substance chimique qu’on lui applique peut finir par pénétrer dans l’organisme et y avoir un effet bien moins anodin que ce que l’on ne pensait ! L’histoire n’est pas neuve. Déjà du temps des Égyptiens et des Romains, les belles utilisaient un fard à base de céruse, une poudre de plomb qui rendait la peau blanche. Mais aussi du vermillon, poudre de cinabre (minerai de mercure) qui leur donnait le rouge aux joues. Non sans effets notoires, bien évidemment.

L’Europe plus stricte

Que les cosmétiques puissent être dangereux n’est donc pas une découverte, mais le législateur a quelque peu tardé à intervenir dans le domaine de la beauté. Il aura fallu pour cela qu’éclate en France l’affaire du talc Morhange, en 1972. Suite à une erreur de manipulation, le fabricant de ce talc destiné aux fesses des nourrissons avait surdosé son produit en hexachlorophène, une substance bactéricide toxique à haute dose. Bilan : plus de 30 morts et 200 victimes lourdement handicapées. S’en était suivie dès 1975 une loi et rendant obligatoires l’étiquetage des cosmétiques et la traçabilité des lots. Mais pas leur innocuité. Trois décennies plus tard, en mars 2005, un reportage d’Envoyé spécial, sur France 2, remettait le problème sur le tapis en révélant au grand jour que les produits cosmétiques recelaient de nombreux ingrédients nocifs : conservateurs comme les parabènes ou le phénoxyéthanol, éthers de glycol, phtalates, sels d’aluminium antitranspirants. Plusieurs campagnes d’ONG écologistes comme Greenpeace (Cosmétox) ou le WWF (Toxiques au quotidien) dénonçaient, outre les effets néfastes de ces substances pour la santé humaine, leurs conséquences désastreuses pour l’environnement. Les législateurs ont alors renforcé les règles, favorisées par le contexte de renforcement réglementaire de l’Union européenne… Pour notre santé, une réglementation européenne sur les cosmétiques s’est mise en place dès 2006. Puis une version plus stricte, rédigée en 2009, entrée en application le 11 juillet decette année. Plus largement, concernant tous les produits chimiques employés par l’industrie (dont celle des cosmétiques), une réglementation européenne REACH (Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals) demande depuis 2007 aux fabricants de réaliser des évaluations toxicologiques des produits qu’ils mettent sur le marché et dont bon nombre, donc, entrent dans la composition des cosmétiques. Mais son application est suivie avec la lenteur du mastodonte, ce qui laisse encore bon nombre de substances dangereuses sur le marché…

Le nouveau règlement Bien sûr, ce nouveau règlement entré en vigueur le 11 juillet dernier interdit l’utilisation des substances reconnues comme cancérogènes (tels que les colorants azoïques ou les muscs de synthèse) et comme perturbateurs endocriniens (nonylphénol ou bisphénol A). Il interdit aussi les phtalates les plus dangereux tels que le dibutylphtalate (DBP) ou le diéthylhexylphtalate (DEHP) ainsi que de nombreux hydrocarbures, comme le pétrole (petrolatum) qui avait fait les beaux jours d’une célèbre lotion

Les industriels, pas pressés de faire évaluer leurs ingrédients

La réglementation européenne REACH impose depuis 2007 à tous les fabricants de produits chimiques (dont font partie les ingrédients de l’industrie cosmétique) de réaliser eux-mêmes les évaluations toxicologiques des produits qu’ils mettent sur le marché. Malgré ces obligations, de nombreux produits que l’on sait être dangereux continuent d’être diffusés. Les industriels, réunis dans un lobby puissant et influent, se réfugient derrière l’ampleur de la tâche : 30 000 substances à évaluer…, également derrière son coût (ces évaluations toxicologiques coûtent très cher), pour faire traîner les choses. Même si la commission européenne a dressé un bilan plutôt positif en juin 2012, recensant plus de 7 000 substances correctement enregistrées, des ONG comme Greenpeace pointent le fait qu’il ne s’agit pas des plus dangereuses ou des plus préoccupantes : des 500 substances connues comme cancérogènes, seules moins d’une centaine ont été évaluées. Quant aux substances produites en petite quantité (moins de 10 tonnes), comme les nanoparticules qui ont fait les beaux jours de l’innovation cosmétique de ces dernières années, elles ne seront pas évaluées avant 2014 • * Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals.

