Surprenante arrivée à El Alto, la cité tout en haut de la Paz. plus de 4000m d’altitude. En sortant, je vois les bouteilles à oxygène qui semblent attendre les malaises. Curieusement, cela va très bien. Un taxi m’emmène chez mon hôte dans sa magnifique maison qui donne sur les montagnes de la cordillère.
Il est 7h du matin environ heure locale. Le petit déjeuner , tout va bien. Mais ensuite…aïe l’étau dans la tête et une furieuse envie de vomir , un sentiment de malêtre général. churito on l’appelle ici. Le mal des montagnes m’a saisi! Repos, maté de coca, et l’après midi, déjeuner dans le jardin avec donc le responsable du programme de l’IRD que j’accompagne dans les mines d’Oruro la semaine prochaine , le chercheur phare sur les glaciers boliviens , un historien de la bolivie, et puis un écrivain espagnol qui a refait l’expérience de Robinson Crusoë sur son île (et qui disait qu’il n’y avait vraiment rien d’autre à y faire qu’à écrire! peut-être que je devrais moi aussi tenter l’expérience?) , et pour finir l’actuel directeur du CCFD (le comité catholique contre la faim) , anciennement directeur du Centre Bartolomé de Las Casas au Pérou. Il y avait aussi le plus grand peintre bolivien,. Ainsi que la femme de l’historien, elle aussi historienne, mais plutôt d’ethnomusicologie et de gastronomie andine. Elle organise des fêtes où elle fait venir les grands groupes populaires de musiciens boliviens et tout le monde danse et fait la fête en mangeant la fameuse pikantès, la spécialité locale, qu’on fait avec du poulet, de la vache ou toute sorte de morceaux. (voir ci-dessous)
Au menu, c’était de la langue de vache avec une sauce piquante, et des tuna, une spécialité locale qui consiste à écraser des pommes de terre avec les pieds, à les mettre sur la montagne, où la nuit il gèle et le jour il fait chaud et ça fond, 10 jours d’affilé. Et ben on a des flocons un peu genre mousseline mais en moins sec. Etonnant . Bref, mon mal des montagnes m’a bien entendu empêché de remplir mon assiette ! Et de goûter au vin argentin qui accompagnait l’ensemble. Mais après 4 ou 5 verres de coca (cola) ça allait nettement mieux et du coup j’ai pu profiter du délicieux dessert. Une mousse d’un fruit dont j’ai déjà oublié le nom (loucouma ou quelquechose comme ça) qui ressemble à un avocat avec une chataîgne comme noyau…j’en rapporterai, c’était trop bon. un goût de fruit de la passion avec une pointe de caramel et de noix. Délicieux!
Sur l’exploitation minière, je commence à creuser le filon!
C’est une histoire bien humaine : des industriels sur équipés canadiens , américains, etc…viennent “acheter” les concessions d’exploitation des montagnes, qu’ils creusent à ciel ouvert. Ils mangent les montagnes et les déplacent , forcément puisqu’ils n’extraient que ce qu’il y a de bon à prendre. Au Pérou, plusieurs villes sont même carrément déplacées. On donne une indemnité de 15 000 dollars à des paysans qui font paître leurs troupeaux sur ces terres très riches. À eux de se débrouiller pour la suite. Mais qu’ils se cassent! Alors qu’au niveau social , cela pose bien sûr des problèmes redoutables. Car beaucoup cèdent à l’appât de tant d’argent…sans pour autant avoir un développement à long terme!
Il y a par exemple en ce moment la montagne Rumi Rumi où avait été arrêté Atahualpa, le roi inca. Riche en or, une compagnie minière envisage aujourd’hui de décapiter cette montagne….
En Bolivie, les exploitations sont ou des entreprises nationales ou des coopératives ou des syndicats ou des industries. Les coopératives sont en fait du capitalisme sauvage qui n’ont de coopératif que le nom. C’est un peu anarchique par endroit, comme à Oruro où je vais après demain. Peut-être dans 15 jours je vais à Sucre, voire là pour le coup les conséquences des exploitations minières…des gens qui n’en tirent aucun bénéfice et qui n’en ont que les désaventages, leurs salades et leurs carottes sont contaminées pour longtemps… Je ne sais pas si j’aurai le temps de tout faire. On m’a parlé du Pando aussi, sous contrôle militaire total après un « massacre » en septembre dernier. En fait, politiquement c’est compliqué, le MAS, le parti de Moralès fait « marcher » les paysans pour récupérer des terres. Il y a eu un préfet assasinné, et représaille, 10 paysans ont été assassinés. du coup la zone est sous contrôle. De l’autre côté du fleuve, les Bresiliens pillent la forêt amazonienne bolivienne comme ils n’en ont plus cheez eux. Les scieries sont de l’autre côté du fleuve. Et la déforestation de contrebande est en marche, les arbres sont abattus et passent le fleuve, contre bien sûr tous les avis des populations locales. On a beau jeu de dire que les paysans veulent de la terre, ils ne tirent rien de l’élevage qui n’a vraiment rien de durable. La résistance s’organise et les scientifiques qui constatent avec la déforestation la chute de la biodiversité, pourraient apporter du crédit aux organisations de paysans qui tentent de freiner ce pillage. Le sujet est tout de même un peu chaud (les brésiliens qui font de la contrebande ne sont pas des enfants de coeur) et on verra, si j’ai le temps , j’aimerai bien voir la jungle .
On a parlé aussi de Bolloré et du lithium. Mais rien n’est signé en fait. Et avec l’histoire récente (3 types assassinésla semaine dernière à Santa Cruz , un irlandais, un croate , un hongrois, suspectés d’avoir fomenté un attentat contre Moralès. En fait, aucune preuve de rien. Sauf que aujourd’hui même , les industriels pour lesquels ils étaient censés travailler ont vu tous leurs biens confisqués! On voit mal comment Bolloré signerait un contrat dans un tel contexte d’instabilité. Et puis le lithium, il y en a au moins autant dans le désert de l’Atacama qui prolonge le salar de Uyuni….alors on voit mal comment Bolloré ne préfèrerait pas signer dans un pays stable comme le Chili qui a en plus un accès direct à la mer. L’accès à l’océan, c’est ça qui manque à la Bolivie, et les négociations avec le Chili sont mal parti depuis que Moralès a traité le président péruvien de gros porc!