Mp3 : menaces sur nos oreilles …

Jadis associés au phénomène inéluctable du vieillissement, les problèmes  d’audition concernent aujourd’hui plus de 6 millions de personnes  en France, dont de plus en plus de jeunes, mal informés des risques liés à l’exposition à de forts niveaux de bruits…ou à l’écoute abusive des baladeurs numériques !

Le mp3, standard du son numérique, compressé, aisément stockable et transmissible, a révolutionné l’accès à la musique et fait exploser les ventes des baladeurs numériques. Il est dit que dans l’Union Européenne, en 2010,  quelque 50 à 100 millions paires d’oreilles  assouvissent quotidiennement leur envie de musique au moyen de ces appareils qui permettent de stocker en peu de mémoire une vraie bibliothèque sonore. Voire même plus, avec le développement des téléphones mobiles de dernière génération qui permettent non seulement d’écouter de la musique ou des programmes radio, mais également le son des vidéos qu’ils permettent de regarder …Pour autant, alors que les ventes explosent, de nouveaux risques ne sont-ils pas en train d’émerger ? Des risques qui, comme souvent,  parce qu’ils n’ont pas de conséquences immédiates  ne sont pas toujours perçus comme il se doit.  Mais concernent suffisamment durablement l’intégrité de notre audition pour que des experts en santé  publique s’en inquiètent !

 

Les baladeurs numériques sont-ils dangereux ?

C’est précisément autour de cette question que s’est déroulée la dernière journée nationale de l’audition (JNA), 13 ème du nom,  le 11 mars dernier. À cette occasion, une vaste enquête a été menée auprès de 1000 jeunes âgés de 12 à 25 ans afin de mieux connaître  leur usage des baladeurs numériques. Les résultats témoignent de pratiques quelque peu alarmantes, à savoir que la durée quotidienne moyenne d’écoute au baladeur  chez ces jeunes est supérieure à 1h par jour ( 20% s’en servent 2 à 3h par jour, et 10% plus de 3h…),  selon différentes modalités d’écoute ( dans les transports, au lit avant de dormir, ou bien en cour de récréation… ). Par ailleurs, 4 jeunes sur 10 ont déjà ressenti des bourdonnements dans la tête ou des sifflements dans les oreilles… Bien sûr, on est loin du traumatisme sonore aigu (TSA) qui peut survenir à la suite d’un concert ou d’une explosion. Mais il est clair que les mp3 menacent les cellules ciliées des oreilles, et que la surdité risque de s’installer   insidieusement… et bien plus précocement. Ces jeunes risquent de devenir sourds vers 50-55 ans, alors que la surdité liée à l’âge (presbyacousie) ne survient habituellement pas avant l’âge de… 65 ans !

 

Les oreilles, des organes fragiles !

À moins de s’isoler dans un caisson d’isolation sensorielle, les oreilles sont exposées en permanence au bruit du monde. Ce  « bruit » est fait de multiples  sons provenant de différentes sources, pouvant interférer entre eux. Le son étant une forme  d’énergie  se propageant différemment selon les matériaux rencontrés  (air, murs, arbres, montagnes…), l’exposition sonore dépend habituellement de nombreux facteurs comme les dimensions de l’endroit où l’on se trouve, les éléments du décor mais également   l’anatomie de l’oreille ou encore… la coupe de cheveux de la personne !  Tout ceci explique que le silence soit exceptionnel…et   nos oreilles  des organes particulièrement fragiles ! « Car, rappelle le professeur Christian Gélis,  membre du Comité scientifique des JNA,  à l’inverse des yeux qui peuvent d’un battement de paupière se prémunir d’une intensité lumineuse trop forte, il est difficile pour nos oreilles de se protéger toutes seules et sans bouchons , du bruit ! » . À ceux qui s’imaginent que le bruit n’est pas nocif pour l’audition, il suffit de rappeler que toutes les expériences menées chez les animaux ont montré que l’exposition à des bruits particulièrement forts modifiait les cellules auditives. Précisions : les oreilles, dès qu’elles sont exposées à un son,  perçoivent de minuscules changements de pression. Ce niveau de pression   peut être mesuré et on l’exprime couramment en décibels (dB).

Une question de décibels ?