6 conseils pour bien choisir

Lire les étiquettes ? Pas toujours facile… Voici comment aller à l’essentiel dans lechoix d’un produit.

Cherchez le label ! Bio, les cosmétiques sont moins toxiques.

Observez la liste des ingrédients et privilégiez les compositions courtes. Plus un produit contient d’ingrédients, plus il risque d’entraîner des allergies. Notez que même certains produits cosmétiques biologiques présentent des formules « chargées » de 20 à 50 ingrédients, ce qui n’est pas sans rappeler parfois la cosmétique classique…

Ne vous faites pas avoir par les mises en avant trompeuses d’un extrait de plante. Les ingrédients sont présentés par ordre décroissant d’importance. Mais lorsqu’ils sont présents en quantité inférieure à 1 %, ils peuvent être cités dans le désordre, sans préciser le pourcentage. Rien n’empêche alors le fabricant de placer un extrait de fruit ou de plante représentant seulement 0,001 % de la composition avant un conservateur conventionnel présent à 0,2 % ou 0,3 % !

Si vous choisissez un cosmétique non labellisé, repérez dans la liste les ingrédients qui risquent de mettre votre santé en danger (voir encadré). Méfiez-vous aussi des produits étiquetés « sans paraben » qui peuvent contenir des conservateurs non moins problématiques.

Préférez la douceur : privilégiez les formules à base d’eau (aqua), et même d’eaux thermales ou florales. Pour les produits lavants, évitez le SLS (sodium lauryl sulfate) et le laureth sulfate, réputés être les plus irritants pour la peau, mais autorisés, y compris en cosmétique bio, ainsi que l’ammonium lauryl sulfate, particulièrement irritant mais là encore autorisé par exemple dans la charte Cosmébio. A contrario, privilégiez les tensioactifs issus du sucre (gluco) ou du coco comme le sodium cocoyl glutamate.

N’oubliez pas qu’en vertu de la loi du 1er janvier 1997 sur l’étiquetage des cosmétiques, vous êtes en droit de demander au fabricant la composition exacte de son produit.

capillaire visant à empêcher la chute des cheveux… et qui a, depuis, dû être remplacé. Enfin, il interdit également pas moins de vingt-deux ingrédients particulièrement dangereux qui étaient jusqu’alors autorisés dans les teintures capillaires. Mais il continue d’autoriser les controversés parabènes, des conservateurs accusés d’affecter aussi la qualité du sperme, le développement du foetus mâle et d’être de forts sensibilisants et irritants pour la peau et les yeux, des alkylphénols, utilisés pour la fabrication de parfums, ainsi que d’autres substances problématiques comme les butylhydroxytoluène (BHT), le butylhydroxyanisole (BHA), l’ethylenediaminetetraacetate (EDTA), et certains filtres solaires.

Les risques de la substitution

Poussés par la mauvaise publicité faite autour de ces substances, certains laboratoires ainsi que de grandes marques de cosmétiques ont commencé à revoir totalement leurs formulations, comme en témoignent les nombreuses étiquettes « sans » qui fleurissent sur les flacons de gels douche, de crèmes ou de shampooings. Un progrès qui ne doit pas nous rendre dupes : même si l’étiquette est très vendeuse, la mention « sans parabène » ne signifie pas pour autant sans danger. Certains fabricants ont en effet remplacé ces conservateurs par d’autres, tout aussi hasardeux. Ce qu’illustre parfaitement le cas des lingettes pour bébé sans parabène : celles-ci contiennent souvent de la chlorhexidine digluconate, un antiseptique qui passe dans le sang et peut être responsable d’eczéma de contact, ainsi que du méthylisothiazolinone (MIT) et du méthylchloroisothiazolinone (MCIT)… Cela alors même que les lingettes, ainsi que l’a dénoncé dès 2008 le Comité pour le développement durable en santé (C2DS), ne sont pas supposées devoir être suivies d’un rinçage à l’eau et qu’elles mettent la peau des nourrissons (à l’endroit où elle est le plus sensible !) longtemps en contact avec ces substances. Le MIT a clairement été associé par la Société française de dermatologie à l’explosion du nombre d’irritations et d’eczéma chez les nourrissons. Cela, précisément, depuis que… les parabènes sont tombés en disgrâce. Autres conservateurs tout autant autorisés dans les produits sans parabènes, le formaldéhyde, pourtant reconnu comme cancérigène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) ainsi que des conservateurs susceptibles d’en émaner au contact de l’eau (ce qui est habituellement le cas lorsque l’on se lave !) – DMDM hydantoïne, quaternium-15, imidazolidinyl urea, qui peut causer des dermatites, ou les 2-bromo-2-nitropropane-1,3- diol. Pas de réserve non plus pour le triclosan, un agent antibactérien qui pourrait notamment favoriser l’apparition des résistances aux antibiotiques.

