La visite de la mine d’Oruro et de ses alentours

Tôt ce matin, on part vers l’entrée de la mine d’Oruro. C’était une mine d’état, appartenant à la Comibol jusqu’en 1985 environ. Elle est aujourd’hui uniquement exploitée par des coopératives, à l’accès extrêmement contrôlé. On a de la chance, on est super bien accueilli par un mineur hyper désireux de nous faire visiter une partie de la mine. Il s’appelle Eleazar et s’avèrera être le meilleur conteur que j’ai jamais vu mais j’en reparlerai plus tard.
La visite d’une mine commence par le traditionnel achat d’offrandes pour le Tyo, un sac de feuilles de coca, une bouteille de mescal, un paquet de cigarettes….et un briquet avec une femme à poil dessus (il n’y a que ça dans la boutique).

La visite de la mine peut ensuite commencer. On entre par l’une des galeries principales, probablement l’une des plus anciennes. Elle est consolidée mais quand même : on apprend qu’un premier commandement du mineur, c’est de regarder attentivement le plafond, c’est toujours de là que vient le danger et on a tôt fait de se prendre une pierre sur la tête!

Manque de bol aujourd’hui, c’est panne d’électricité. Du coup il n’y a personne dans les galeries du bas. La mine s’étend sur une bonne dizaine de niveaux jusqu’à 350 m de profondeur. Là c’est l’enfer, une température ambiante de 50°C, les mineurs y restent à peine 1 heure à chaque fois avec une bonne dose de coca et d’alcool. On serait pas descendu si bas, mais bon , panne aidant, on se cantonnera à cette galerie principale. C’est déjà une bonne illustration.

La mine est extrêmement riche en minerais en tout genre , des pyrites, des calcopyrites, de l’argent sous forme d’oxydes, et bien sûr de l’étain. L’étain, comme on s’en sert pour toutes les soudures, forcément, c’est porteur!
Voilà Eleazard nous montrant un gros filon (en brun, c’est de l’étain) :

Et quand on a trouvé un filon, on le suit, jusqu’à …sortir de la montagne (on y reviendra)

Le minerai était chargé du temps de la Comibol sur des chariots qui passaient sur des rails. Quand la Comibol est partie, elle a pris les rails (!) mais laissé les chariots…

Bien sûr, le problème de la mine, à part le plafond, c’est qu’on creuse dans la roche, et que , loi de la gravité aidant, les parois ont parfois tendance à vouloir furieusement se rapprocher. On a beau mettre de grosses poutres entre , ce n’est pas sécurisant!

Et finalement au bout de quelques moments passés à marcher, on arrive au Tyo …

Et Eléazar nous raconte pendant une bonne heure délicieuse , en fraternisant avec la coca, (une bonne cinquantaine de feuilles mastiquées avec pas d’effet…Jacques m’explique que les premiers alcaloïdes ne sont libérés qu’en milieu alcalin d’où les plaquettes de cendres qui accompagnent souvent la mastication)… toute la mythologie du Tyo, cette « divinité » des mines , qui remonte au peuple Uru-Uru qui existait bien avant les Aymaras. Et, alors que partout dans les guides on lit que le Tyo est le parèdre de la Pachamama, la divinité de la fertilité, coup de théâtre, scoop ou exclu, Eléazar nous apprend que …le Tyo a sa Tya!

Et quand je lui demande pourquoi les femmes n’étaient pas admises dans les mines avant …2001, il m’explique que c’est parce qu’on pensait que le Tyo se désintéresserait de sa Tya en voyant d’autres femmes , et qu’ils n’enfanteraient plus le précieux métal. J’ai un récit de plus d’une heure sur toute la cosmogonie Uru-Uru, bien sûr on peut se dire qu’un seul témoignage ne fait pas foi, qu’Eléazard a réorganisé tout cela pour que ça fasse sens pour lui (d’ailleurs il le dit lui-même). Bref, trop long à raconter cette histoire de Tyo…

Enfin après , on ressort…

Le stade en chantier là, c’est Evo Moralès qui l’a donné aux mineurs d’Oruro, il leur avait demandé ce qu’ils voulaient et ils ont demandé un stade pour faire de la gym…On aurait pu choisir un autre endroit que celui -ci, probablement le plus pollué !

Et Comme les mineurs voient qu’on est motivés, ils proposent de nous faire traverser la montagne avec notre voiture!

les voilà à la sortie nos deux compères , Eleazar et George

La sortie de la mine est donc de l’autre côté de la montagne, mais à un endroit où l’on voit tous les filons …Un paradis pour les géologues, la pyrite abonde, l’hématite aussi (mais c’est moins joli , brut elle est juste rouge)…

Et puis de là haut on a un point de vue imprenable sur la mine d’Intiraimi , la mine d’or à ciel ouvert au cratère de 3 à 4 km de diamètre! Moi je trouve que le contenu du cratère a été déposé en forme de temple inca!

Après tout cela retour au point de départ… Et que deviennent les déchets miniers? Tout commence par un drain qui se déverse à ciel ouvert, plein d’oxydes de fer. Il paraît que quand il pleut on dirait du pschitt orange. Là c’est déjà pas mal!!!

Et pour ce qui est du minerai? Un projet de coopération hollandais avait envisagé d’enfermer les terrils dans de l’argile de les couvrir de terre et de végétation. Ainsi, plus de dangers. Mais les mineurs s’y sont opposés : ils veulent pouvoir continuer à exploiter ces tas. Et peut être ont-ils aussi envie que leurs enfants continuent à y jouer… le Bon Dieu veille même sur sur les tas….

Et puis tous ces déchets miniers…avec une croissance urbaine tellement monstrueuse, et bien ça fait du remblais pas cher. En effet, dans le coin, la zone est inondable et les maisons sont systématiquement surélevées d’un bon mètre! Un bon mètre de déchets miniers donc!

Sans même parler sur le site, des anciennes exploitations de la Comibol, comme cette « pré »-fonderie, une usine aujourd’hui désaffectée et sous contrôle militaire , qui préparait le minerai d’étain à fondre à la fonderie de Vinton (voir hier) à laquelle une route rectiligne mène.

En attendant, le drain traverse la ville, plus ou moins enterré, mais finit par rejoindre en bout de chaîne les égouts qui se déversent à ciel ouvert.

Un modèle d’études pour les chimistes car bizarrement en bout de chaîne ce n’est plus tant pollué que cela! des bactéries métallophages ont digéré une partie des problèmes…ça pourrait servir de modèle pour des bioréacteurs de retraitement de déchets miniers? Qui sait?

Une coopération allemande avait voulu faire une station d’épuration des eaux usées…léger problème auquel personne n’avait pensé : dans l’Altiplano, le soleil tue les bactéries et le froid les empêche de se reproduire! La station n’a donc jamais fonctionné! Des chercheurs essaient de mettre au point de la phytoremédiation pour que cette centrale arrive à fonctionner un jour…

Revenons aux eaux du drain et des égouts : elles se jettent…directement dans les eaux du lac popoo.




Et voilà la photo de la matinée.


Je raconterai la deuxième moitié de la journée demain. Il ne faut pas croire, mais je dors la nuit! En fait, il y a 6 heures de décalage horaire. Il est 6h22 à Paris, mais 0h22 ici. Je vais donc me coucher.

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