La pervenche de Madagascar, bien connue des médecines traditionnelles, intéresse aussi l’industrie pharmaceutique. Foin des histoires de biopiraterie ou de pillages de ressources, elle a su donner vie au village de Los Mangos, en plein cœur du Mexique. Une renaissance durable?
Gonzalo Felipe a longtemps habité une case de feuilles de palmiers et de bambou au village de Los Mangos, à 25km de Catemaco. Aujourd’hui, c’est dans une maison de briques , en dur, qu’il vit avec ses 4 enfants. Sa réussite, il la doit à la culture de la pervenche de Madagascar qu’ici on nomme la ninfa. En effet, on sait que cette pervenche (Vinca Rosea) contient des substances qui intéressent dpuis longtemps l’industrie pharmaceutique. Dès les années 60, on a ainsi mis en évidence, dans ses parties aériennes, des alcaloïdes aux effets anti-cancéreux puissants : la vincaleucoblastine (vinblastine), particulièrement active dans le traitement de la maladie de Hodgkin et la leucocristine (vincristine), plutôt active dans le traitement des leucémies. En modifiant certains de ses alcaloïdes, des scientifiques ont même obtenu un nouveau produit : la navelbine (vinorelbine), active dans le traitement du cancer du poumon et du sein. Ses racines ne sont pas en reste, on a découvert qu’elles contenaient un autre alcaloïde, l’ajmalicine ou raubasine (NDLR que l’on extrait aussi des rauwolfias), particulièrement actif dans l’amélioration de la fonction cérébrale du sujet âgé, en facilitant l’oxygénation cérébrale des patients qui ont des problèmes circulatoires.
Un projet de développement
La pervenche de Madagascar a essaimé au gré des échanges commerciaux, un peu partout dans le monde. Ici, dans l’état de Guerrero et de Véracruz, elle fleurit bien des balcons. Et c’est une chance ! Car en 1984 , arrive au Mexique un jeune chimiste français d’à peine 30 ans, Michel Bichot,, envoyé par les laboratoires français Servier afin de trouver le meilleur site où cultiver la plante. Or cette région de Véracruz, au climat chaud et humide, semble parfaitement convenir. Et le village de Los Mangos, particulièrement pauvre, offre des terres et des perspectives de développement particulièrement prometteuses. Michel Bichot convainc Gonzalo Felipe de semer la ninfa sur sa parcelle de terre et de persuader d’autres paysans. (Précisons que pour produire un médicament, il faut des quantités considérables de plantes, bien supérieures à une simple culture de plantes d’ornement ! Le rendement s’élève en effet à 5- 6 kg de raubasine par tonne de racines sèches.) En échange de leur production de ninfa, le laboratoire pharmaceutique donnera à tous les paysans qui se lanceront dans l’aventure, assistance technique, engrais et crédit sans intérêts…tout en soutenant le développement économique de la région , aidant à la construction d’une école par exemple.
Un avenir certain
Ils sont bientôt 250 à se lancer dans l’aventure, et la culture de la ninfa leur rapporte rapidement bien plus que celle du maïs ou du café, sujets aux fluctuations du marché. Au total, ces agriculteurs parviendront à produire à l’année environ une demi-tonne de raubasine. Le produit entre alors dans la composition d’un médicament, le Duxil® des laboratoires Servier. Son retrait du marché en 2005 par l’AFFSAPS (il a été interdit pour cause d’effets neurotoxiques dûs à la présence d’un autre alcaloïde, l’almitrine…) aurait pu faire tourner assez vite le conte de fées à l’aigre ! Car on voit bien comme une telle culture peut être fragile… lorsqu’elle ne dépend que d’un seul client ! Mais il existe heureusement d’autres débouchés à la Raubasine, qui sert fort heureusement à d’autres médicaments (par exemple à l’Iskedyl® des laboratoires Pierre Fabre), toujours pour les patients souffrant de troubles liés à la neurodégénérescence liée à l’âge…pour le bonheur des habitants du village de Los Mangos !
Les pousses, cultivées dans les serres afin de les protéger de la pluie ou au soleil, sont replantées en plein air lorsqu’elles atteignent environ 10 cm de haut. Une fois la floraison terminée, les racines sont séchées au soleil pendant 2 semaines avant d’être réduites en poussière. Elles sont ensuite envoyées à un laboratoire d’où en sera extrait le précieux alcaloïde qu’est la raubasine.
