Faut-il avoir peur de la bactérie tueuse ?

Une épidémie de gastro-entérites hémorragiques a frappé l’Allemagne au mois de mai dernier. En cause, une contamination bactérienne par voie alimentaire. Et un problème de taille : impossible de trouver l’aliment responsable ! Une histoire pareille peut-elle arriver en France ?

Le 19 mai dernier, à Hambourg, dans le Nord de l’Allemagne, l’alerte était lancée au centre médical universitaire du centre de contrôle des maladies de l’Institut Robert Koch. Des centaines de personnes se présentaient depuis début mai aux urgences des hôpitaux de tout le Nord de l’Allemagne, avec des gastro-entérites sévères doublées de syndrome hémolytique urémique (SHU) hémorragique. En clair, des diarrhées aigues, avec du sang dedans, et une infection urinaire hémorragique entraînant des complications rénales pouvant être fatales. La bactérie responsable ? Escherichia Coli   (E.coli), une bactérie habituellement commune de notre tube digestif. Les patients ayant déclaré avoir mangé des tomates crues, des concombres et des laitues, les soupçons se sont aussitôt portés sur les légumes… Concombres espagnols, puis graines germées de Basse-Saxe, se sont retrouvés sur la sellette : en vain, l’aliment coupable, restait inconnu à la mi-juin. La bactérie avait déjà fait alors plus de 20 morts et plus de 2000 malades.

Des épidémies assez fréquentes

Ce n’est pourtant pas la première fois qu’une épidémie à E.Coli et en particulier à E. coli entérohémorragique, par voie alimentaire, survient, loin s’en faut. En 1982, aux États-Unis, des hamburgers insuffisamment cuits provenant d’une chaîne de restauration rapide avaient fait des centaines de victimes. Et, régulièrement, des épidémies sont recensées, de diverses causes alimentaires…: à Washington en 1993, liée à la consommation de hamburgers : 501 malades, 45 SHU et 3 décès ; au Japon en 1996, liée à des radis blancs : 9451 malades et 12 décès ; en Écosse en 1996 : liées à de la viande de bœuf avec 137 malades et 10 décès. En 2006, des épinards contaminés ont infecté 199 personnes aux États-Unis, causant des infections des reins.     Et en mars 2008,  près de 2,5 tonnes de viande potentiellement contaminée par une souche d’Escherichia Coli entérohémorragiques (EHEC) avaient  été mis en vente ! L’épidémie allemande, en revanche, est particulière : il s’agit d’une souche d’E.Coli  très virulente et  encore jamais rencontrée, la souche O104: H4, une bactérie entérohémorragique à Escherichia Coli   (EHEC).

Mécanisme de contamination

E.Coli est une bactérie commune, habituellement très minoritaire dans la flore intestinale du tube digestif de tous les êtres vivants (voir précédent numéro), mais qui peut devenir extrêmement virulente.   Elle peut se transmettre par voie alimentaire, contaminant aussitôt le système digestif. Et, sachant que les bactéries peuvent se reproduire toutes les 30mn, les dégâts arrivent vite. D’où vient-elle ? Du tube digestif des animaux et de leurs excréments. Ce qui explique que les deux principales catégories contaminées sont les steaks hachés et les végétaux. Les premiers, parce qu’il arrive, dans les abattoirs, que lors de l’abattage de la bête, les bactéries de son tube digestif en viennent à contaminer la viande… Les seconds, parce que les déjections animales sont souvent épanchées sur les champs, en guise d’engrais. Et pourquoi est-elle si virulente ? En cause, probablement, l’usage immodéré des antibiotiques dans les élevages (voir Alternative Santé n °362  ), qui permet aux souches bactériennes les plus résistantes aux antibiotiques d’être sélectionnées…

Une menace européenne ?

