Bois : gare aux poussières !

Le bois, élément naturel, fort prisé de la vague écolo, n’est pas sans danger pour ceux  qui le travaillent. Professionnels ou bricoleurs occasionnels, les utilisateurs de scies, ponceuses, dégauchisseuses, raboteuses ou toupies s’exposent à un danger invisible mais bien réel : les poussières de bois !

La France, au palmarès des pays scieurs de bois, arrive 5ème, avec 10 millions de m3 de bois sciés.  Inutile de dire que cela en fait, de la poussière ! Or, avec un diamètre compris entre 1 et 3 centièmes de millimètres (voire pour les poussières de ponçage, de moins de 0,7 centièmes de millimètres), les poussières de bois sont assez fines pour pénétrer dans l’organisme. De quoi sonner l’alerte !

 

Les risques des poussières de  bois pour la santé

Dans un premier temps, les poussières de bois  entraînent inflammation de la muqueuse nasale et affections allergiques (asthme). Au contact de la peau, elles peuvent générer un eczéma de contact (au niveau des mains et des avant-bras). Et si elles entrent dans les yeux, elles  sont sources de conjonctivite. L’exposition au long terme peut déclencher un cancer de l’ethmoïde, l’os qui sépare les fosses nasales des orbites oculaires. Cet os, creusé de petites cavités appelées sinus, peut, avec une exposition répétée aux poussières de bois,  accumuler ces dernières dans les sinus et provoquer une inflammation qui peut dégénérer en cancer après un certain temps (environ une vingtaine d’années).

Toutes les poussières se valent-elles ? Il semblerait que non, puisque des  études   ont montré que si les bois durs n’étaient pas plus dangereux en terme de poussières que les bois tendres, les poussières de bois résineux (pin, sapin, épicéa) entraînaient un risque plus faible que celles de bois feuillus (chêne, hêtre, châtaignier, peuplier). Les bois exotiques (iroko, ébène, acajou, teck) sont particulièrement irritants,  notamment en raison de la silice cristalline qu’ils contiennent. Quant aux matériaux transformés tels que contreplaqué, medium, stratifié et mélaminé, ils contiennent en plus de la colle et des solvants chimiques qui exposent à un risque supplémentaire.

 

Maladies professionnelles : une reconnaissance difficile

« Durant toute ma carrière de menuisier-ébéniste, j’ai été exposé aux poussières, aux colles, etc…Entre 1999 et 2005, j’ai consulté de nombreux médecins dans ma région. Mon nez me piquait et je souffrais de terribles maux de tête. A force de consulter différents médecins qui ne trouvaient pas d’où venaient ces symptômes, j’ai exigé une biopsie. On m’a diagnostiqué un cancer de l’ethmoïde (sinus) …». Le témoignage d’Antoine D., 63 ans, pointe la difficile reconnaissance des cancers  d’origine professionnelle. Un fait que dénonce la   FNATH  qui dans un récent livre blanc paru au début de l’année en appelle notamment à une amélioration   de l’indemnisation de ces victimes du travail…Car les poussières de bois constituent la deuxième cause de cancer professionnel depuis l’amiante. « Le scandale de l’amiante a conduit à attribuer aux victimes la réparation intégrale de leurs préjudices. Rien ne permet de justifier que les autres victimes du travail, par exemple les victimes d’un cancer lié aux poussières de bois, ne méritent elles aussi d’être indemnisées de la même manière » revendique Arnaud de Broca, secrétaire général FNATH . Le danger est pourtant   reconnu des pouvoirs publics puisque le lutte contre les cancers liés aux poussières de bois (comme contre tous les cancers professionnels) a été l’une des orientations nationales du Plan Santé Travail et un objectif du Plan National de Santé Publique… Dès 1991, des valeurs limites spécifiques de concentrations en poussières dans l’air des locaux de travail ont été fixées. À 5mg/m3 tout d’abord, puis, depuis 2005, à 1mg/m3. Ces VLEP (Valeurs Limites d’Exposition Professionnelle), premiers moyens d’action pour limiter les risques, sont elles respectées ? Pas vraiment puisque selon les contrôles   sur les 3,6 millions de travailleurs exposés en Europe, plus de 2 millions (soit 42%) sont exposés à des concentrations supérieures à 1mg/m3 et près de 600 000 à des concentrations supérieures à 5mg/m3 !  Ramenés à la France, c’est un peu plus de 300 000 travailleurs exposés, dont 200 000 exposés à des concentrations supérieures à 1mg/m3. Quid donc des entreprises qui les emploient ? De mars à juin 2008, une enquête a  été menée par les services d’inspection du travail des ministères du travail et de l’agriculture, et les services de prévention des caisses régionales d’assurance maladie (CRAM) auprès de 3.150 établissements. Résultat : la réglementation relative à la prévention du risque cancérigène «poussières de bois» est appliquée de façon insuffisante. Le contrôle de la VLEP  n’est par exemple réalisé que dans 14,5% des cas et seulement une fois sur deux par un organisme agréé.   «Dans le secteur du bois, la priorité donnée au risque d’accidents mécaniques a longtemps éclipsé les autres risques dont celui lié aux poussières de bois» indique Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail pour expliquer que la lutte contre les poussières de bois ne fasse pas l’objet de plus d’engagements de la part des industriels… Les entreprises hors-la-loi ne sont cependant pas trop sanctionnées, les pouvoirs publics préférant miser sur la nécessité que les entreprises s’approprient les questions de santé et de sécurité au travail.  A charge pour elles d’informer et de former le salarié, de séparer les activités générant le plus de poussières, d’équiper les locaux de machines aspirantes, et de fournir des équipements individuels de protection.

Pour autant, le système d’indemnisation des victimes du travail repose toujours sur une loi adoptée du temps du Germinal de Zola, en…1898. Pour la FNATH, y introduire l’équité est une priorité. Celle-ci aurait un coût, certes, évalué entre 1,5 et 2,5 milliards d’euros. Mais selon la FNATH, la question du financement n’est pas la vraie question, les financements existent, il s’agit surtout de choix politiques !

Clara DELPAS

 Comment se protéger ?

Bricoler du bois impose de se protéger

–       les mains au moyen de gants

–       -les yeux avec des lunettes protectrices

–        les voies respiratoires avec un masque, le FFP3, le seul efficace.

Si possible, on travaillera avec des  outils équipés de dispositifs aspirants, à défaut on s’équipera   de machines portatives d’aspiration, et surtout, on évitera sur un chantier de passer le balai. En effet, le balai ne fait que dilapider toutes les poussières dans l’air ambiant , augmentant de fait le risque.

Reseauvigilance.org

Ce site qui permet de trouver des informations sur les cancers professionnels, les moyens de les prévenir et les droits de travailleurs exposés à des substances cancérigènes a été lancé par la FNATH , association des accidentés de la vie. On y trouve aussi des témoignages, et des alertes, le site permettant par exemple de signaler un comportement dangereux.

En savoir plus

FNATH, association des accidentés de la vie – 38, bd St Jacques, 75014 PARIS – Tél : 01 45 35 00 77

 

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