Le bio à portée de fraude

Une enquête publiée en 2009 par la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) rappelle même que les industriels peuvent mentir sur la concentration en ingrédients d’origine naturelle (autrement dit avoir recours à la place à des composés synthétiques) : sur 47 prélèvements réalisés en 2006 et 2007 par l’organisme officiel, six ont même été déclarés non conformes à cause de la présence de produits de synthèse dans des produits pourtant qualifiés de naturel ou de bio

Exclus dans les produits bio

Face à ces produits douteux, le bio s’impose clairement comme un rempart. Les substances synthétiques les plus dangereuses y sont proscrites, même si, les conservateurs restant indispensables, la plupart des labels en autorisent certains, les plus doux : acide sorbique, acide citrique ou benzoate de sodium. En cosmétique bio comme en conventionnelle, la mention « sans conservateurs » mise en avant par certains fabricants demande, là encore, méfiance : mis à part certains conditionnements (airless) qui permettent vraiment de se passer de ces substances, elle signifie que le fabricant utilise simplement un produit qui n’est pas référencée comme conservateur dans le règlement européen. Par exemple des huiles essentielles ou des alcools, dont l’utilisation peut aussi exposer le consommateur à des risques d’allergie ou d’intolérance cutanée.

Sous leurs jolis noms, ils cachent le pire de la chimie…

Parmi les quelques 2 500 substances couramment employées en cosmétique, une dizaine, depuis

longtemps interdites en bio, sont toujours utilisées dans des produits cosmétiques courants.

Si vous n’achetez pas bio, sachez les éviter.

Avène, Cold Cream Pain surgras, Klorane, Déodorant très doux à l’althéa blanc, bille

Contient :Butylhydroxyanisole (BHA),antioxydant

Nocivité : Perturbateur endocrinien.

Axe, Style Mèches au vent Crème Fix & Flex

Contient : Iodopropynyl butylcarbamate, conservateur

Nocivité : libérateur de formaldéhyde, cancérigène

Bioderma, Matriciane Rides Crème matricielle resurfaçante,

Kéraknyl, Stick correcteur teinté

Contient : Butylhydroxytoluene (BHT), antioxydant

Nocivité : Perturbateur endocrinien

Clinique, BB Cream SPF 30

Contient :Benzophenone-3 (BP3) (oxybenzone),filtre solaire

Nocivité :Perturbateur hormonal

Decléor, Crème double éclatLife Radiance

Contient : Methylisothiazolinone (MIT),conservateur

Nocivité :Irritant et allergisant

Erborian, BB Crème au ginseng

Contient : Cyclopentasiloxane (D5), émollient

Nocivité : Perturbateur endocrinien

Laboratoires Didier Rase, Masque relaxant détoxifiant

Contient : Butylparaben, conservateur

Nocivité : Perturbateur endocrinien

Laino, Savon liquide d’Alep

Contient Ethylenediaminetetraacetate (EDTA), agent de liaison

Nocivité Réactions chimiques incertaines

La Roche-Posay, Hydreane riche Crème hydratante peaux sensibles

Contient Chlorhexidine, antibactérien Nocivité

Résistant aux antibiotiques

Le Petit Marseillais, Crème mains nourrissante peaux très sèches

Contient : Phenoxyethanol (EGPhE), conservateur

Nocivité : Allergisant

L’Occitane en Provence, Gel douche verveine agrumes

Contient : Methylchloroisothiazolinone (MCIT),conservateur

Nocivité : Irritant et allergisant.

