Quinoa, 2ème jour

Je visite Salinas, vite on en fait le tour.
Mon portable ne passe pas, et dans toute la ville, aucune connexion internet ne fonctionne. Dans ce coin reculé, pas la peine d’espérer surfer! à part sur le désert de sel qu’on voit au bout de la ville, juste au pied du volcan Thunupa.
Thunupa, ce volcan magnifique, emblématique, divinifiée, se dresse, majestueux à plus de 5000 m . Il parait qu’on le gravit sans crampons ni cordes aisément…mais qu’il faut compter la journée. Ici, je me rends compte que je n’arrive pas à monter la pente qui me remonte à l’hôtel sans être complètement essouflée. L’altitude quoi. Ah oui, et puis l’autre truc bizarre, c’est qu’on mouche que du sang. Il paraît là aussi que c’est tout à fait normal.
Je me suis adaptée aux menus boliviens : soupe, frites-riz-viandes et maté de coca.
L’après midi, nous allons chercher un jeune étudiant français en stage pour avsf, puis visiter une communauté. La récolte de la quinoa y a été faite, bien qu’on puisse encore en voir des épis.
La raison? On ne mélange pas la quinoa rouge et la quinoa blanche, qui poussent souvent ensemble. Donc on laisse les rouges sur pied. D’ailleurs, pour mieux préserver la terre, on n’arrache plus les pieds de quinoa. Enlever les racines a pour effet de labourer le champ, et ça assèche la terre au final. Alors, on coupe , bien que ce soit plus difficile, un pied de quinoa c’est dur et même coupant, en plus, il faut une certaine adresse car sinon, on perd une bonne partie des grains!

La quinoa, séchée en tas depuis une ou deux semaines (ici, il ne pleut plus puisque ce n’est pas la saison des pluies!) est amenée en fagots alignés sur une bâche stratégique.
Le papy, qui a la jambe amochée par un coup de disque coupant (tronçonneuse aménagée pour la coupe de la quinoa) , est parait-il un homme riche. Il n’en a pas l’air, il est en guenille, avec des peaux de moutons pour protéger sa jambe des coups. Il peut à peine marcher, est toujours à 4 pattes.
Mais conduit son tracteur, outil indispensable, non pour labourer la terre (ça se sera pour plus tard, éventuellement au moment des semis) , mais pour commencer à faire tomber les grains de la quinoa et couper les têtes des tiges. C’est bio, ça? La communauté est en transition, durant cette période, de 3 ans, pas d’intrants dans la terre et des pratiques de culture respectueuses de l’environnement… Pour le tracteur, ben, en fait, il n’y aurait pas tant de problèmes que cela, tout simplement parce que le pot d’échappement est sur le haut du tracteur !

C’est assez spectactulaire ! Le soir, redîner, puis, siège d’AVSF où je rencontre Nicolas, le photographe qui va m’accompagner demain en reportage sur la cueillette de la quinoa. On passe la soirée à discuter, à manger des crémosas (des gâteaux boliviens à 1 Bs les 10 pièces!!!) et à boire du maté.

Quinoa, 1er jour…

Tôt le matin, nous prenons donc la route. De Challapata, nous prenons quelques pistes en passant par Huari, le village célèbre pour sa bière. Au point qu’on ne sait lequel a donné le nom de l’autre. Mes trois compères ne sont pas causant. Par contre, ils écoutent de la bonne musique, des chants révolutionnaires andins, assez sublimes, qui me rappellent un peu les quilapayun de quand j’étais plus jeune. En tout cas, cela change de cette horrible pop péruvienne , sur fond de flûtes de pan saturées qu’on nous balance dans tous les bus ici! A l’aller, mon ipod m’avait sauvé la mise , et d’Oruro à Potosi , j’avais écouté tout Bashung. (C’est incroyable comme l’album « l’imprudence » collait à la traversée de la cordillère dess Andes d’ailleurs. Là , comme j’avais décidé de voyager léger, tout était resté dans les bureaux de MDM.
Après 2 heures de piste en 4×4, nous voilà arrivés à la Marka Aroma, un village qui semble perdu au milieu de nulle part..
Dans la salle de la mairie, le représentant des autorités locales ouvre la réunion avec les familles productrices de quinoa du district indigène écologique n°3, l’un des derniers et plus petits groupements (8 familles seulement) à avoir rejoint l’ANAPQUI, Association Nationale des Producteurs de Quinoa. Pour ouvrir la réunion , on commence par faire tourner l’alcool potable à 96°. Pour un Aymara, l’alcool doit être pur! On verse un peu d’alcool au sol, délicatement, en bouchant d’un doigt le goulot de la bouteille( en plastique et de format identique à une bouteille d’eau de javel ! ) , puis on en ingurgite une gorgée (ou on mouille juste ses lèvres…c’est tellement fort!) . Si encore il n’y avait qu’une bouteille! mais non, pour la Pachamama, la terre mère, chaque famille a aussi sa bouteille, plus petite, plutôt format eau de toilette cette fois, et la fait tourner. Puis , on distribue les feuilles de coca, dans les deux mains, toujours. Car c’est des deux mains qu’on reçoit traditionnellement, pas d’une seule. Les chefs ont en plus du ljari, un résidu de cendres très dur qu’ils croquent tout en mâchant les feuilles. ça ressemble à un gros caillou gris et ça fait le même bruit quand on croque dedans. le Ljari donne de la vitalité, normal, la cendre alcaline aide à extraire les alcaloïdes de la coca, qui en contient pas moins de 13 (alors qu’un seul sert à faire la cocaïne) , c’est dire si la plante sacrée est riche. À 4000m d’altitude, un tel rituel augure une réunion cordiale. Chacun se présente. Pour que ce soit plus simple, les gens d’AVSF m’invitent à me présenter comme l’un des leurs. Bien sûr suivre une réunion en espagnol quand on ne parle pas la langue n’est pas des plus faciles, et la traduction simultanée serait mal venue. J’arrive à peu près à suivre, la communauté a présenté ses activités par un diaporama très didactique qui présente les conditions de culture, leurs intentions. La raison de la présence d’AVSF ici, c’est une étude commanditée par la plate forme du commerce équitable qui vise à évaluer l’équité du commerce de la quinoa. L’enquête est menée par Romain, d’AVSF Pérou, spécialiste du commerce équitable de la mangue et de la banane. Vers 11h30, les trois femmes assises dans le fond s’endorment sans vergogne ! Avant de se réveiller à la fin, et d’agréer tout ce qu’on dit, comme un bel exemple de communautarisme participatif. Puis, nous sommes invités à manger. Au menu, quinoa cuite à l’eau comme il faut, légumes et viande de lama bouillie. C’est très bon. Je mourrai de faim, n’ayant grignoté que du fromage depuis la veille (partie en bus à 13h30 la veille , je n’avais mangé que des conneries du genre gateaux et coca-coloa).
Puis, l’après midi, nous avons visité les terres de cette communauté. Et avons pu constater qu’ils utilisaient la tholla pour régénérer les sols, la laissant en place durant 2 ans, ne cultivant donc la quinoa qu’une année sur 3, qu’ils utilisaient aussi des plantes vivaces comme la lampaya , plante médicinale souveraine contre les coups de froid et au goût délicieux .
En répétant bien le mot de llampaya pour le noter dans mon carnet j’ai d’ailleurs fait gentiment rire toute la communauté aymara, qui a un son guttural inimitable , pour moi tout du moins, sur les “a “). Quant à la culture de la quinoa, nous avons vu qu’ils en cultivaient de la rouge, de la noire et de la blanche, les trois principales sortes parmi les plus de 180 recensées par l’université de (zut! je n’ai pas noté laquelle!) .
Le problème est posé : si la gestion durable des sols est un objectif affirmé de coopératives comme l’ANAPQUI qui regroupe aujourd’hui plus de 1500 familles sur tout l’altiplano , avec un cahier des charges très serré sur la régénération des sols, une culture trisannuelle, l’absence d’intrants, une agriculture respectueuse des hommes et de l’environnement, l’explosion récente des cours de la quinoa sur le marché international (cours qui sont fixés d’ailleurs tous les samedis au marché de …challapata…) a amené certains industriels peu scrupuleux et peu soucieux du devenir des terres et des hommes de l’altiplano à soudoyer certains petits producteurs à sortir des cahiers des charges très serrés de l’ANAPQUI en leur offrant le même prix d’achat de leurs productions. Tel est par exemple, l’industriel français Jatari, qui fournit par exemple le groupe Carrefour…
Bref, j’apprends que le commerce équitable n’est pas une question de prix juste aux producteurs, à la manière du el gringo de jacques vabre. Mais que ce qui est vraiment le commerce équitable, c’est le développement économique global de la région de production.
Nous essayons aux alentours de Salinas de rencontrer de ces petits producteurs , mais c’est difficile pour les petits producteurs qui traitent directement avec Jatari d’avouer cela (l’enrichissement personnel sont plutôt mal vu des communautés aymara).

