Les mines autour d’Oruro

Aujourd’hui, le voyage vers Oruro. 250km de route droite …et plate (on est sur l’altiplano qui comme son nom l’indique est un haut plateau , donc plat) bordée par la cordillère des Andes. On rentre un peu plus dans le vif du sujet. Première visite, l’hôpital. La consultation de Flavia qui suit les bébés nés depuis juillet 2008 ici. Une petite fille de 9mois charmante et tonique est examinée. Elle pèse 7 kg, soit le poids d’un bébé de 6 mois. Sa mère ne semble pas lui donner suffisamment à manger. En Bolivie, l’accès aux soins est gratuit depuis longtemps. C’est la SUMI, une sorte d’assurance sociale, qui existait même avant Moralès et était destiné aux enfants jusqu’à 5 ans. Moralès l’a étendu jusqu’à 15 ans, ainsi qu’aux vieux. La Bolivie est un des rares pays au monde à offrir un tel accès gratuit aux soins ! La SUMI est administrée par l’Etat, mais ça n’empêche pas la corruption : la mère du bébé trop léger raconte qu’elle a un autre enfant de 2 ans , très maigre lui aussi. Elle n’a pas beaucoup d’argent pour acheter suffisamment à manger. De fait, elle a droit à des sachets de céréales pour nourrir ses enfants, un par enfant…Mais elle n’en reçoit qu’un …qu’elle partage. Ceci explique cela. La consultation d’avant étant annulée, nous partons déjeuner, en marchant dans les rues d’Oruro, ça y est le soroche est vraiment passé, même si Flavia m’invite à ralentir mes pas.
J’apprends que pour manger sans risquer de tomber malade, le plus sûr est la viande grillée ou frite. Surtout pas de salades, ni de crudités à coup sûr c’est la turista. Alors, même quand on prend un hamburger, enlever la salade…. Moi le menu c’est nuggets frites et coca !
Et pour le café, ce sera à l’appartement. Il faut échapper à la tinta! Cet espèce d’horreur sud américaine qui consiste à torréfier le café avec du sang de boeuf et du sucre. La poudre noire étant mise à infuser pour faire une sorte de concentré de café que l’on allonge avec de l’eau…franchement pas fameux. Les chercheurs louent une appartement à Oruro, équipé d’une cafétière expresso. Et on peut se faire un bon café Alexander. le torrefacteur où j’avais d’ailleurs bu mon premier “bon” café bolivien avec Marie la veille.
Puis, l’après midi , visite guidée de la réalité minière.

Les mines d’état
Jacques m’emmène à Huanuni, la cité qui s’est construite aux pieds de la mine exploitée par la COMIBOL, la compagnie d’état d’exploitation minière.

Alors voilà l’histoire : La mine de la COMIBOL emploie 5000 mineurs. Elle est sous contrôle militaire et non visitable sans autorisation qu’il faut bien sûr demander très très longtemps à l’avance.

De la montagne on extraie l’étain. Les résidus des mineraux concassés et traités sont rejetés en contrebas de la mine. On pourrait attendre d’une mine nationale qu’elle prenne le soin au moins d’enterrer ses déchets ou de veiller à leur élimination. Non, non, tout cela se déverse formant un ruisseau qui sent les sulfures et à l’acidité remarquable.

De l’ordre de ph 1 à 2. Jacques me raconte que quand l’équipe de chercheurs environnementaux est venue avec ses outils pour procéder à des mesures de contamination….ils ont du jeter leurs outils à la poubelle tellement ils avaient été attaqués par ces fameux acides !

Cette boue de déchets miniers n’effraie pas les cochons qui viennent y manger sans complexes.

Enfin on se demande bien ce que peut contenir leur viande, notamment leurs rognons (l’équivalent de nos reins) qui savent si bien stocker le cadmium qui résulte des traitements des minéraux et qu’affectionnent particulièrement tous les boliviens! Ces déchets ne sont pas perdus pour tout le monde.

C’est là que nous rencontrons Machito (petit homme) qui n’a plus que 3 dents et fait partie des “contrebandiers” légaux de l’étain.

Cette boue, il la recycle en la faisant décanter dans de petits bassins arrosés 4 fois de suite.

L’étain étant plus lourd, il descend systématiquement au fond du bac, et les particules fines en suspension peuvent être éliminées avec l’eau résiduelle.


Il est d’une gentillesse rare, il explique en boucle son mécanisme de « Récupération  » (avé’ l’accent) pour être sûr qu’on le comprenne bien. Et montre la boue stanifère qui résulte de ces patients traitements. Et qu’en fait-il? Il le revend à la mine en haut!!!

En attendant, l’odeur de sulfures de ce ruisseau est assez insoutenable. La cité minière s’est développée à proximité si immédiate de ces exploitations que les enfants jouent au milieu de ces déchets hautement toxiques.