Un des points positifs de l’enquête a été de souligner que les 2/3 des jeunes sont conscients du seuil de risque pour l’audition :  80dB  . Et ce, même si les ¾ d’entre eux ne savent pas …ce qu’est un décibel ! Il faut dire que la notion est difficile : pour mémoire, l’être humain perçoit les sons à partir de 0 décibel.  Chaque fois que le son augmente de 20 dB, la pression acoustique est multipliée par 10. La pression acoustique d’un avion qui décolle à proximité (120 dB) est 1000 fois supérieure à celle d’une conversation normale (60 dB) … À moins de maîtriser parfaitement la notion d’ échelle logarithmique, on a de ce fait habituellement souvent du mal à se représenter toute la valeur d’ un décibel ! Car à ce compte-là, comme le rappelle le professeur Paul Zylberberg, membre du Comité scientifique des JNA,  « 83 dB, c’est le double d’un son de 80 dB !». Bien sûr, la quantité d’énergie sonore qui atteint le tympan de l’utilisateur du baladeur numérique dépend du type de musique, de la manière dont le son a été enregistré, du format sous lequel il a été sauvegardé, ainsi que des caractéristiques spécifiques du baladeur et des écouteurs utilisés. Et notamment, du volume de sortie du baladeur. Ce dernier est obligatoirement limité en France  par le constructeur à 100 décibels maximum, avec le casque fourni, depuis mai 2007 (arrêté ministériel, renforçant une directive du Code de la santé publique de 2001). Cependant, cette dernière donnée est variable, car, avec un autre modèle de casque par exemple, le niveau peut être réellement plus fort, jusqu’à atteindre environ 120 dB, soit le bruit d’un avion au décollage !

 

Pratiques à risque

L’occasion de souligner que le baladeur numérique, outre le fait qu’il peut être écouté à pleine puissance sans gêner le voisinage  et qu’il diffuse un son compressé, (le « mp3 ») qui élimine certains sons non perçus par l’oreille humaine, ne fait l’objet d’aucune mesure de protection particulière ! Alors que pour un travailleur, une protection auditive est requise dès que l’exposition sonore atteint 80 dB pendant une journée de 8 heures (soit le niveau sonore  d’une personne qui crie ou de la circulation d’une route nationale toute proche…) ! Jusqu’à présent, le monde du travail est le seul à  imposer une  limitation à l’exposition excessive au bruit. Or, saviez-vous qu’une exposition au travail à 80 décibels 8 heures par jour durant équivalait  à écouter un baladeur numérique à 95 décibels  15 minutes par jour ? Sachant qu’une perte auditive à une fréquence donnée n’est pas guérissable,  le mieux reste encore de prévenir ! Aussi, puisqu’en-dessous de  80 dB,  le risque pour l’audition est considéré comme négligeable,   baisser le volume est une mesure tout à fait protectrice (voir encadré) ! Voire même, dans ce contexte, bloquer tout simplement les baladeurs à 80dB ! Par voie réglementaire ! Une utopie ? Peut-être pas.  Le résultat d’un rapport du Comité Scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN), commandé par l’Union Européenne, et paru en septembre 2009,  a évoqué entre 2,5 et 10 millions de jeunes risquant une perte partielle ou totale de l’ouïe, à partir d’une écoute  à plein volume plus d’une demi-heure par jour pendant cinq années. Un chiffre suffisamment alarmant pour qu’à la suite de ce rapport,    la Commission européenne envisage de limiter à 85 décibels le volume sonore des baladeurs numériques … Des campagnes d’information et de sensibilisation devraient aussi se multiplier, telle que celle de l’INPES  (Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé). Même si l’on peut toujours souligner que  85 dB est plus du double de 80 dB,   c’est déjà un moindre mal ! Reste à voir si la Commission parviendra  à cet objectif …avant que des millions de jeunes n’y laissent une partie de leurs oreilles !


 

 


Quelques conseils pour protéger l’audition

– Choisir un bon casque : les petits écouteurs classiques ne protègent pas l’oreille du bruit ambiant (dans les transports par exemple) : il faut augmenter le niveau sonore sans cesse pour entendre correctement la musique. Un casque   cachant entièrement les oreilles isole mieux du bruit ambiant, tout comme les écouteurs intraauriculaires et limite le besoin de pousser le volume à outrance.

 
– Écouter la musique pas trop fort ni trop longtemps :  la dose sans danger, c’est  60 % du volume maximum du baladeur pour une écoute de 30 minutes par jour ! Soit un réglage sur 12 pour une graduation allant jusqu’à 20…

-Éviter les effets de type « loudness » : ceux-ci augmentent les basses fréquences et peuvent être dangereux si le son est trop fort.

– Garder le même niveau sonore au fil du temps.

– Savoir détecter les signes de fatigue : impression d’avoir les oreilles bouchées ?   Bourdonnement ou sifflement ? Stop ! Le phénomène, appelé acouphène,   ne doit pas durer plus de quelques heures, et au pire toute la nuit.

– Savoir faire des pauses : l’accumulation de forts niveaux sonores sur une courte durée est peu recommandable car l’oreille doit se reposer.

– Faire contrôler régulièrement son audition : le numéro Azur 0810200219 est en service toute l’année, à la disposition du public, du lundi au vendredi de 8h à 19h30 pour connaître le lieu le plus proche de son domicile pour bénéficier gratuitement d’un contrôle de son audition. Un plan gouvernemental, lancé début février, prévoit un dépistage systématique pour les jeunes de 16 à 25 ans.

Paru dans Alternative Santé avril 2010

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