Et puis la police municipale nous surveille, se demande se que fout la gringa avec son appareil photo.
Les chiens deviennent hostile. Je vois un troupeau gigantesque de lama rentrer des pâtures, mais c’est déjà trop sombre pour le prendre en photos.
Nous arrivons à l’écolodge de Salinas, un joli espace tout aménagé en bois de cactus. ça aussi c’est une découverte. Des meubles en bois de cactus, très jolis, on voit les trous laissés aux emplacements des épines, très esthétique…. Dîner et…dodo. Dans une chambre sans un poil de chauffage , brrr, je suis bien contente d’avoir mon duvet.

Potosi-Challapata

Le matin, je file au terminal de bus prendre mon ticket pour Challapata. Compagnie Transazul m’avait on conseillé . Je fais ce qu’on me dit. Le bus part à 13h30. Il me reste la matinée pour faire un bon tour de la région pour appréhender la problématique de la production minière de la région. Je retrouve donc Olivier de médecin du monde, qui vient me chercher …en coccinnelle blanche! Oui, une “peta” comme ils disent ici, au moins vieille de 25 ans mais toujours bien brave et tellement attachante. Je souligne le fait qu’il s’agisse d’une coccinelle blanche tout simplement parce que ce qu’elle doit subir entre la piste de terre et de cailloux et les dénivelés constants la rend tout à fait digne face aux plus gros Nissan Patrol ! Et oui, comme dans les films de Disney, et comme quand j’étais petite (moi, j’adorais la coccinelle rouge de ma maman), j’ai fait le tour de Potosi en peta!
Toujours impressionnant cette pollution minière, ces terrils, que j’entraperçois, mais que je compte bien revenir photographier dans quelques jours… Puis, nous retrouvons la jeune génération bolivienne, un neveu d’Olivier et son cousin, l’un étudiant en environnement, l’autre documentariste de films sur l’environnement… venus eux aussi se rendre compte de la problématique environnementale des alentours de la ville.
Je vais ensuite pour prendre mon bus pour Challapata! 3h30 de bus, sous un soleil pénible, avec comme d’habitude, les cholas et leurs cargaisons de patates, les femmes et leurs enfants, enfin un bus bondé de chez bondé… un peu pénible, mais bon, la perspective de cette semaine me réjouis, alors…
Le dernier SMS de confirmation me donne rendez vous à 18h sur la place centrale de Challapata, devant la mairie.
Lorsqu’à 17h j’arrive à Challapata, c’est toujours le noman’s land, on me dit que la place est vraiment loin, qu’il me faut prendre un taxi. ça commence bien, aucun taxi ne veut me prendre… Heureusement, une bonne âme m’entraîne avec elle dans un mini-bus collectif, et après avoir profité du voyage pour faire un mini-tour touristique de la ville, (mais malheureusement, il n’y a rien, mais alors absolument rien à voir à Challapata!!! ), j’arrive sur la place centrale, que je parcours là encore en tournant à la recherche de la mairie…que je ne trouve pas. ça commence bien! Alors je cherche à téléphoner, mais manque de bol, mon téléphone n’est probablement pas tri-bande ou que-sais-je, je ne capte aucun réseau, j’essaye une cabine téléphonique qui me recrache inlassablement ses pièces, je marche au hasard dans ces rues qui ressemblent à un décor à la western, j’entre dans une boutique “entel” qui dispose de cabines téléphoniques , et j’appelle nico, mon contact à la paz, il me dit “t’inquiète, t’as rendez vous à 6h, et pour la mairie, ça se dit Halcaldia en espagnol (heureusement qu’il me le dit, parce que vraiment “mairia” personne ne comprenait, on a beau dire, il suffit pas de rajouter loin de là que des o ou des a aux mots pour les hispaniser de façon intelligible.
Bref, en demandant l’halcaldia, on finit par m’expliquer où elle est, dans une rue vraiment paumée…j’attends, sagement, 18h, 18h15, 18h30…toujours personne…. et la nuit tombe. Tout est désert, pas une boutique.
Merde. Qu’est ce que je vais faire si personne ne vient? Alors je bouge, ma gentille boutique entel est…fermée! Je cherche un point de lumière, et tombe dans une quincaillerie. Je baraguine trois mots , un peu paniquée, je veux téléphoner , personne ne me comprend. Et puis, tout d’un coup , la chance. Il y a là un vieux papi qui achète des néons et des ampoules, et quand je lui demande si je peux téléphoner avec son portable, en lui expliquant que le mien ne marche pas, il me prend tout de suite sous son aile. Il appelle les gens d’avsf,(les boliviens), leur demande ce qui se passe, pourquoi ils ne sont pas là…En fait, ils ont décidé de passer la nuit à Oruro, (faut dire qu’à Challapata y a même pas un hôtel!!!) au dernier moment, et soi-disant ils ont essayé de me joindre. Enfin, mon portable “passait” jusqu’à 14h tout de même! Bref, la solution qu’ils me proposent, c’est de les retrouver à Oruro. Le vieux papi , qui me dit s’appeler “Pépé”, m’emmène dans son 4×4 aux bus qui partent pour Oruro. Il est 19h, le dernier est en train de partir, il est tellement bondé qu’il y a autant de personnes debout qu’assises. Il me dit qu’il ne me laissera pas monter dedans, que c’est beaucoup trop dangereux pour moi, que des accidents de “flotta” (les bus ici) il y en a tout le temps… En plus, le terminal d’Oruro, j’ai déjà pratiqué, ça craint un max, même si le type d’avsf m’a dit qu’il m’enverrait son chauffeur me chercher, c’est quand même pas top top. Bref, Don Pépé finit par me proposer de dormir sur un lit de camp dans l’usine de fromages qu’il vient d’ouvrir, à quelques rues de là.. On rappelle les gens d’AVSF qui passeront donc me chercher là à 7h tapantes le lendemain.. Enfin maintenant je commence à comprendre la mentalité bolivienne. Quand on te donne un rendez-vous, ce n’est vraiment pas rare qu’il saute… Mais bon, Don Pépé m’emmène dans son usine à fromages.
Il m’explique qu’il est un entrepreneur de Cochabamba qui conseille les entreprises dans toute la Bolivie. Là, son usine à fromages, c’est en fait une usine de la PIL, le principal groupe laitier de Bolivie.
Du coup , il m’emmène la visiter …et goûter les fromages et le yaourt qui y est fait. Un régal bien réconfortant après tout ce stress. ça y est je commence à retrouver le sourire. On boit une dernière infusion de coca, et je vais me coucher. sur les coups de …9heures !
Je suis épuisée… et dors d’une traite jusqu’au lendemain matin.