Le Trésor de Los Mangos
« La première fois que j’ai entendu parler de cette histoire, raconte Laurent Sorcelle, c’est au travers de photographies qui montraient des champs de pervenche gardés par des mexicains armés de carabine ! ». Des champs en fleurs précieuses en quelque sorte! Le roman raconte l’histoire du développement de la culture de cette pervenche dans cette culture mexicaine ainsi que celle d’une amitié profonde, celle qui unit Michel le « gringo » et Gonzalo le paysan indien ! Deux mondes que tout sépare mais qui finiront par œuvrer en commun pour ce projet agricole d’envergure, se déployant sur l’une des régions les plus pauvres du Mexique. Laurent Sorcelle « Le trésor de Los Mangos », 2009, Editions de La Courrière
© Clara Delpas – Juin 2009
Sources
Les matières premières pour l’industrie pharmaceutique sont importées en majorité des Etats-Unis et dans une moindre mesure dEurope (Allemagne). Sur ce segment, on trouve la société française NIFAX qui commercialise des matières premières à la fois pour lindustrie chimique et pharmaceutique.
Leur spécialité est la production de principes actifs pharmaceutiques à partir de matières premières naturelles (plantes médicinales) cultivées, sauvages ou de sous-produits de lagriculture, et la société est parmi les leader mondiaux pour la fourniture de principes actifs entrant dans le cadre du traitement des maladies cardio-vasculaires (petronzio) http://209.85.229.132/search?q=cache:r9qe1cNQEyEJ:www.ccife.org/fileadmin/template/uccife/documents/mp_ccife/mexique/marche_chimie_pharmacie_cosmetique.pdf+nifax+pierre+fabre&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=fr&client=firefox-a
La vie de Michel Bichot est de notoriété publique http://www.lepetitjournal.com/content/view/10525/268/ http://www.lepetitjournal.com/content/view/19989/1844/
Il est même chevalier de l’ordre national du mérite depuis décembre 2006, et sa vie est racontée par l’ambassadeur… http://www.ambafrance-mx.org/spip.php?article162
Aujourd’hui, en France , il n’y a plus de Raubasine que dans l’Iskadyll de Pierre Fabre http://www.vidal.fr/Substance/raubasine-3018.htm
Nifax a des clients étrangers http://209.85.229.132/search?q=cache:GBjBOeQkkt0J:www.importgenius.com/importers/nifax-sa-de-cv.html+nifax&cd=9&hl=fr&ct=clnk&gl=fr&client=firefox-a
Sur le retrait du Duxil par l’AFSSAPS Duxil® : le 28 septembre 2005, l’Afssaps annoncait le retrait de l’AMM de Duxil® des laboratoires Servier à la suite d’une réévaluation du rapport bénéfice/risque de ce vasodilatateur à base d’almitrine et de raubasine. L’agence précisait que les résultats obtenus montrent que « l’efficacité de Duxil® est devenue insuffisante au regard des critères actuels exigés pour l’évaluation de l’efficacité dans ses trois indications ». Ces dernières étaient le traitement symptomatique du déficit cognitif et neuro-sensoriel du sujet âgé, (à l’exception de la maladie d’Alzheimer et des autres démences), le traitement d’appoint des baisses d’acuité et troubles des champs auditifs et visuels présumés d’origine vasculaire et le traitement de certains syndromes vertigineux et/ou acouphènes présumés d’origine vasculaire. Par ailleurs, l’Afssaps indiquait que la réévaluation avait mis en évidence un risque rare de neuropathie périphérique et d’amaigrissement. Le médicament disposait d’une AMM depuis 1978 et avait fait l’objet, en septembre 2001, d’une baisse de 65 % à 35 % de son taux de remboursement. Cette dernière décision avait été ensuite annulée par le Conseil d’Etat en juin 2003.
Commentaire de la revue prescrire : La spécialité Duxil à base d’almitrine à fait l’objet d’un retrait d’autorisation de mise sur le marché par l’Afssaps en septembre 2005 alors que l’absence d’efficacité est connue de longue date et les effets à type de neuropathies sont rapportés depuis 20 ans. Le comble est que le « retrait » survient alors que Ardix Médical a déjà cessé la commercialisation de Duxil depuis des mois !
http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Catharanthus_roseus_white_CC-BY-SA.jpg
Sur une critique http://www.lepost.fr/article/2009/03/17/1459637_selon-michel-drucker-cancer-considerable-enjeu-economique.html