Les consommateurs européens se sont mis à craindre les légumes, entraînant partout une baisse des ventes et des destructions de stock par les producteurs eux-mêmes (comme à Nantes, le 6 juin par exemple). La recherche infructueuse de l’agent alimentaire responsable pose question, car son identification reste la seule façon d’enrayer l’épidémie. Et les erreurs sont lourdes de conséquences…L’Espagne, dont les concombres étaient dans un premier temps boycottés, a porté plainte auprès de la Commission Européenne pour le préjudice subi.  Posant question également, la surveillance et le système d’alerte en cas d’épidémie.  En France, la surveillance de telles infections est réalisée par un dispositif spécifique coordonné par des organismes comme l’Institut Pasteur ou  l’InVs… Mais les délais restent trop longs : 10 jours par exemple en France, lors de l’épidémie de steaks contaminés en mars 2008, entre le moment où la bactérie a été identifiée à l’abattoir et celui où les stocks contaminés ont pu être saisis.   Pour Pierre Franchomme, aromathérapeute,  c’est évident : « On aurait pu faire quelque chose en Allemagne en milieu hospitalier. Donner par exemple des doses massives d’aromanutriments comme le 801, un puissant bactéricide, testé cliniquement sur les cystites colibacillaires, et qui associe  des huiles essentielles de Curcuma de Java (Curcuma xanthorrhiza), de Thym (Thymus vulgaris), Origan vulgaire à carvacrol (Origanum vulgare) et Cannelle de Ceylan (Cinnamomum verum, cortex). »  Jean-Michel Morel, phytothérapeute (1), précise : « Le traitement préventif ou curatif des gastro-entérites à E.Coli passe par la restauration d’une flore intestinale de qualité, avec les probiotiques ; l’activation des défenses immunitaires, avec les polysaccharides que contiennent des plantes comme l’échinacée, certains lichens ou les champignons comme le shitake ;  la restauration de l’intégrité de la muqueuse intestinale (avec la canneberge ou plus généralement tout fruit rouge ou noir riche en anthocyanes) ; la lutte contre l’infection, avec les huiles essentielles, principalement à thymol et à carvacol ». Il préconise  « une formule à base de thym à thymol, de sarriette, de palmarosa et d’arbre à thé (20 mg de chacune de ces huiles essentielles, dans une gélule gastro-résistante ). Et rappelle, en cas de diarrhées aigües, toutes les vertus du jus de myrtilles, à prendre à raison d’un verre toutes les deux heures.

Il est peut-être aussi possible d’empêcher les contaminations en éliminant les bactéries directement des fruits et légumes. Le professeur Bill Keevil, Chef de service microbiologie et directeur de l’unité Soins de santé environnementale de l’Université de Southampton, a étudié l’effet bactéricide du cuivre sur les bactéries. Le 2 juin dernier, il affirmait que les souches  O104: H4  responsables de l’épidémie allemande  ne survivent pas à une exposition de 45 minutes sur une surface de cuivre humide ! Une propriété qui serait propre au cuivre et à certains alliages à base de laiton et de bronze, également testés…

(1)         Jean Michel Morel – « Traité pratique de phytothérapie » Editions Grancher

(2) Pierre Franchomme-  Daniel Pénoël – « L’aromathérapie exactement » Editions Roger Jollois

 

 Comment éviter la contamination ?

-Lavez bien les légumes, les fruits, les herbes… d’autant plus qu’ils doivent être consommés crus.

-Séparez les aliments crus des aliments cuits ou prêts à être consommés pour éviter les contaminations croisées.

  • Isolez la viande crue.
    -Revenez à une hygiène élémentaire de base (bien se laver les mains)

 

Conserver ses aliments au réfrigérateur  …

Pour éviter les contaminations bactériennes liées à la conservation des aliments, rangez bien vos aliments au réfrigérateur car la température n’y est pas la même partout à l’intérieur.

 

Sur les planches du milieu (4-5°C) et la planche du dessus (8°C), on placera les œufs,   produits laitiers,   charcuterie,   restes,   gâteaux et  produits « à conserver au frais une fois ouvert »

Sur la planche du dessous,   la partie la plus froide du réfrigérateur (2°C) : c’est l’endroit où il faut placer la viande et le poisson frais. Les placer en bas les empêche également de couler sur les autres aliments.

Le bac tout en bas,  est utilisé pour les légumes : sa température peut monter jusqu’à 10°C. Pour les légumes et les fruits qui peuvent être abîmés par des températures plus basses.

Les compartiments ou planches dans la porte qui sont les endroits les plus chauds du réfrigérateur (10-15°C)   sont prévus pour les produits qui ne nécessitent qu’une légère réfrigération (boissons,   sauces et beurre)

 

  • Ne mettez pas trop de nourriture dans votre réfrigérateur : l’air ne peut plus circuler et les températures montent.

  • Dégivrez-le régulièrement  : si vous laissez le givre s’accumuler, le réfrigérateur ne fonctionnera plus efficacement.   Dégivrez votre réfrigérateur   en utilisant de l’eau chaude et un détergent.

  • Ne mettez pas tout au réfrigérateur ! Certains aliments comme les fruits exotiques, les tomates, les haricots verts, les concombres ou les aubergines peuvent être stockés à température ambiante. De même que tous les fruits et   légumes qui ont besoin de mûrir …

  • Vérifiez toujours que la porte est bien fermée.