Potosi 2ème jour

Bon, toujours dans la série tourisme, et en plus c’est la fête, je déambule, visite, me promène , me repose. Avec toujours dans l’idée de rejoindre AVSF (agronomes et vétérinaires sans frontières) qui enquêtent sur l’équité du commerce de la quinoa dans la zone de l’intersalar bolivien, entre les départements d’Oruro et Potosi. Finalement, bonne nouvelle, on me confirme que je vais pouvoir partir avec eux. Le seul point qui m’enchante un peu moins, c’est que je dois les retrouver à Challapata. Souvenir du voyage aller Oruro-Potosi, la zone, au milieu de nulle part. Enfin, il faut ce qu’il faut, hein? Le soir je tente un ciné, avec une tchèque et des hongrois (donc bien co-co….) rencontrés à l’hôtel . Ambiance locale… le
Che de Soderbergh. Le ciné ambiance amérique du sud, la grande
salle énorme avec un son saturé (et glaciale en plus parce
qu’ici c’est l’hiver et on a genre -5°C la nuit et +4°C la
journée…). On s’était assuré que le film était en VO SAUF que bien
sûr toutes les scènes dans la jungle sont…en espagnol!!! donc c’était le
gag, on ne comprenait rien, et le son était tellement pourri que pour
comprendre l’anglais, on était obligé de lire les sous-titres en
espagnol! Bref, au bout d’une heure, à ne pas pouvoir se réchauffer en rentrant dans le feu de l’action, on décide de terminer au pub du coin, autour de vrais matés de coca, vraiment très réconfortants. Bon c’est le week-end, je peux bien me détendre un peu , non? Alors voilà un petit diaporama très basse def sur mes impressions potosiennes.

Potosi – 1er jour

Alors on a dit que Potosi était l’une des plus belles villes du monde. Et ben je partage cet avis…ville incroyable et improbable, complètement baroque et d’une richesse inouïe, des maisons coloniales et des églises partout. Et bien sûr toujours les mines ….Mais là j’ai envie de voir la ville, le couvent de St terese est ouvert, c’est un lieu magnifique dit-on.
Effectivement,

C’est aussi d’une richesse incroyable, à l’époque pour les familles qui y plaçaient leur deuxième fille, ils devaient payer l’équivalent de 2000 pièces d’or comme dot. Ce qui explique qu’il n’y avait que les aristos qui avaient une chance de devenir carmélite! Ainsi, ce couvent déborde-t-il de richesses. Des retables en or,
des christs dont les gouttes de sang sont des rubis, les larmes des perles ou des diamants, et les dents de nacre, je n’avais jamais vu ça ailleurs, franchement!

Autres choses sympathiques, la fabrication des hosties …
auparavant artisanale, aujourd’hui industrielle, regardez la différence… Bon, allez, je vais pas mettre toutes mes photos, il m’en reste tant à mettre!
Hasta luego

Fin d’oruro et la vierge du Socavon

J’oubliais, hier , nous avons interviewé avec Jacques les délégués à l’environnement de Oruro. C’était très beau, la métaphore entre la richesse minière et la richesse agricole. Ainsi, les cours du métal varient-ils, au moins la terre et les céréales qui poussent dessus peuvent-elles nourrir les hommes! Bien sûr que la santé et le bon développement de leurs enfants les préoccupent : mais on les imagine mal obliger les gens de la coopérative à porter des masques. En milieu industriel, bien sûr , ça s’envisage si on vire les gens qui n’appliquent pas ces obligations!
Résultat : 30 minutes sur le développement durable de la région, qu’il me reste encore à décrypter et qui fait un bon pont entre le développement industriel et le développement agricole!

Ce matin, comme cela arrive souvent, il y a eu défection de mamans à l’hôpital. Je photographie avec conscience l’autel . En parlant de croyance, pareil, hier soir nous avons eu une discussion passionnante sur les croyances populaires de la région à propos de l’éducation des enfants
Du coup j’ai entraîné toute l’équipe , Maria et Paloma, et même Marina, l’infirmière de l’hôpital à visiter l’église de la vierge du Socavon, la vierge des mineurs, celle qui les protège de tout….