Je me dis  » mais une entreprise nationale qui fait autant de bénéfices (l’étain a fait la richesse de la Bolivie…) ne peut pas en reverser au moins une partie pour construire une ville à peu près décente? Ici rien ne semble avoir changé depuis un siècle, la ville est d’une extrême pauvreté, la prostitution y bat tous les records. »

2009, année de la terre, un parti écologique a peint ce manifeste sur le mur de la place :
“Comment veux-tu vivre? A toi de choisir!”

Et sorti de la ville, que voit-on? Encore des bassins de décantation….C’est dire si l’exploitation des résidus miniers se fait sur le long cours… Enfin, si on regarde le paysage ambiant, on commence à comprendre

On est dans l’altiplano! Car où va ce ruisseau toxique?

Il y a
Du ruisseau au fleuve et du fleuve au lac… certaines zones de terres sont complètement stériles, plus rien n’y pousse avant longtemps… situées à près de 4000m d’altitude , déjà qu’elles sont extrêmement fragiles….

Suite du parcours minier à Vinto, la fonderie qui appartenait à des fonds suisses auparavant et a été nationalisée par Moralès le 1er mai 2007. Tiens, on approche d’ailleurs du premier mai, et les boliviens se demandent ce qu’Evo va décider de nationaliser . L’an passé, c’était les stations services! L’essence est à l’état après tout! Dans une fonderie, le minerai est comme on s’en doute fondu. On récupère de l’étain pur sous forme de lingots.

Le problème est similaire : la fonderie est juste de l’autre côté …des champs où sont cultivés la quinoa de l’altiplano. Des prélèvements ont été faits : ils montrent que la quinoa (enfin pour les puristes, il paraît qu’il faut dire le quinoa) y est hautement toxique et parfaitement impropre à la consommation.

Un parcours-nature!

Puis, pour me montrer une mine d’or à ciel ouvert, illimani, exploitée par les américains New Mont, on prend une piste derrière la colline (on y arriverait par la route on ne nous laisserait pas passer) , et là c’est assez magnifique, l’altiplano de carte postale avec ces troupeaux de lamas qui bloquent la route !

L’endroit est tellement apaisant et calme que les premiers hommes d’ici, bien avant les incas, ont installé ici leurs monuments funéraires :

La mine industrielle de New Mont

Et c’est tout d’un coup qu’on arrive, derrière la colline , à la mine de New Mont. Alors là pour le coup, mine industrielle ultra sécurisée, gardée, tout est prévu. Le cratère fait plus de 3km de long. Cette vue dantesque est cachée par des remblais élevés …mais on devine l’intensité de l’exploitation. Jacques me raconte qu’on fait sauter la montagne à coup de dynamite …

Forcément , quand on a un cratère qui descend à 250 m en dessous du niveau du sol avec le fleuve à côté, ça se remplit de flotte qu’il faut éliminer ! C’est de l’eau salée en plus, inutilisable dans les processus miniers. Alors New Mont a construit une lagune soi-disant isolée du reste du Rio…. Il comptait au début sur l’évaporation naturelle mais a du bien vite installer des évaporateurs car il y avait encore trop d’eau!!!!

Et voilà à quoi ressemble la lagune. On voit les évaporateurs au fond. soi disant la pollution y est totalement contrôlée. On peut imaginer que c’est en partie vrai! Dans le contexte actuel un industriel américain n’a pas envie de prendre le moindre risque!!!!

Troisième et dernière visite : les mines des coopératives

On est prévenu : ici tout voleur sera …lynché. Les mineurs ne sont pas vraiment des rigolos. Une coopérative, c’est un nom sexy, qui évoque une force de cohésion, un relent de syndicalisme, quelque chose de corporatiste. Que nenni! C’est ni plus ni moins qu’un capitalisme déguisé. Pas de patrons, c’est sûr.. Mais ici, on fait partie d’un ensemble bien réglé. Ceux qui creusent , ceux qui moulinent, ceux qui fondent…. c’est une hierarchie!

Ah voilà ! depuis le temps qu’on en cherchait des bassins de décantation avec des oxydes de Fer 3+, qui donnent cette si jolie teinte rouge sang! Derrière on devine un stade de foot. Pas très sain de jouer au foot ici!


Le soir, rebelote de viande…du boeuf grillé. très bon . Et de la bière bolivienne, pas mal.
Et après , pfff….que de boulot pour mettre en forme mes notes! encore quelque peu incomplètes….

Posted in Bolivie, Non classé.

2 Comments

  1. Merci Clara de nous faire partager ces moments. Le plaisir de la découverte sans les déconvenues sanitaires. Les photos sont extraordinaires, prends bien soin de toi. S.

  2. Superbe, mais qu’est-ce que tu bosses ! Vite, la suite ! Tes quelques trois jours sur place donne l’impression d’un déjà long voyage…
    Profite(s)
    en, et pas d’imprudences, hein !

    Bonne nuit ici Paris, chez toi, je ne sais plus
    Bises
    P.

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