L’Oréal Paris, Mascara Beauty Tubes Double Extension

Contient : Imidazolidinyl Urea, conservateur

Nocivité : Libérateur de formaldéhyde, cancérogène

Mavala, Mavala scientifique Durcisseur d’ongles

Contient : Formaldéhyde, durcisseur

Nocivité : Cancérogène

Parogencyl, Dentifrice Sensibilité Gencives

Le Petit Marseillais, Crème mains nourrissante

Contient : Methylparaben, conservateur

Nocivité : Perturbateur endocrinien

Rogé Cavaillès, Gel fraîcheur « sans parabènes »

Contient : DMDM Hydantoin, conservateur

Nocivité : Libérateur de formaldéhyde, cancérogène

Rogé Cavaillès, Soin toilette intime

Contient : Triclosan, antibactérien

Nocivité : Résistant aux antibiotiques

Shu Uemura, Cleansing Oil Shampoo Shampooing Doux Éclat

Contient :Polyethylene glycol (PEG), tensioactif

Nocivité :Irritant

Vichy, Derma Blend Ultra Correcteur Teint stick

Contient : Paraffinum liquidum, base

Nocivité :Hydrocarbure irritant

Source : Observatoire des cosmétiques

Une éthique qui ne coule pas de source

L’industrie cosmétiques pose un problème auquel on pense moins : le pillage des savoirs traditionnels. C’est souvent dans les savoirs des peuples lointains que les laboratoires puisent l’inspiration de leurs nouveaux produits, faisant même souvent de ces savoirs des arguments marketing. Qu’on pense simplement au monoï des vahinés ou au beurre de karité des Africaines. Les choses changent, là encore, avec les réglementations, qui imposent peu à peu que des négociations soient menées en amont avec les communautés détentrices des savoirs pour qu’elles soient indemnisées. Des labels comme Rainforest Alliance, Forest Garden Products Bioéquitable ou Fair Trade Max Havelaar intègrent ces critères de protection de la nature ou de commerce durable et équitable sur les ressources végétales. Mais les autres n’en tiennent pas compte, ne précisant pas souvent leurs filières d’approvisionnement.

Des repères

Ironie du sort, pour les cosmétiques, la mondialisation est peut-être bien une chance pour le consommateur. Pour pouvoir les diffuser sur le marché mondial, les fabricants de cosmétiques doivent depuis décliner la liste de leurs ingrédients conformément à une nomenclature commune, l’INCI (International Nomenclature of Cosmetic Ingredients ou Nomenclature internationale des ingrédients cosmétiques). Définie par l’association internationale des professionnels du secteur, la CTFA (Cosmetic, Toiletry and Fragrance Association), elle n’est cependant pas facile quand on n’est ni chimiste ni botaniste. Car les ingrédients se traduisent dans la liste INCI dans deux langues, l’anglais et le latin, ou sous forme de codes… Les noms latins désignent souvent des substances d’origine naturelle comme l’eau (aqua) ou les extraits de plantes (dénomination botanique scientifique). Ils sont habi tuellement suivi des mots anglais : leaf (feuille), seed (graine), extract (extrait), oil (huile), wax (cire) pour désigner la partie utilisée de la plante. Parmi les plus couramment rencontrés, prunus armeniaca oil désigne ainsi par exemple l’huile d’amande d’abricot ou butyrospermum parkii butter le beurre de karité, tandis que l’hydrogenated castor oil est le petit nom de l’huile de ricin hydrogénée. Le latin n’est pas une garantie, car il ne désigne pas que des végétaux ! Il désigne des produits naturels beaucoup moins désirables comme… les sous-produits résultants de la distillation du pétrole. On distingue cependant ces derniers assez facilement : paraffinum liquidum désigne l’huile de paraffine, cera microcristallina la cire de paraffine, ces deux ingrédients étant connus pour obstruer les pores de la peau, voire déclencher des allergies. Les noms anglais sont pour leur part les noms des molécules chimiques ou de matières premières usuelles. Là non plus, à moins d’être bilingue, pas facile de s’y retrouver mis à part pour zinc oxyde (oxyde de zinc), honey (miel), éventuellement bee wax, cire d’abeille. Les codes à 5 chiffres précédés des initiales CI (Color Index) correspondent quant à eux aux colorants, sans distinction d’innocuité et de nocivité. À 7 chiffres, là on abandonne ! Ce sont des ingrédients dont le fabricant veut garder le secret et auquel l’INCI accorde un code. Dans cette confusion de substances, les cosmétiques biologiques ou naturels, toujours, font la différence : ils présentent des formules avec des ingrédients plus naturels, voire biologiques, une garantie d’exclusion des produits de la pétrochimie et des composés les plus toxiques, mais aussi une volonté de transparence pour le consommateur avec, en regard de la composition INCI, obligatoire depuis 1998 en Europe, la traduction du nom des ingrédients dans la langue du marché visé.