Ainsi , elle protège du cancer, si si. C’est comme ça qu’on voit la santé au travail ici?
Enfin, ici ce qu’il y a de rigolo c’est qu’on est à la croisée des chemins entre la mythologie et l’histoire religieuse. Quand j’aurai décrypté l’histoire du Tyo (voir mardi) , alors je comprendrais toutes les péripéties de la vierge du Socavon! Bref, la particularité de cette église c’est qu’elle ouvre sur une vieille galerie minière parfaitement sécurisée. Donc on peut visiter la mine comme elle fonctionnait au siècle dernier.
On voit même comment les mineurs se débrouillaient pour voler les minéraux (un truc qui brisait le code de déontologie des mineurs et les exposait vraiment au lynchage (cf le joli pendu d’hier!) ) , en les mettant par exemple dans un biberon, ou bien en les mettant dans un linge sur le dos ou bien ou bien , tout plein de manières différentes et toutes répréhensibles!

La suite, la grève générale des usagers des transports, les graffitis anti-Evo sur les murs de la ville….
Enfin, après ces péripéties, me voilà dans le bus pour Potosi. 5 heures le long de la cordillère des andes, probablement le plus beau voyage en bus que j’ai jamais fait, des paysages somptueux, splendides, grandioses. Sur la route de Oruro à Potosi, les montagnes de la cordillère se découpent majestueuses dans le ciel bleu. Elles sont recouvertes d’herbe verte. On sait bien que dans quelques jours à peine le vert se transformera en jaune paille puis tout séchera jusqu’à la prochaine saison . À Challapata, le péage, un vieux urine en voyant passer le bus, même pas contre un mur! C’est là que le bus s’arrêtera au milieu de nulle part. Avec juste une petite échoppe, qui vend des fromages et doit tirer fortune de la halte du bus. Probablement toujours la même . deux fois par jour. Je repense à l’église de la vierge de Socavon, le matin en revoyant les photos. Pourquoi tout d’un coup cette envie furieuse de prendre absolumen les édifices religieux en photo, comme si less montagnes ne suffisaient pas à témoigner de la présence de quelque chose qui nous dépasserait? Les reliefs ont beau être toujours les mêmes et quasi identiques, on s’y plait à imaginer qui les pattes d’un lézard géant qui la queue d’un serpent. Moi qui me demandais l’origine de ces représentations reptiliennes! je commence à comprendre, à partager même les visions qui tout d’un coup affleurent comme si ces montagnes étaient des montagnes molles. Ou plutôt la curieuse impression qu’il s’agit d’éléments parfaitement vivants, meubles, avec les conditions climatiques. Dès que la pluie tombe, elles fondent comme des sucettes, comme c’est parait il mystérieusement arrivée à la vallée de la lune!
Autour de 55km avant Potosi, le soleil plus rasant, fin de journée oblige, donne à la cordillère une couleur brune particulière, les pointes encore éclairées commencent à tirer vers le rose. Le nombre de lamas et de troupeaux de chiens errants qu’on aura évité… Enfin d’autres frayeurs nous attendent, avec ce moment bizarre où le bus à 55 km de Potosi très précisément ne parvenait plus à monter la côte….mais dans un bruit redoutable avec une odeur de cramé monstrueuse en plus…Bon, pour finir, on est quand même arrivé à bon port. Je voulais descendre au Carlos V, mais il était fermé, je me suis rabattue sur les conseils du taxi sur un endroit vraiment très sympa, à deux pas de la place centrale.

Le programme médical de l’IRD

C’est dans deux hôpitaux de la ville d’Oruro, l’Hospital de Segundo Nivel Barrios Mineros et la Policlinico 10 de febrero – Caja Nacional de Salud, que le programme ToxBol développe son volet santé environnementale.
C’est là qu’en 2007, 455 femmes enceintes ont été incluses dans une vaste étude de suivi mère-enfant coordonnée par une équipe de l’IRD (Institut pour la Recherche et le Développement). Deux ans après le début de cette étude, en 2009, à l’occasion d’un échange chercheur-journaliste avec l’AJSPI, j’ai pu observer (plus que prélever et manipuler, n’étant ni médecin ni infirmière) les bébés et leurs mamans.
Et entendre l’équipe du programme commencer par me raconter comme leur mission était héroïque, confrontée et aux égos du personnel hospitalier en poste (qui craignaient qu’on ne leur marche sur leur territoire) et à la puissance de l’état plurinational de Bolivie, peu désireux de ce qu’un réel suivi des populations ne soit mis en place. Sans compter la difficulté de trouver des marqueurs biologiques de la pollution aux métaux lourds …D’ailleurs, les premiers examens de sang qui ont été réalisés, par un laboratoire brésilien, avaient complètement foiré, au grand dam de l’équipe!

Dans la région d’Oruro, on rapporte plein de troubles de santé potentiellement en rapport avec des pollutions aux métaux lourds. Si l’on reprend la population de l’étude, bien que la corrélation soit difficile à faire d’un point de vue scientifique, on peut noter effectivement un taux particulièrement élevé d’avortements spontanés. Et l’on sait bien que le plomb peut causer des avortements spontanés, même si c’est surtout quand il y a exposition occupationnelle ,  ce qui n’est pas forcément le cas ici… Pas moins de 84 mamans   ont eu au moins un avortement (18,46%) avant leur inclusion dans le projet.

Le programme comportait, pour la mère :
– des examens biologiques (prélèvements de sang au 2ème trimestre de grossesse,prélévement de sang de cordon sur le placenta à la naissance, prélèvements de sang chez la mère après la naissance)
-une ostéodensitométrie du talon de la maman à la fin de la grossesse
– un ,
– d’ autres
– le prélèvement d’une mèche de cheveu de la mère quand le bébé a cinq mois…
Et pour le bébé:
– des tests psychomoteurs (échelle de Brazelton, de Bayley…)
– un suivi poids-taille mensuel 
– une surveillance alimentaire
-une échographie du thymus à l’âge de un an

 
Au cours des consultations avec la mère , il lui était expliqué ce qu’elle doit donner à manger à son enfant. Et, tant pour la mère que pour l’enfant, on procédait à un prélèvement de cellules buccales afin d’ évaluer une génotoxicité éventuelle.


 

 
 
 
 
 
Plus de détails sur ces études

Le prélèvement de sang avant naissance et au moment de la naissance a pour but de doser les métaux lourds (qui ne s’appellent d’ailleurs plus comme cela, maintenant on parle d’éléments non essentiels). Par la suite, il vise à vérifier que la maman n’est pas anémiée…

Une centrifugeuse permet immédiatement de mesurer le nombre d’hématocrites : on place le sang dans un micro tube, la centrifugeuse sépare le sang du plasma et une simple règle graduée permet la numération!

