Antennes-relais, une affaire d’État !

Qui n’a pas son antenne-relais sur le toit ? Le développement spectaculaire de la téléphonie mobile s’est fait nécessairement au-dessus de nos têtes ! Certains scientifiques sonnent l’alarme sur une nouvelle technologie qui serait nocive pour notre santé, tandis que d’autres se veulent plus rassurants…

Après l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 4 février dernier contre Bouygues Télécom, qui relève « qu’aucun élément ne permet d’écarter péremptoirement l’impact sur la santé publique de personnes exposées à des ondes ou des champs électromagnétiques », le mois de mars 2009 a vu fleurir les victoires des riverains portant plainte pour troubles du voisinage au motif qu’une ou plusieurs antennes-relais se trouvaient installées proches de leurs habitations. À chaque fois, même gain de cause : les juges ont condamné les opérateurs à démonter ces dérangeants voisins… En principe indiscutable, la décision de la justice a pourtant été vertement critiquée par l’Académie de Médecine, tout simplement parce qu’elle tenait compte « de la prééminence du « ressenti » du plaignant au détriment de l’expertise scientifique et médicale ! » Les scientifiques se plaindraient-ils de ne plus être écoutés ? Selon l’Académie, les antennes–relais sont sans danger. Dixit toutes les études médicales qu’elle a bien voulu retenir, et les organisations mondiales et européennes de santé ! Le contraire serait étonnant…et d’ailleurs bien embêtant pour le marché de la téléphonie mobile ! Simple coïncidence sans doute, le port-parole de l’Académie, André Aurengo, s’avère être aussi membre (« bénévole (!) » a-t-il cru bon de préciser au cours d’une audition publique organisée à l’Assemblée Nationale le 6 avril dernier…) du conseil scientifique de Bouygues Telecom et du conseil d’administration d’EDF-GDF…

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p style= »text-align: justify; »>Au cœur de la controverse …
En amont du « grenelle des antennes » qui vient de démarrer, les débats ont fait rage  : au Sénat, le 23 mars, un colloque organisé par les sénateurs Marie-Christine Blandin et Jean Desessard à l’initiative des associations Robin des Toits et Ecologie Sans Frontière et du syndicat Supap-FSU a donné la parole aux scientifiques militants pour des réglementations plus strictes. Étaient aussi invités (mais absents…) l’AFOM (Association Française des Opérateurs de Mobile), l’Académie de médecine et l’AFSSET (Agence Française de Sécutité sanitaire et du Travail). Le secrétariat d’état à l’économie numérique,  représenté par  Marie-Claire Daveu, directrice du cabinet de Nathalie Kociusko-Morizet, a salué l’exigence de démonstration scientifique des associations: « seule à pouvoir justifier le principe de précaution ». Les associations n’en attendaient pas moins ! Car pour l’instant, la démonstration scientifique est loin de faire consensus dans la communauté scientifque. Françoise Boudin, présidente de la jeune Fondation Santé et RadioFréquences, a d’ailleurs rappelé qu’il était encore trop tôt pour connaître les résultats des études engagées… Le 6 avril, à l’Assemblée nationale, c’était au tour de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de rassembler scientifiques, associations, décideurs – français et étrangers – pour une « audition publique sur les antennes relais à l’épreuve des inquiétudes du public et des données scientifiques ». André Aurengo, auteur de l’avis rendu sur le sujet par l’Académie de médecine, n’a pas manqué contester comme on s’y attendait toutes les études montrant des effets nocifs des champs électromagnétiques en les qualifiant de fausses, voire de frauduleuses.