L’eau n’est pas comptée

La nomenclature INCI, en plus d’être opaque pour la plupart des consommateurs, a aussi ses limites : la quantité exacte des ingrédients reste inconnue, ainsi que leur origine géographique, leur mode d’obtention ou de fabrication. L’eau, par exemple, n’a pas de certification en bio. Or elle est loin d’être toujours puisée dans une source, comme le fait par exemple la marque Léa Nature avec sa gamme cosmétique à l’eau thermale de Jonzac. L’eau des ingrédients peut très bien être de l’eau déminéralisée, distillée, osmosée… ou simplement provenir du robinet. Toutes sont bonnes en cosmétique conventionnelle ou bio. Les chimistes vous diront que toutes les molécules se valent… Autre limite, les plantes, qui peuvent, si elles ne sont pas cultivées en bio, avoir poussé sur des sols contaminés aux pesticides sans aucune obligation d’étiquetage. Ou avoir été génétiquement modifiées. La lécithine par exemple peut provenir du soja, dont on sait qu’une grande partie est d’origine transgénique. Car, réglementairement, à moins de 1 % de la composition totale, comme dans les produits alimentaires, il n’est nul besoin de spécifier sur l’étiquette la présence d’OGM… En proscrivant les OGM et en privilégiant les plantes issues de l’agriculture biologique, les labels bio offrent a priori aux consommateurs des garanties précieuses, vérifiables sur l’étiquette : un ingrédient issu de l’agriculture biologique mérite dans la nomenclature INCI d’avoir un astérisque accolé à son nom. Enfin, même l’origine naturelle d’un ingrédient pose parfois question, les laboratoires de cosmétiques s’approvisionnant en ingrédients auprès de multiples fournisseurs, souvent situés à l’étranger et pas toujours transparents…

Parfum or not parfum ?

De nombreux cosmétiques bio ou conventionnels contiennent du parfum, pour être plus attrayants ou tout simplement masquer l’odeur du mélange chimique de la composition. Les parfums sont certes présents en très faible quantité (moins de 1 %), et les labels bio interdisent les parfums synthétiques. Mais, un parfum, même d’origine végétale ou animale, a besoin de produits chimiques pour être stabilisé, tels que… des phtalates (aujourd’hui interdits), des alkylphénols ou des éthoxylates d’alkylphénols. Dispensé d’étiquetage exhaustif par la réglementation, le parfum n’est mentionné que de façon très laconique par la mention générique fragrance (ou parfum) qu’impose la nomenclature INCI. Sa composition n’a pas d’obligation à être détaillée pour des raisons de secret industriel (le parfum est un mélange mis au point par des « nez »…). Il existe une exception : lorsque l’un des 26 allergènes listés par la réglementation européenne est présent dans sa composition, sa présence est mentionnée. Dans le doute, mieux vaut s’abstenir et préférer les produits parfumés avec des huiles essentielles (même si certaines contiennent les substances allergisantes à déclaration obligatoire) ou des hydrolats de fleurs, ce qui est d’ailleurs généralement précisé sur l’étiquette (la nature étant toujours mise en avant par des industriels qui n’oublient pas qu’elle est leur meilleur argument de vente !). La mention « non parfumé », elle, n’est pas une garantie : elle signifie simplement qu’il n’y a pas de parfums ajoutés, ou qu’il y a un ingrédient qui masque l’odeur des autres ingrédients dans le cosmétique. En cosmétique conventionnelle, le phénoxyéthanol reste utilisé. S’il est interdit en bio (sauf dans la charte du label Soil) la cosmétique bio continue, elle, d’autoriser l’alcool benzylique, un conservateur qui se trouve aussi masquer fort bien les odeurs…