Un autre appareil permet de mesurer le taux d’hémoglobine. Le sang prélevé est là encore centrifugé, on en met une goutte sur une toute petite plaque que l’on met dans la machine qui par un principe encore mystérieux affiche quelques minutes après le pourcentage d’hémoglobine de la maman.

L’ostéodensitométrie du talon a à voir avec la quantité de plomb qui a pris la place du calcium dans les os. En effet, le plomb et le calcium entrent en concurrence dans l’organisme, le plomb prenant la place du calcium dans les os. Lors de la grossesse, le bébé ayant besoin de calcium va puiser dans les os de la mère, qui s’ils contiennent trop de plomb vont contaminer également le bébé …d’où l’intérêt de telles études pour assoir par exemple la nécessité d’une supplémentation calcique au cours de la grossesse.

La mèche de cheveu a le même but et son intérêt avait été montré dans le suivi de la contamination au mercure des populations amazoniennes…

 

L’échographie du thymus du bébé permet de mesurer la bonne capacité immunitaire. Un gros thymus est associé à une bonne immunité. On corrèle éventuellement ,si le thymus est petit, avec un certain nombre d’épisodes infectieux consignés lors des consultations de suivi.

Le prélèvement de cellules de la muqueuse buccale , facile à réaliser tant chez la mère que chez l’enfant (il suffit de frotter énergiquement un coton-tige sur la muqueuse à l’intérieur de la joue puis de presser ce coton humide de salive et de cellules dans un tube à essai) permet d’analyser la génotoxicité éventuelle . Comment? Avec un simple microscope. On sait qu’une cellule “stressée” (par un environnement polymétallique par exemple) peut, en se divisant, présenter des anomalies structurelles (comme par exemple la présence de deux noyaux) , absolument visibles au microscope.

Les analyses d’urine de la maman ont pour but d’analyser la présence éventuelle d’Arsenic, autre élément non essentiel , et de Cadmium.

Les reviewers du projet , question de méthode, ont demandé à ce que des analyses des urines des bébés soient aussi réalisées, notamment pour le Cadmium. Ce qui a bien fait  rire l’équipe! Les “burocrates” n’ont probablement pas pensé qu’il était quand même sacrément   difficile de faire pisser un bébé dans un tube en plastique ! Presser les couches? « Mouais, certes cela permet de recueillir des gouttes…mais pour des éléments -traces tels que ceux qui sont recherchés, ce n’est pas la meilleure méthode. »

Les tests de développement psychomoteur recourent à l’échelle de Brazelton qui peut être utilisée dès les premiers jours de l’enfant et qui permet de voir s’il réagit bien au son, à la lumière, etc…mais aussi s’il a un bon tonus musculaire.

Une étude difficile
La complexité de l’étude et quelques bâtons dans les roues (les autorités qui dissuadent les mamans de venir se faire traiter par exemple) ont fait que 79% des grossesses ont abouti, soient 358 bébés.

Les prélèvements de sang ont été menés sur 426 mamans au 2ème trimestre et sur le cordon (placenta) de 256 bébés. Des bébés n’ont pas été prélevés pour diverses raisons, soit que leurs mères ont refusé ( les médecins de l’hôpital n’ont pas hésiter à dissuader les mamans  de laisser prélever leurs enfants en faisant passer l’idée que l’équipe de l’IRD traficotait avec des cellules souches !), soit qu’ils sont morts (   la mortalité infantile atteint 4 à 5,7%. 14 bébés sont décédés, dont 8 à la Caja) .

Le système de santé bolivien permet à chaque citoyen de se faire soigner gratuitement (la SUMI) . Une ville comme Oruro est tout à fait typique d’une ville du Sud de l’Espagne, hors pollution des métaux lourds, évidemment.

 

 

La visite de la mine d’Oruro et de ses alentours

Tôt ce matin, on part vers l’entrée de la mine d’Oruro. C’était une mine d’état, appartenant à la Comibol jusqu’en 1985 environ. Elle est aujourd’hui uniquement exploitée par des coopératives, à l’accès extrêmement contrôlé. On a de la chance, on est super bien accueilli par un mineur hyper désireux de nous faire visiter une partie de la mine. Il s’appelle Eleazar et s’avèrera être le meilleur conteur que j’ai jamais vu mais j’en reparlerai plus tard.
La visite d’une mine commence par le traditionnel achat d’offrandes pour le Tyo, un sac de feuilles de coca, une bouteille de mescal, un paquet de cigarettes….et un briquet avec une femme à poil dessus (il n’y a que ça dans la boutique).

La visite de la mine peut ensuite commencer. On entre par l’une des galeries principales, probablement l’une des plus anciennes. Elle est consolidée mais quand même : on apprend qu’un premier commandement du mineur, c’est de regarder attentivement le plafond, c’est toujours de là que vient le danger et on a tôt fait de se prendre une pierre sur la tête!

Manque de bol aujourd’hui, c’est panne d’électricité. Du coup il n’y a personne dans les galeries du bas. La mine s’étend sur une bonne dizaine de niveaux jusqu’à 350 m de profondeur. Là c’est l’enfer, une température ambiante de 50°C, les mineurs y restent à peine 1 heure à chaque fois avec une bonne dose de coca et d’alcool. On serait pas descendu si bas, mais bon , panne aidant, on se cantonnera à cette galerie principale. C’est déjà une bonne illustration.

La mine est extrêmement riche en minerais en tout genre , des pyrites, des calcopyrites, de l’argent sous forme d’oxydes, et bien sûr de l’étain. L’étain, comme on s’en sert pour toutes les soudures, forcément, c’est porteur!
Voilà Eleazard nous montrant un gros filon (en brun, c’est de l’étain) :

Et quand on a trouvé un filon, on le suit, jusqu’à …sortir de la montagne (on y reviendra)

Le minerai était chargé du temps de la Comibol sur des chariots qui passaient sur des rails. Quand la Comibol est partie, elle a pris les rails (!) mais laissé les chariots…

Bien sûr, le problème de la mine, à part le plafond, c’est qu’on creuse dans la roche, et que , loi de la gravité aidant, les parois ont parfois tendance à vouloir furieusement se rapprocher. On a beau mettre de grosses poutres entre , ce n’est pas sécurisant!

Et finalement au bout de quelques moments passés à marcher, on arrive au Tyo …

Et Eléazar nous raconte pendant une bonne heure délicieuse , en fraternisant avec la coca, (une bonne cinquantaine de feuilles mastiquées avec pas d’effet…Jacques m’explique que les premiers alcaloïdes ne sont libérés qu’en milieu alcalin d’où les plaquettes de cendres qui accompagnent souvent la mastication)… toute la mythologie du Tyo, cette « divinité » des mines , qui remonte au peuple Uru-Uru qui existait bien avant les Aymaras. Et, alors que partout dans les guides on lit que le Tyo est le parèdre de la Pachamama, la divinité de la fertilité, coup de théâtre, scoop ou exclu, Eléazar nous apprend que …le Tyo a sa Tya!