  • N’ouvrez les portes que lorsque c’est nécessaire et fermez-les dés que possible.

  • Gardez à l’esprit qu’un aliment n’est sûr au réfrigérateur que si c’est conseillé sur l’étiquette.

 

 

 

 

 

Les matrices périnatales de Stanislas Grof

Stanislas Grof est l’un des pères de la psychologie transpersonnelle. Dans les années 60, riches en expérimentation en tout genre, il fût le pionnier de l’utilisation du LSD dans le traitement des patients schizophrènes.  Puis, à la recherche de thérapies plus « naturelles »,  sans recours à des drogues, du développement de la respiration holotropique. Avec le soutien indéfectible de sa femme, Cristina, professeur de yoga. Pour Grof, les dimensions de la psyché humaine sont « infiniment plus vastes que ne le décrivent les manuels de psychologie et de psychiatrie classiques ». Pour bien les comprendre,  doivent être intégrés, outre le modèle classique du psychisme, limité à la biographie postnatale et à l’inconscient individuel au sens freudien, deux autres niveaux « transbiographiques » (et accessibles par la respiration holotropique) : le domaine transpersonnel qui concerne notamment l’identification expérientielle à d’autres personnes et animaux, les expériences karmiques ou l’identification au vide supracosmique… et le domaine périnatal lié au traumatisme de la naissance biologique.

La naissance est, pour chacun,  un événement déterminant   qui va modeler et organiser toutes ses expériences ultérieures.  « Notre manière de nous sentir et de percevoir le monde, ultérieurement dans la vie, est lourdement teintée de ce rappel constant de la vulnérabilité et du sentiment d’inadaptation et de faiblesse que nous avons connus à notre naissance » explique Stanislas Grof. Alors que la psychiatrie classique nie en général la possibilité que la naissance biologique puisse avoir un impact traumatisant sur le psychisme, (à moins bien sûr d’un traumatisme physique réel mettant en souffrance par exemple des cellules cérébrales), l’approche holotropique permet, en s’identifiant au nouveau-né confronté à l’épreuve de sa naissance,  de se connecter à l’universelle lutte de la venue au monde. Tout ce qui survient lors de cet événement, nous l’avons, certes, complètement oubliés. Néanmoins chacune des 4 étapes majeures qui le composent, est associée à des émotions, à des sensations physiques et à des images symboliques bien distinctes… formant des « constellations dynamiques de l’inconscient profond » que Grof désigne sous le nom de Matrices Périnatales Fondamentales (MPF). Ces matrices se comportent aussi comme des principes organisateurs pour des expériences relevant d’autres niveaux de l’inconscient.  L’intérêt de s’y reconnecter ? « À mesure que nous purgeons ces vieux programmes en les laissant émerger à la conscience, ils perdent toute pertinence et d’une certaine manière, meurent » explique-t-il.

MPF1 (union originelle avec la mère)

Correspond à l’univers amniotique, avant l’accouchement

Emotions & sensations physiques : sentiment d’être dans de vastes régions sans frontières ni limites ou (ventre inhospitalier) menace sombre, sentiment d’être empoisonné, sentiment apocalyptique

images symboliques : galaxies, espaces interstellaires, cosmos, océan, animaux aquatiques ou (si perturbé) eaux polluées, décharges toxiques..

 

MPF II (engloutissement cosmique, sans issue – enfer)

Correspond au déclenchement de la naissance biologique (déclenchement)

Emotions & sensations physiques : sentiment d’être menacé d’engloutissement, claustrophobe, anxiété et paranoïa,   pour toujours sans aucun moyen d’en sortir

Identification : prisonniers dans un donjon ou dans un camp de concentration, animal pris au piège

 

MPFIII (la lutte mort-renaissance)

Correspond au passage au travers du canal vaginal

On se sent suffoquer, en danger, menacé..

Emotions & sensations physiques : scènes sataniques et sexuelles, rencontres avec le feu…

Idenitification :  personnages héroïques et divinités représentant mort et renaissance…

 

MPFIV (expérience de mort-renaissance)

Naissance et coupure du cordon ombilical

Emotions & sensations physiques : libération explosive, entrer dans la lumière

Identification : souvenirs très concrets et réalistes (anesthésie, forceps, etc…)

 

 

 