La jungle des labels bio

Dans ce contexte d’opacité, les labels bio veulent apporter quelques garanties fermes au consommateur. Sontelles suffisantes ? Avec près d’une vingtaine de labels, le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est pas facile de s’y retrouver. Tous sauf Nature & Progrès autorisent des ingrédients de synthèse, certains comme Écocert autorisent même par dérogation des procédés issus de la pétrochimie et la plupart des labels gonflent le pourcentage d’ingrédients biologiques en incluant l’eau ! Tous les labels ne se valent pas, d’autant plus que la part du bio y varie, aussi, de 10 à 95 % ! À la source de cette variation, la confusion savamment entretenue entre le naturel et le bio. D’abord, naturel ne signifie nullement végétal. C’est simplement tout ce qui n’est pas artificiel. Le pétrole, par exemple, est un ingrédient tout à fait naturel. Comme l’aluminium, le bore, les silicones ou le propane. Si les ingrédients plus nocifs ou de plus mauvaises presses ont été interdits par la plupart des labels, on voit bien que la compréhension de la notion de naturel par les labels est plus qu’étendue… La plupart autorisent aussi des ingrédients « d’origine naturelle », c’est-àdire des ingrédients naturels qui ont subi des transformations physiques ou chimiques et dont les résultats n’ont plus grand-chose de naturel : une huile de palme estérifiée comme l’isoamyle laurate, par exemple, est considérée comme un ingrédient d’origine naturelle… La certification bio, elle, ne peut s’appliquer qu’à ce qui est cultivé – selon les principes de l’agriculture biologique, donc qu’aux végétaux et aux produits d’origine animale (lait…). Pas à l’eau, nous l’avons dit, et pas à des ingrédients minéraux comme les sels d’alun. Dans une volonté d’harmonisation européenne, et après plus de dix ans de discussions (sur fond de concurrence entre les marques) entre les labels européens – BDIH (Allemagne), Cosmébio et Écocert Greenlife (France), ICEA (Italie) et Soil Association (Royaume-Uni) – les labels Cosmos sont apparus en 2009 pour harmoniser les standards et faciliter le repérage des cosmétiques biologiques (Cosmos Organic) et des cosmétiques naturels (Cosmos Naturel) certifiés. Comme dans toute harmonisation, on peut cependant reprocher que les normes aient été abaissées à l’exigence minimale : les cosmétiques bio européens s’alignent sur une composition d’au moins 10 % d’ingrédients biologiques et autorisent 5 % d’ingrédients d’origine synthétique.

Des cosmétiques plus éthiques ?

Tous ces labels ne tiennent pas encore compte non plus de l’éthique des approvisionnements. Car la recherche d’actifs naturels dans les plantes n’est pas sans poser des questions plus larges : les plantes viennent souvent de l’autre bout du monde et posent des problèmes écologiques et humains. Sur place, elles risquent par exemple, à force d’être cueillies, de disparaître. Souvent, elles conduisent à l’exploitation des populations humaines : pour réduire les intermédiaires, les grandes marques installent sur place des « filiales » chargées de négocier en direct avec les producteurs locaux, faisant la pluie et le beau temps tout en se vantant, au mieux, de faire du commerce équitable ou éthique… En septembre 2009, un reportage d’une chaîne de la télévision allemande dénonçait Daboon, producteur colombien d’huile de palme notamment pour la marque The Body Shop (achetée en 2006 par L’Oréal). Ce reportage accusait Daboon d’avoir participé à l’expulsion par la force publique de 123 familles de petits paysans, dans le but de faire de la place pour implanter ses cultures de palmier à huile. Suite au scandale, L’Oréal a coupé les ponts avec son fournisseur colombien afin de ne pas ternir son image de marque auprès des consommateurs. Mais l’huile de palme, dont on connaît les ravages environnementaux, est irremplaçable, car très peu chère. Et entre dans la composition d’un grand nombre d’ingrédients cosmétiques, y compris autorisés en bio… de façon assez discrète mais très repérable comme en témoignent les dénominations en palm, lauryl, myrist voire stearat. Seul Nature & Progrès en exige la certification bio. S’il est déjà difficile d’être bio à 100 %, il semble l’être encore plus d’être écolo jusqu’au bout des ongles !