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p style= »text-align: justify; »>Une table ronde pour calmer les esprits
Dans le contexte actuel, la mission du grenelle semble difficile, voire impossible! Comment concilier les opérateurs de téléphonie mobile et les associations, qui restent de fait profondément divisées sur la question de la dangerosité des  antennes-relais ? Initialement tenues à l’écart, puis finalement invitées, les associations actives sur ce sujet (Priartem, Robins des Toits, Agir pour l’environnement…) maintiennent leurs revendications, notamment l’abaissement des normes d’émission des antennes de 41 à 0,6 volt/mètre. Elles sont rejointes par les sénateurs Verts qui, à la suite du colloque du 23 mars au Sénat, ont déposé une proposition de loi exigeant cette nouvelle norme De leur côté, les opérateurs souhaitent poursuivre   l’extension de leur réseau d’antennes… Le professeur Aurengo, à l’Assemblée Nationale, a d’ailleurs affirmé que la norme de 0,6V/m reposait sur du vent. Et l’Etat ? Comme l’a illustré Maître Forget lors du colloque au Sénat le 23 mars dernier « 58 millions de Français veulent pouvoir utiliser leur téléphone sur la quasi-totalité du territoire, et l’État a fixé des obligations de couverture aux opérateurs, avec des sanctions financières pour ceux qui n’y répondraient pas. Il revient donc à l’État de dire clairement si oui ou non les antennes relais ont un impact sur la santé. » Or, pour l’instant, l’état veut éviter la polémique sur les effets sanitaires (pourtant au cœur du débat !). Ainsi que le redoutaient les associations, aucun des scientifiques ayant travaillé sur les effets sanitaires des ondes électromagnétiques n’est invité à ce Grenelle. Pas même la Fondation santé et radiofréquences, pourtant financée à parité par les opérateurs et l’État, qui pilote la plupart des recherches « officielles » menées en France sur la question ! Il est vrai que certains membres de son conseil scientifique se sont risqués à dire qu’il existait une incertitude scientifique quant à l’innocuité absolue des ondes… Enfin, parmi les sociologues invités, on remarque la présence de Michel Setbon, aux positions pro-OGM bien connues. Selon lui, les risques liés aux OGM sont  fantasmés, ce qui exclue bien entendu toute mise en oeuvre du principe de précaution…

Principe de précaution contre précaution de principe
Encore  une fois, pour préserver le marché, les instances officielles préfèrent « Attendre et voir »… Quid du droit des citoyens ? Sur un sujet aussi technique, il leur est difficile de s’y retrouver : le nombre d’études menées sur les ondes électromagnétiques dépasse aujourd’hui le millier ! À quels experts se vouer ? Qui croire ? L’expertise «officielle » est critiquée pour les inévitables conflits d’intérêts qu’elle soulève, alors que l’expertise « indépendante » est qualifiée de « pseudoscience ». (voir article «Encore de nombreuses incertitudes ») Pour autant, on notera, non sans un certain étonnement, que les compagnies d’assurance refusent de couvrir le risque en responsabilité civile concernant les champs électromagnétiques : connaissant la capacité des assureurs à évaluer les risques et à parier sur l’avenir,  cette  précaution   de principe ne révèle-t-elle pas à elle seule l’absence de données scientifiques permettant d’exclure tout danger ?

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p style= »text-align: justify; »>Le Grenelle s’organise…
Réparti comme le grenelle de l’environnement en cinq collèges (État, collectivités, associations, syndicats et organisations patronales), le   « Grenelle  des antennes », lancé le 23 avril, présidé par Jean-François Girard, docteur en médecine et directeur de l’Institut de recherche pour le développement, rassemble quelques cinquante participants issus des agences sanitaires, du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), des associations d’élus locaux, des parlementaires de la majorité et de l’opposition, des opérateurs téléphoniques, des associations de consommateurs et de l’environnement, des sociologues et juristes, des syndicats, des directeurs d’administration centrale …Après une série de réunions, tout au long du mois, une deuxième table ronde devrait intervenir fin mai pour « faire le point » sur les connaissances scientifiques ainsi que sur les réglementations en vigueur concernant la téléphonie mobile et les antennes relais.

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