Le quinoa, un sacré petit grain

Paru dans Biocontact en 2012

 

Star de l’alimentation biologique, le quinoa est aujourd’hui reconnu comme un aliment aux qualités nutritionnelles remarquables. Sans gluten, cette pseudo-céréale a été  promue aliment de l’avenir.

Que le quinoa soit typique des Andes, en Amérique du Sud, ne fait aucun doute. Depuis quand est-il cultivé ? Au moins depuis l’âge des Incas qui l’appellaient  « Chisya Mama », la mère des céréales. C’est dire l’importance que revêtait pour eux cette graine, qui a tout d’une plante magique : son extraordinaire adaptabilité à des conditions de croissance particulièrement défavorables (telles que les sols les plus salés, le gel ou la sécheresse typiques des hauts plateaux andins) et sa très grande richesse nutritionnelle l’avaient élevée d’emblée au rang de nourriture de la Pachamama, la déesse de la terre. Ceci explique en partie pourquoi le quinoa n’a pas attendu l’avènement de la mondialisation des échanges commerciaux pour se montrer  de l’autre côté de l’Atlantique : bien évidemment, dès que les premiers colons européens ont posé les pieds sur le sol des Amériques, ils les ont remarqués, ces plants si prisés de la cordillère des Andes. Et n’ont pas manqué d’en rapporter des graines chez eux en Europe pour tenter de les y cultiver …avec même quelques succès. Mais sans  marché pour la consommation humaine, le quinoa ne s’est alors pas développé , faute de plus considérations… Aliment des indiens, il était dédaigné des européens et cantonné à servir de grains pour les poules. Quant à ses feuilles , que l’on peut pourtant consommer tout comme des épinards, elles servaient de fourrage pour le bétail…Rapidement tombé dans l’oubli, tout comme le peuple indien dans son ensemble, le quinoa  a connu un renouveau dans les années 1980 : en 1983, une sécheresse importante sur l’Altiplano bolivien a  conduit la communauté européenne à allouer des sommes particulièrement importantes de subvention  aux agriculteurs boliviens pour qu’ils développent la culture du quinoa.

L’effet pervers de la mondialisation

La conséquence immédiate a été le  développement d’une agriculture intensive : la culture qui se pratiquait traditionnellement à flanc de collines est descendue en plaine pour permettre le passage des tracteurs,  entraînant érosion des sols et appauvrissement de la terre . Et surtout une  production  excessive bien difficile à écouler… Heureusement, la sagacité des industriels du bio, qui ont su miser sur les qualités nutritionnelles exceptionnelles du quinoa pour en faire la promotion, a alors ouvert de nouveaux marchés en Occident. Et, depuis une quinzaine d’années, en Amérique du Nord, au Japon et en Europe, les filières d’alimentation diététique et “ bio ” font une promotion efficace du quinoa : sa haute teneur en protéines, sa composition équilibrée en acides aminés, son contenu élevé en minéraux essentiels, lipides, antioxydants et vitamines, et surtout, son absence de gluten, ont tout pour séduire les consommateurs avides de produits bénéfiques pour leur santé.  Aujourd’hui, le quinoa se trouve jusque dans les rayons des supermarchés. Au point que l’offre peine à répondre à la demande : cultivé en Bolivie, mais aussi en Équateur, au Pérou et en Colombie, l’engouement  mondial qu’il suscite aurait pu conduire là encore les terres andines à leur perte,   motivant d’autant plus le développement d’une agriculture intensive destructrice. Sur le terrain, les ONG comme Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF) veillent à maintenir la durabilité des cultures : cueillette  des grains sans arrachage des racines, utilisation d’engrais naturels (excréments de lamas), chasses villageoises traditionnelles nocturnes aux papillons (plutôt que recours aux pesticides). Des savoirs-faire connus depuis toujours des paysans indiens, dont  la structure ancestrale, sous forme de mini-communautés (les ayulls), a permis aux indiens de s’organiser pour faire front face aux difficultés et ainsi tirer profit de cette richesse. D’autant que le marché s’étend de plus en plus, avec des débouchés qui vont bien au-delà du marché de l’alimentation : industrie des détergents, des cosmétiques, voire même de la papeterie et des produits phytosanitaires…Seul hic à ce développement idyllique, sa culture n’est destinée qu’à l’exportation :   au sommet de la terre de Cochabamba, en avril 2010, le président bolivien Evo Moralès a beau l’avoir encensé en le décrivant comme seul aliment complet du peuple, fustigeant par ailleurs le poulet aux hormones américain. Dans les faits, les indiens boudent le quinoa, préférant, avec l’argent que leur rapporte son négoce, s’acheter du blé américain, bien plus accessible…