Encore du chemin à faire

On voit donc bien que le bio a su tirer vers le haut le conventionnel. De plus en plus de fabricants se conforment à son cahier des charges minimal. La cosmétique conventionnelle a elle-même su tirer avantage des normes et exigences des cosmétiques bio ou naturels en développant des produits moins toxiques pour notre santé. Il ne faut pas oublier qu’elle y a été contrainte par les réglementations environnementales, qui tendent à mettre les industries aux normes de la chimie verte… Pour autant, tout est loin d’être résolu en matière de toxiques, notamment en ce qui concerne les perturbateurs endocriniens qui menacent la fertilité de l’espèce humaine. Pour le conventionnel, le chemin risque d’être très long car les pouvoirs publics et les industriels traînent. Début 2013, une enquête publiée par les associations de consommateurs européens (dont l’UFC-Que Choisir) a inspiré nos sénateurs, au nom du principe de précaution, à demander au mois de juin dernier au ministre des Affaires sociales et de la Santé d’indiquer la position du gouvernement français face aux problèmes posés par ces substances, dont font partie les parfums… Sans doute parce que le marché des cosmétiques pèse son poids dans la balance économique, la réponse, à ce jour, n’a pas été donnée. Mais le travail est en cours : fin 2012, les perturbateurs endocriniens ont été inscrits au programme de la conférence environnementale, ils ont fait l’objet d’un groupe de travail et même d’une consultation publique du 20 août au 20 septembre 2013 afin que chaque citoyen puisse donner son avis. En attendant, les consommateurs ont tout intérêt à se fier aux labels biologiques, qui demeurent les plus rigoureux pour choisir des cosmétiques plus sains, voire plus écologiques et plus éthiques. S’il est important de rappeler que tous les labels ont été mis en place avant tout en réaction à la cosmétique conventionnelle, longtemps simple filiale de l’industrie chimique, il faut rappeler aussi que, sur ce nouveau segment de marché porteur qu’est le bio, des industriels repentis, « convertis » à une cosmétique plus propre, sont loin d’avoir le même niveau d’exigence que les marques historiques et les pionniers de la cosmétique bio comme Weleda, Cattier ou Lavera ou bon nombre d’entreprises plus familiales. Cela s’en ressent dans la jungle des labels verts – écologiques, biologiques, équitables ou solidaires… En clair pour le consommateur, les labels bio font une première partie d’un travail, à lui de faire le reste. Il nous appartient de ne pas nous laisser berner par de fausses assertions, de lire un tant soit peu les étiquettes et de rester vigilant sur la philosophie et l’éthique des marques auxquels nous accordons notre confiance.

Quelles normes pour les labels bio ou naturels ?

tous les labels bio interdisent le recours à des ingrédients végétaux issus d’OGM, l’ajout intentionnel de nanomatériaux ou d’ingrédients issus de la pétrochimie, l’exploitation des espèces végétales ou animales en danger et, comme tous les cosmétiques désormais, les tests sur les animaux. Pour le reste, difficile de comprendre ce qui les différencie… Pour se repérer dans la jungle des labels verts, comprendre certaines définitions est un passage obligé. On vous guide.

NATUREL Ingrédients présents en tant que tels dans la nature, non transformés ou transformés au moyen de procédés physiques autorisés par les cahiers des charges reconnus. Éléments végétaux, mais aussi minéraux, marins ou encore issus de la production animale. Et l’eau, bien sûr.

VÉGÉTAL Ingrédients issus exclusivement d’un végétal : il peut s’agir d’un extrait de plante, d’une huile, d’une huile essentielle…

BIOLOGIQUE Ingrédients issus de l’agriculture biologique, donc exclusivement végétaux ou animaux.

LE RESTE ? Ce sont des ingrédients synthétiques, obtenus en laboratoire par réaction chimique. Ils peuvent être artificiels… ou semblables à un ingrédient présent dans la nature, auquel cas ils sont dits « nature-identique » ou « naturelike ». Chaque label fixe ainsi (sauf Nature & Progrès et Demeter qui exigent 100 % de naturel) des listes positives d’ingrédients synthétiques autorisés. Selon leurs déclarations, les colorants synthétiques, parfums de synthèse et ingrédients issus de la pétrochimie sont interdits ; cependant aucun ne communique la liste exacte des composants interdits…

Chercher le bio

La plupart des labels ne mentionnent la part de bio que sur que la partie végétale et non sur l’ensemble du produit. Seuls deux mentionnent un pourcentage de bio minimum sur la part totale : Cosmébio (de 5 à 10 %) et Cosmos Organic (20 %). Mais ce ne sont justement que des minimums, là où les autres labels préfèrent viser le maximum

possible, tout en interdisant les ingrédients de synthèse.