Et quand je lui demande pourquoi les femmes n’étaient pas admises dans les mines avant …2001, il m’explique que c’est parce qu’on pensait que le Tyo se désintéresserait de sa Tya en voyant d’autres femmes , et qu’ils n’enfanteraient plus le précieux métal. J’ai un récit de plus d’une heure sur toute la cosmogonie Uru-Uru, bien sûr on peut se dire qu’un seul témoignage ne fait pas foi, qu’Eléazard a réorganisé tout cela pour que ça fasse sens pour lui (d’ailleurs il le dit lui-même). Bref, trop long à raconter cette histoire de Tyo…

Enfin après , on ressort…

Le stade en chantier là, c’est Evo Moralès qui l’a donné aux mineurs d’Oruro, il leur avait demandé ce qu’ils voulaient et ils ont demandé un stade pour faire de la gym…On aurait pu choisir un autre endroit que celui -ci, probablement le plus pollué !

Et Comme les mineurs voient qu’on est motivés, ils proposent de nous faire traverser la montagne avec notre voiture!

les voilà à la sortie nos deux compères , Eleazar et George

La sortie de la mine est donc de l’autre côté de la montagne, mais à un endroit où l’on voit tous les filons …Un paradis pour les géologues, la pyrite abonde, l’hématite aussi (mais c’est moins joli , brut elle est juste rouge)…

Et puis de là haut on a un point de vue imprenable sur la mine d’Intiraimi , la mine d’or à ciel ouvert au cratère de 3 à 4 km de diamètre! Moi je trouve que le contenu du cratère a été déposé en forme de temple inca!

Après tout cela retour au point de départ… Et que deviennent les déchets miniers? Tout commence par un drain qui se déverse à ciel ouvert, plein d’oxydes de fer. Il paraît que quand il pleut on dirait du pschitt orange. Là c’est déjà pas mal!!!

Et pour ce qui est du minerai? Un projet de coopération hollandais avait envisagé d’enfermer les terrils dans de l’argile de les couvrir de terre et de végétation. Ainsi, plus de dangers. Mais les mineurs s’y sont opposés : ils veulent pouvoir continuer à exploiter ces tas. Et peut être ont-ils aussi envie que leurs enfants continuent à y jouer… le Bon Dieu veille même sur sur les tas….

Et puis tous ces déchets miniers…avec une croissance urbaine tellement monstrueuse, et bien ça fait du remblais pas cher. En effet, dans le coin, la zone est inondable et les maisons sont systématiquement surélevées d’un bon mètre! Un bon mètre de déchets miniers donc!

Sans même parler sur le site, des anciennes exploitations de la Comibol, comme cette « pré »-fonderie, une usine aujourd’hui désaffectée et sous contrôle militaire , qui préparait le minerai d’étain à fondre à la fonderie de Vinton (voir hier) à laquelle une route rectiligne mène.

En attendant, le drain traverse la ville, plus ou moins enterré, mais finit par rejoindre en bout de chaîne les égouts qui se déversent à ciel ouvert.

Un modèle d’études pour les chimistes car bizarrement en bout de chaîne ce n’est plus tant pollué que cela! des bactéries métallophages ont digéré une partie des problèmes…ça pourrait servir de modèle pour des bioréacteurs de retraitement de déchets miniers? Qui sait?

Une coopération allemande avait voulu faire une station d’épuration des eaux usées…léger problème auquel personne n’avait pensé : dans l’Altiplano, le soleil tue les bactéries et le froid les empêche de se reproduire! La station n’a donc jamais fonctionné! Des chercheurs essaient de mettre au point de la phytoremédiation pour que cette centrale arrive à fonctionner un jour…

Revenons aux eaux du drain et des égouts : elles se jettent…directement dans les eaux du lac popoo.




Et voilà la photo de la matinée.


Je raconterai la deuxième moitié de la journée demain. Il ne faut pas croire, mais je dors la nuit! En fait, il y a 6 heures de décalage horaire. Il est 6h22 à Paris, mais 0h22 ici. Je vais donc me coucher.

Les mines autour d’Oruro

Aujourd’hui, le voyage vers Oruro. 250km de route droite …et plate (on est sur l’altiplano qui comme son nom l’indique est un haut plateau , donc plat) bordée par la cordillère des Andes. On rentre un peu plus dans le vif du sujet. Première visite, l’hôpital. La consultation de Flavia qui suit les bébés nés depuis juillet 2008 ici. Une petite fille de 9mois charmante et tonique est examinée. Elle pèse 7 kg, soit le poids d’un bébé de 6 mois. Sa mère ne semble pas lui donner suffisamment à manger. En Bolivie, l’accès aux soins est gratuit depuis longtemps. C’est la SUMI, une sorte d’assurance sociale, qui existait même avant Moralès et était destiné aux enfants jusqu’à 5 ans. Moralès l’a étendu jusqu’à 15 ans, ainsi qu’aux vieux. La Bolivie est un des rares pays au monde à offrir un tel accès gratuit aux soins ! La SUMI est administrée par l’Etat, mais ça n’empêche pas la corruption : la mère du bébé trop léger raconte qu’elle a un autre enfant de 2 ans , très maigre lui aussi. Elle n’a pas beaucoup d’argent pour acheter suffisamment à manger. De fait, elle a droit à des sachets de céréales pour nourrir ses enfants, un par enfant…Mais elle n’en reçoit qu’un …qu’elle partage. Ceci explique cela. La consultation d’avant étant annulée, nous partons déjeuner, en marchant dans les rues d’Oruro, ça y est le soroche est vraiment passé, même si Flavia m’invite à ralentir mes pas.
J’apprends que pour manger sans risquer de tomber malade, le plus sûr est la viande grillée ou frite. Surtout pas de salades, ni de crudités à coup sûr c’est la turista. Alors, même quand on prend un hamburger, enlever la salade…. Moi le menu c’est nuggets frites et coca !
Et pour le café, ce sera à l’appartement. Il faut échapper à la tinta! Cet espèce d’horreur sud américaine qui consiste à torréfier le café avec du sang de boeuf et du sucre. La poudre noire étant mise à infuser pour faire une sorte de concentré de café que l’on allonge avec de l’eau…franchement pas fameux. Les chercheurs louent une appartement à Oruro, équipé d’une cafétière expresso. Et on peut se faire un bon café Alexander. le torrefacteur où j’avais d’ailleurs bu mon premier “bon” café bolivien avec Marie la veille.
Puis, l’après midi , visite guidée de la réalité minière.