Les différentes formes du quinoa

Actuellement, dans les magasins, on   trouve le quinoa principalement sous forme de grains et de flocons ou de soufflé. Pour être soufflé, le  grain doit être soumis à haute pression dans des conditions de température spécifique. Il devient alors très léger. Et sa forme bien ronde lui permet d’être utilisé  dans de nombreuses préparations. On le cuit comme le riz, un volume pour deux volumes d’eau durant 15 à 20 minutes dans l’eau bouillante. Sous forme de flocons (le grain est  chauffé à la vapeur puis aplati  entre des cylindres), ils sont très rapides à préparer et peuvent être utilisés pour épaissir   le potage ou pour faire   des galettes légères salées ou sucrées. 

 

Un aliment exceptionnellement complet

Le quinoa, quasiment naturellement biologique,  a en tout cas gagné tous ses blasons pour être un mets de choix dans nos assiettes et l’objet des attentions inventives des chefs de la nouvelle cuisine. Réputé pourtant fade au goût, on le met  à toutes les sauces…Et à raison, diététiquement parlant. L’aliment est en effet exceptionnel : un rapport de la FAO, l’Organisation pour l’Agriculture et l’Alimentation des Nations-Unies, le cite comme regroupant tous les éléments nutritifs nécessaires à l’organisme humain. À sa richesse en protéines s’ajoute sa richesse en acides aminés essentiels, dont la lysine, habituellement absente dans les céréales… Au point qu’il pourrait même théoriquement être un substitut au lait maternel ! La valeur nutritionnelle du quinoa est un équilibre exceptionnel : sa teneur en protéines est particulièrement élevée (16%, comme le blé, mais elle peut aller jusqu’à 23%, soit plus de deux fois plus que dans les autres céréales). Sans gluten, il est donc intéressant pour les gens qui souffrent de maladie coeliaque, maladie caractérisée par une intolérance de l’organisme humain à la glutamine, protéine contenue dans le gluten du blé et céréales de la même famille… Le quinoa, riche en acides aminés essentiels, (lysine, méthionine, cystine, arginine, histidine et isoleucine) le rend très complémentaire des autres céréales, habituellement déficientes en lysine, et des légumineuses, déficientes en méthionine et cystine. Il contient en outre de 58 à 68% d’amidon et 5% de sucre. Sa teneur en graisse est de 4 à 9%, dont la moitié en acide linoléique, un acide gras essentiel indispensable au corps humain. Son contenu relativement élevé en huile s’ajoute à ses caractéristiques nutritionnelles importantes. La richesse minérale des terres où il pousse lui donne une teneur exceptionnelle en divers sels minéraux, notamment du calcium, du phosphore et du fer. Et bien sûr du sodium, mais aussi du magnésium et du potassium, autres oligo-éléments nécessaires au bon fonctionnement de toutes les cellules du corps humain. Cette exceptionnelle richesse nutritionnelle explique que l’on tente aujourd’hui de le cultiver dans le monde entier, avec plus ou moins de succès : des contreforts himalayens aux montagnes rocheuses en passant par… les Pyrénées ! Plante multirésistante, le quinoa peut en théorie être cultivée sous tous les climats. Et même en France, où des agriculteurs de la région d’Angers se sont mis à sa culture !  Voire même…dans l’espace ! En effet,  après des années de recherche, la NASA le considère, depuis les années 1990,   comme  CELSS (controlled ecological life support systems ou systèmes de support de vie écologique contrôlée) : sa rapidité de maturation…et sa richesse nutritionnelle en font un candidat de choix pour entrer dans le menu des prochaines missions spatiales…C’est encore de la science-fiction, certes, mais le quinoa se mangera probablement même à l’avenir à des millions de kilomètres de la terre !

 

Clara DELPAS « Vertus et bienfaits du quinoa » , Editions Guy Trédaniel, 184 pages, juin 2011 12€90  – Un livre abondamment illustré pour tout savoir sur le quinoa : histoire, propriétés nutritionnelles et médicales, culture, développement… et recettes de cuisine.

 

 

 

 

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