Labels  Part bio sur ingrédients végétaux  Ingrédients  synthétiques

Nature & Progrès 100 % NON

Demeter, Agriculture bio-dynamique 100 % NON

NaTrue, Cosmétique biologique 95 % NON

Cosmos Organic 95 % OUI < 5%

Écocert, Cosmétique biologique 95 % OUI < 5%

Cosmébio, Bio 95 % OUI < 5%

NaTrue, Cosmétiques naturels en partie bio 70 % NON

NaTrue, Cosmétiques naturels – NON

Cosmos Natural – OUI < 2%

Écocert, Cosmétique écologique 50 % OUI < 5%

Cosmébio Éco 50 % OUI < 5%

Soil Association 70-95 % NON

BDIH 95 % OUI *

Bio Équitable 95 % OUI

Bio Solidaire 95 % OUI

Écocert ESR 95 % OUI

Cheveux : des teintures explosives

Aussi incroyable que cela puisse paraître, les ingrédients qui composent nos teintures capillaires sont sans doute les plus dangereux de toute l’industrie cosmétique : une raison suffisante pour trouver d’autres façons d’embellir nos crinières.

Au mois d’août, Carole M. a fait les frais d’un cocktail détonnant. En testant sur sa chevelure L’Ultra-Blond, dernier-né de la gamme Inoa de L’Oréal, cette coiffeuse professionnelle s’est très vite aperçue, au rinçage, qu’ils tombaient par paquets, se cassant à un centimètre du cuir chevelu, comme s’ils avaient été brûlés. Bilan des dégâts : des plaques de calvitie. En attendant que ses cheveux repoussent, Carole, comme beaucoup d’autres, a porté plainte contre L’Oréal et la teinture a été retirée du marché. « Résorcinol, EDTA, paraphénylediamine (PPD) ou dérivés de diaminophénol pour ne citer que quelquesuns des principaux constituants des teintures, furent des explosifs utilisés par l’armée avant d’entrer dans la composition des teintures capillaires ! affirme Rémi Guyomarch, fondateur de Terre de Couleur, marque de soins et colorations végétales. Le principe de la coloration conventionnelle est d’exploser la cuticule du cheveu pour que la couleur prenne directement sur la kératine. » Mais les teintures capillaires chimiques menacent à plus long terme encore nos bulbes capillaires : leurs résidus s’accumulent jusqu’à loin sous le cuir chevelu et pour longtemps. « À l’heure où 60 % des femmes et 5 à 10 % des hommes se teignent les cheveux, il n’est plus rare de constater lors des autopsies une couche noire de quelques millimètres d’épaisseur sous le cuir chevelu », rapporte France Guillain dans son livre « L’argile tout simplement ». Détonnant, mais pas étonnant : les produits présents dans les teintures chimiques sont classés comme mutagènes ou potentiellement cancérogènes ! On comprend mieux pourquoi elles ne doivent pas être utilisées sur les cils et les sourcils, sont déconseillées aux moins de 16 ans et formellement interdites aux femmes ayant déclaré un cancer. Les teintures capillaires ont été associées à un risque important de récidive…

Libérer ses bulbes !

Les colorations végétales ne sont pas toutes inoffensives, même le henné (Lawsonia inermis), susceptible de contenir des métaux lourds. Les marques 3 Chênes, Martine Mahé, Beliflor et Wella n’excluent que partiellement les produits dangereux*. Aujourd’hui, seules quatre marques sont considérées sans risques : Logona, Terre de Couleur, Marcapar et, depuis cette année, Nathalie Tuil Création, qui propose des soins et couleurs haut de gamme, sans aucune substance de synthèse. De quoi se refaire une jolie teinte et éliminer les résidus d’anciennes teintures chimiques.

* Source : enquête de Féminin Bio, juillet 2010. 2 1 novembre 2013 by adminBioinfo

Posted in Non classé.