Le programme médical de l’IRD

C’est dans deux hôpitaux de la ville d’Oruro, l’Hospital de Segundo Nivel Barrios Mineros et la Policlinico 10 de febrero – Caja Nacional de Salud, que le programme ToxBol développe son volet santé environnementale.
C’est là qu’en 2007, 455 femmes enceintes ont été incluses dans une vaste étude de suivi mère-enfant coordonnée par une équipe de l’IRD (Institut pour la Recherche et le Développement). Deux ans après le début de cette étude, en 2009, à l’occasion d’un échange chercheur-journaliste avec l’AJSPI, j’ai pu observer (plus que prélever et manipuler, n’étant ni médecin ni infirmière) les bébés et leurs mamans.
Et entendre l’équipe du programme commencer par me raconter comme leur mission était héroïque, confrontée et aux égos du personnel hospitalier en poste (qui craignaient qu’on ne leur marche sur leur territoire) et à la puissance de l’état plurinational de Bolivie, peu désireux de ce qu’un réel suivi des populations ne soit mis en place. Sans compter la difficulté de trouver des marqueurs biologiques de la pollution aux métaux lourds …D’ailleurs, les premiers examens de sang qui ont été réalisés, par un laboratoire brésilien, avaient complètement foiré, au grand dam de l’équipe!

Dans la région d’Oruro, on rapporte plein de troubles de santé potentiellement en rapport avec des pollutions aux métaux lourds. Si l’on reprend la population de l’étude, bien que la corrélation soit difficile à faire d’un point de vue scientifique, on peut noter effectivement un taux particulièrement élevé d’avortements spontanés. Et l’on sait bien que le plomb peut causer des avortements spontanés, même si c’est surtout quand il y a exposition occupationnelle ,  ce qui n’est pas forcément le cas ici… Pas moins de 84 mamans   ont eu au moins un avortement (18,46%) avant leur inclusion dans le projet.

Le programme comportait, pour la mère :
– des examens biologiques (prélèvements de sang au 2ème trimestre de grossesse,prélévement de sang de cordon sur le placenta à la naissance, prélèvements de sang chez la mère après la naissance)
-une ostéodensitométrie du talon de la maman à la fin de la grossesse
– un ,
– d’ autres
– le prélèvement d’une mèche de cheveu de la mère quand le bébé a cinq mois…
Et pour le bébé:
– des tests psychomoteurs (échelle de Brazelton, de Bayley…)
– un suivi poids-taille mensuel 
– une surveillance alimentaire
-une échographie du thymus à l’âge de un an

 
Au cours des consultations avec la mère , il lui était expliqué ce qu’elle doit donner à manger à son enfant. Et, tant pour la mère que pour l’enfant, on procédait à un prélèvement de cellules buccales afin d’ évaluer une génotoxicité éventuelle.


 

 
 
 
 
 
Plus de détails sur ces études

Le prélèvement de sang avant naissance et au moment de la naissance a pour but de doser les métaux lourds (qui ne s’appellent d’ailleurs plus comme cela, maintenant on parle d’éléments non essentiels). Par la suite, il vise à vérifier que la maman n’est pas anémiée…

Une centrifugeuse permet immédiatement de mesurer le nombre d’hématocrites : on place le sang dans un micro tube, la centrifugeuse sépare le sang du plasma et une simple règle graduée permet la numération!

Un autre appareil permet de mesurer le taux d’hémoglobine. Le sang prélevé est là encore centrifugé, on en met une goutte sur une toute petite plaque que l’on met dans la machine qui par un principe encore mystérieux affiche quelques minutes après le pourcentage d’hémoglobine de la maman.

L’ostéodensitométrie du talon a à voir avec la quantité de plomb qui a pris la place du calcium dans les os. En effet, le plomb et le calcium entrent en concurrence dans l’organisme, le plomb prenant la place du calcium dans les os. Lors de la grossesse, le bébé ayant besoin de calcium va puiser dans les os de la mère, qui s’ils contiennent trop de plomb vont contaminer également le bébé …d’où l’intérêt de telles études pour assoir par exemple la nécessité d’une supplémentation calcique au cours de la grossesse.

La mèche de cheveu a le même but et son intérêt avait été montré dans le suivi de la contamination au mercure des populations amazoniennes…

 

L’échographie du thymus du bébé permet de mesurer la bonne capacité immunitaire. Un gros thymus est associé à une bonne immunité. On corrèle éventuellement ,si le thymus est petit, avec un certain nombre d’épisodes infectieux consignés lors des consultations de suivi.

Le prélèvement de cellules de la muqueuse buccale , facile à réaliser tant chez la mère que chez l’enfant (il suffit de frotter énergiquement un coton-tige sur la muqueuse à l’intérieur de la joue puis de presser ce coton humide de salive et de cellules dans un tube à essai) permet d’analyser la génotoxicité éventuelle . Comment? Avec un simple microscope. On sait qu’une cellule “stressée” (par un environnement polymétallique par exemple) peut, en se divisant, présenter des anomalies structurelles (comme par exemple la présence de deux noyaux) , absolument visibles au microscope.

Les analyses d’urine de la maman ont pour but d’analyser la présence éventuelle d’Arsenic, autre élément non essentiel , et de Cadmium.

Les reviewers du projet , question de méthode, ont demandé à ce que des analyses des urines des bébés soient aussi réalisées, notamment pour le Cadmium. Ce qui a bien fait  rire l’équipe! Les “burocrates” n’ont probablement pas pensé qu’il était quand même sacrément   difficile de faire pisser un bébé dans un tube en plastique ! Presser les couches? « Mouais, certes cela permet de recueillir des gouttes…mais pour des éléments -traces tels que ceux qui sont recherchés, ce n’est pas la meilleure méthode. »

Les tests de développement psychomoteur recourent à l’échelle de Brazelton qui peut être utilisée dès les premiers jours de l’enfant et qui permet de voir s’il réagit bien au son, à la lumière, etc…mais aussi s’il a un bon tonus musculaire.

Une étude difficile
La complexité de l’étude et quelques bâtons dans les roues (les autorités qui dissuadent les mamans de venir se faire traiter par exemple) ont fait que 79% des grossesses ont abouti, soient 358 bébés.

Les prélèvements de sang ont été menés sur 426 mamans au 2ème trimestre et sur le cordon (placenta) de 256 bébés. Des bébés n’ont pas été prélevés pour diverses raisons, soit que leurs mères ont refusé ( les médecins de l’hôpital n’ont pas hésiter à dissuader les mamans  de laisser prélever leurs enfants en faisant passer l’idée que l’équipe de l’IRD traficotait avec des cellules souches !), soit qu’ils sont morts (   la mortalité infantile atteint 4 à 5,7%. 14 bébés sont décédés, dont 8 à la Caja) .

Le système de santé bolivien permet à chaque citoyen de se faire soigner gratuitement (la SUMI) . Une ville comme Oruro est tout à fait typique d’une ville du Sud de l’Espagne, hors pollution des métaux lourds, évidemment.

 

 

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