Les mines d’état
Jacques m’emmène à Huanuni, la cité qui s’est construite aux pieds de la mine exploitée par la COMIBOL, la compagnie d’état d’exploitation minière.

Alors voilà l’histoire : La mine de la COMIBOL emploie 5000 mineurs. Elle est sous contrôle militaire et non visitable sans autorisation qu’il faut bien sûr demander très très longtemps à l’avance.

De la montagne on extraie l’étain. Les résidus des mineraux concassés et traités sont rejetés en contrebas de la mine. On pourrait attendre d’une mine nationale qu’elle prenne le soin au moins d’enterrer ses déchets ou de veiller à leur élimination. Non, non, tout cela se déverse formant un ruisseau qui sent les sulfures et à l’acidité remarquable.

De l’ordre de ph 1 à 2. Jacques me raconte que quand l’équipe de chercheurs environnementaux est venue avec ses outils pour procéder à des mesures de contamination….ils ont du jeter leurs outils à la poubelle tellement ils avaient été attaqués par ces fameux acides !

Cette boue de déchets miniers n’effraie pas les cochons qui viennent y manger sans complexes.

Enfin on se demande bien ce que peut contenir leur viande, notamment leurs rognons (l’équivalent de nos reins) qui savent si bien stocker le cadmium qui résulte des traitements des minéraux et qu’affectionnent particulièrement tous les boliviens! Ces déchets ne sont pas perdus pour tout le monde.

C’est là que nous rencontrons Machito (petit homme) qui n’a plus que 3 dents et fait partie des “contrebandiers” légaux de l’étain.

Cette boue, il la recycle en la faisant décanter dans de petits bassins arrosés 4 fois de suite.

L’étain étant plus lourd, il descend systématiquement au fond du bac, et les particules fines en suspension peuvent être éliminées avec l’eau résiduelle.


Il est d’une gentillesse rare, il explique en boucle son mécanisme de « Récupération  » (avé’ l’accent) pour être sûr qu’on le comprenne bien. Et montre la boue stanifère qui résulte de ces patients traitements. Et qu’en fait-il? Il le revend à la mine en haut!!!

En attendant, l’odeur de sulfures de ce ruisseau est assez insoutenable. La cité minière s’est développée à proximité si immédiate de ces exploitations que les enfants jouent au milieu de ces déchets hautement toxiques.


Je me dis  » mais une entreprise nationale qui fait autant de bénéfices (l’étain a fait la richesse de la Bolivie…) ne peut pas en reverser au moins une partie pour construire une ville à peu près décente? Ici rien ne semble avoir changé depuis un siècle, la ville est d’une extrême pauvreté, la prostitution y bat tous les records. »

2009, année de la terre, un parti écologique a peint ce manifeste sur le mur de la place :
“Comment veux-tu vivre? A toi de choisir!”

Et sorti de la ville, que voit-on? Encore des bassins de décantation….C’est dire si l’exploitation des résidus miniers se fait sur le long cours… Enfin, si on regarde le paysage ambiant, on commence à comprendre

On est dans l’altiplano! Car où va ce ruisseau toxique?

Il y a
Du ruisseau au fleuve et du fleuve au lac… certaines zones de terres sont complètement stériles, plus rien n’y pousse avant longtemps… situées à près de 4000m d’altitude , déjà qu’elles sont extrêmement fragiles….

Suite du parcours minier à Vinto, la fonderie qui appartenait à des fonds suisses auparavant et a été nationalisée par Moralès le 1er mai 2007. Tiens, on approche d’ailleurs du premier mai, et les boliviens se demandent ce qu’Evo va décider de nationaliser . L’an passé, c’était les stations services! L’essence est à l’état après tout! Dans une fonderie, le minerai est comme on s’en doute fondu. On récupère de l’étain pur sous forme de lingots.

Le problème est similaire : la fonderie est juste de l’autre côté …des champs où sont cultivés la quinoa de l’altiplano. Des prélèvements ont été faits : ils montrent que la quinoa (enfin pour les puristes, il paraît qu’il faut dire le quinoa) y est hautement toxique et parfaitement impropre à la consommation.

Un parcours-nature!

Puis, pour me montrer une mine d’or à ciel ouvert, illimani, exploitée par les américains New Mont, on prend une piste derrière la colline (on y arriverait par la route on ne nous laisserait pas passer) , et là c’est assez magnifique, l’altiplano de carte postale avec ces troupeaux de lamas qui bloquent la route !

L’endroit est tellement apaisant et calme que les premiers hommes d’ici, bien avant les incas, ont installé ici leurs monuments funéraires :

La mine industrielle de New Mont

Et c’est tout d’un coup qu’on arrive, derrière la colline , à la mine de New Mont. Alors là pour le coup, mine industrielle ultra sécurisée, gardée, tout est prévu. Le cratère fait plus de 3km de long. Cette vue dantesque est cachée par des remblais élevés …mais on devine l’intensité de l’exploitation. Jacques me raconte qu’on fait sauter la montagne à coup de dynamite …

Forcément , quand on a un cratère qui descend à 250 m en dessous du niveau du sol avec le fleuve à côté, ça se remplit de flotte qu’il faut éliminer ! C’est de l’eau salée en plus, inutilisable dans les processus miniers. Alors New Mont a construit une lagune soi-disant isolée du reste du Rio…. Il comptait au début sur l’évaporation naturelle mais a du bien vite installer des évaporateurs car il y avait encore trop d’eau!!!!

Et voilà à quoi ressemble la lagune. On voit les évaporateurs au fond. soi disant la pollution y est totalement contrôlée. On peut imaginer que c’est en partie vrai! Dans le contexte actuel un industriel américain n’a pas envie de prendre le moindre risque!!!!

Troisième et dernière visite : les mines des coopératives

On est prévenu : ici tout voleur sera …lynché. Les mineurs ne sont pas vraiment des rigolos. Une coopérative, c’est un nom sexy, qui évoque une force de cohésion, un relent de syndicalisme, quelque chose de corporatiste. Que nenni! C’est ni plus ni moins qu’un capitalisme déguisé. Pas de patrons, c’est sûr.. Mais ici, on fait partie d’un ensemble bien réglé. Ceux qui creusent , ceux qui moulinent, ceux qui fondent…. c’est une hierarchie!

Ah voilà ! depuis le temps qu’on en cherchait des bassins de décantation avec des oxydes de Fer 3+, qui donnent cette si jolie teinte rouge sang! Derrière on devine un stade de foot. Pas très sain de jouer au foot ici!


Le soir, rebelote de viande…du boeuf grillé. très bon . Et de la bière bolivienne, pas mal.
Et après , pfff….que de boulot pour mettre en forme mes notes! encore quelque peu incomplètes….

L’arrivée à El Alto

Surprenante arrivée à El Alto, la cité tout en haut de la Paz. plus de 4000m d’altitude. En sortant, je vois les bouteilles à oxygène qui semblent attendre les malaises. Curieusement, cela va très bien. Un taxi m’emmène chez mon hôte dans sa magnifique maison qui donne sur les montagnes de la cordillère.

Il est 7h du matin environ heure locale. Le petit déjeuner , tout va bien. Mais ensuite…aïe l’étau dans la tête et une furieuse envie de vomir , un sentiment de malêtre général. churito on l’appelle ici. Le mal des montagnes m’a saisi! Repos, maté de coca, et l’après midi, déjeuner dans le jardin avec donc le responsable du programme de l’IRD que j’accompagne dans les mines d’Oruro la semaine prochaine , le chercheur phare sur les glaciers boliviens , un historien de la bolivie, et puis un écrivain espagnol qui a refait l’expérience de Robinson Crusoë sur son île (et qui disait qu’il n’y avait vraiment rien d’autre à y faire qu’à écrire! peut-être que je devrais moi aussi tenter l’expérience?) , et pour finir l’actuel directeur du CCFD (le comité catholique contre la faim) , anciennement directeur du Centre Bartolomé de Las Casas au Pérou. Il y avait aussi le plus grand peintre bolivien,. Ainsi que la femme de l’historien, elle aussi historienne, mais plutôt d’ethnomusicologie et de gastronomie andine. Elle organise des fêtes où elle fait venir les grands groupes populaires de musiciens boliviens et tout le monde danse et fait la fête en mangeant la fameuse pikantès, la spécialité locale, qu’on fait avec du poulet, de la vache ou toute sorte de morceaux. (voir ci-dessous)
Au menu, c’était de la langue de vache avec une sauce piquante, et des tuna, une spécialité locale qui consiste à écraser des pommes de terre avec les pieds, à les mettre sur la montagne, où la nuit il gèle et le jour il fait chaud et ça fond, 10 jours d’affilé. Et ben on a des flocons un peu genre mousseline mais en moins sec. Etonnant . Bref, mon mal des montagnes m’a bien entendu empêché de remplir mon assiette ! Et de goûter au vin argentin qui accompagnait l’ensemble. Mais après 4 ou 5 verres de coca (cola) ça allait nettement mieux et du coup j’ai pu profiter du délicieux dessert. Une mousse d’un fruit dont j’ai déjà oublié le nom (loucouma ou quelquechose comme ça) qui ressemble à un avocat avec une chataîgne comme noyau…j’en rapporterai, c’était trop bon. un goût de fruit de la passion avec une pointe de caramel et de noix. Délicieux!
Sur l’exploitation minière, je commence à creuser le filon!


C’est une histoire bien humaine : des industriels sur équipés canadiens , américains, etc…viennent “acheter” les concessions d’exploitation des montagnes, qu’ils creusent à ciel ouvert. Ils mangent les montagnes et les déplacent , forcément puisqu’ils n’extraient que ce qu’il y a de bon à prendre. Au Pérou, plusieurs villes sont même carrément déplacées. On donne une indemnité de 15 000 dollars à des paysans qui font paître leurs troupeaux sur ces terres très riches. À eux de se débrouiller pour la suite. Mais qu’ils se cassent! Alors qu’au niveau social , cela pose bien sûr des problèmes redoutables. Car beaucoup cèdent à l’appât de tant d’argent…sans pour autant avoir un développement à long terme!
Il y a par exemple en ce moment la montagne Rumi Rumi où avait été arrêté Atahualpa, le roi inca. Riche en or, une compagnie minière envisage aujourd’hui de décapiter cette montagne….
En Bolivie, les exploitations sont ou des entreprises nationales ou des coopératives ou des syndicats ou des industries. Les coopératives sont en fait du capitalisme sauvage qui n’ont de coopératif que le nom. C’est un peu anarchique par endroit, comme à Oruro où je vais après demain. Peut-être dans 15 jours je vais à Sucre, voire là pour le coup les conséquences des exploitations minières…des gens qui n’en tirent aucun bénéfice et qui n’en ont que les désaventages, leurs salades et leurs carottes sont contaminées pour longtemps… Je ne sais pas si j’aurai le temps de tout faire. On m’a parlé du Pando aussi, sous contrôle militaire total après un « massacre » en septembre dernier. En fait, politiquement c’est compliqué, le MAS, le parti de Moralès fait « marcher » les paysans pour récupérer des terres. Il y a eu un préfet assasinné, et représaille, 10 paysans ont été assassinés. du coup la zone est sous contrôle. De l’autre côté du fleuve, les Bresiliens pillent la forêt amazonienne bolivienne comme ils n’en ont plus cheez eux. Les scieries sont de l’autre côté du fleuve. Et la déforestation de contrebande est en marche, les arbres sont abattus et passent le fleuve, contre bien sûr tous les avis des populations locales. On a beau jeu de dire que les paysans veulent de la terre, ils ne tirent rien de l’élevage qui n’a vraiment rien de durable. La résistance s’organise et les scientifiques qui constatent avec la déforestation la chute de la biodiversité, pourraient apporter du crédit aux organisations de paysans qui tentent de freiner ce pillage. Le sujet est tout de même un peu chaud (les brésiliens qui font de la contrebande ne sont pas des enfants de coeur) et on verra, si j’ai le temps , j’aimerai bien voir la jungle .
On a parlé aussi de Bolloré et du lithium. Mais rien n’est signé en fait. Et avec l’histoire récente (3 types assassinésla semaine dernière à Santa Cruz , un irlandais, un croate , un hongrois, suspectés d’avoir fomenté un attentat contre Moralès. En fait, aucune preuve de rien. Sauf que aujourd’hui même , les industriels pour lesquels ils étaient censés travailler ont vu tous leurs biens confisqués! On voit mal comment Bolloré signerait un contrat dans un tel contexte d’instabilité. Et puis le lithium, il y en a au moins autant dans le désert de l’Atacama qui prolonge le salar de Uyuni….alors on voit mal comment Bolloré ne préfèrerait pas signer dans un pays stable comme le Chili qui a en plus un accès direct à la mer. L’accès à l’océan, c’est ça qui manque à la Bolivie, et les négociations avec le Chili sont mal parti depuis que Moralès a traité le président péruvien de gros porc!