La stevia, nouvel El Dorado des industriels

paru dans Novethic, juin 2011

La stevia a fait son entrée dans le Petit Robert 2012. Sa définition ? « Plante d’Amérique du Sud dont les feuilles ont un fort pouvoir sucrant. Produit extrait de cette plante, utilisé comme édulcorant. » Cela fait bien sûr quelques années que la stevia était dans notre vocabulaire, un peu moins qu’elle est autorisée à entrer dans la composition des aliments et des boissons : déjà plus de 1000 produits en contiennent aujourd’hui, du Pepsi Cola au Breizh Cola en passant par le Chocolat Villars ou les yaourts Nestlé…

Un exemple de « récupération écologique »

C’est de façon un peu abusive que l’on parle de la stevia comme d’un nouvel édulcorant. Il ne s’agit en effet pas de la plante, mais d’un de ses extraits, sur la dizaine qu’elle comporte : le rébaudioside A. Autorisé d’abord aux États-Unis comme additif alimentaire, par la FDA, fin 2008, puis en France, un an après, par l’AFSSA (aujourd’hui ANSES), et en Europe, par l’EFSA (l’Agence Européenne pour la Sécurité des Aliments), au printemps 2010, cet extrait standardisé, également autorisé comme édulcorant de table, est au cœur de toutes les attentions des industriels. Tout est là pour séduire le consommateur du 3e millénaire : acalorique, originaire d’une ethnie exotique — les Indiens guaranis, de la forêt amazonienne —, aisément cultivable et de haut rendement avec ses 4 récoltes annuelles, il se présente comme un édulcorant idéal, sur fond vert d’écologie matinée de commerce équitable et d’agriculture biologique… Au prix de quelques omissions savamment entretenues.

Par exemple, le fait que la plante soit principalement cultivée… en Chine ! 20 000 hectares de terre lui sont consacrés là bas, de quoi récolter plusieurs millions de kilos de feuilles et obtenir quelques milliers de tonnes d’extraits, et assurer près de 80 % de la production mondiale. Historiquement, ce sont des Japonais en visite au Paraguay dans les années 1950 qui l’ont ramenée dans leur pays. La culture s’y est depuis développée et étendue aux autres pays asiatiques (Corée). Le leader mondial de la stevia est d’ailleurs le géant malaisien PureCircle, qui dispose des exploitations agricoles jusqu’aux laboratoires chimiques en permettant l’extraction. PureCircle signe des JointVenture avec Mérisant (qui fabrique l’édulcorant Candérel) ou le sucrier NordZucker, tout en parant sa communication de multinationale des habits de la conscience écologique et humaine : les petits fermiers chinois qui travaillent pour lui seraient bien traités. Au Paraguay et au Brésil, où Pure Circle s’implante depuis les années 2000, les paysans sont aidés et soutenus par des ONG comme Los Amigos de las Americas…

Face à la crise du sucre et à la disgrâce de l’aspartame

Accusé d’être nocif pour la santé, l’aspartame, interdit depuis plus de 40 ans au Japon, est en train d’être réévalué par l’EFSA, qui doit rendre son rapport à la fin 2012. S’il est bien sûr encore trop tôt pour dire s’il sera interdit, il est prévisible qu’il puisse l’être… Notons que l’aspartame ne devrait d’ailleurs même pas être sur le marché européen, ainsi que l’a rappelé très récemment le Réseau Environnement Santé, la Commission Européenne ne disposant même pas des éléments scientifiques (le dossier de toxicologie) exigés pour son autorisation ! Le rébaudioside A se présente comme un concurrent sérieux de l’aspartame, qu’il est en train de supplanter, comme en témoigne l’évolution de ses ventes dans le monde : en 2007, 10 millions de dollars (contre près de 500 millions pour l’aspartame), en 2008, 21millions de dollars. En 2009, 180 millions de dollars. La progression continue, avec l’ouverture des marchés européens début 2010. Fin 2011, le marché de la stevia devrait atteindre 2 milliards de dollars. D’ici 2015, il pourrait en représenter près de 10 soit le quart du marché des édulcorants, estimé à 40 milliards de dollars !
Par ailleurs, les propriétés médicinales antiobésité de la stevia la placent sur un autre marché concurrentiel fortement en crise : le sucre, qui selon le dernier rapport de la Banque Mondiale, Food Price Watch reste toujours un produit rare et cher. Le prix du sucre a ainsi augmenté de 73 % depuis juin 2010. La demande s’accroît avec la démographie tandis que la production sucrière diminue, en raison de l’augmentation de la production des biocarburants à partir de la canne à sucre (notamment au Brésil, premier producteur mondial), mais aussi des mauvaises conditions climatiques (sécheresse…) des pays producteurs. Ce qui élargit bien entendu les débouchés de la stevia. D’autant plus qu’en terme de rendement annuel à l’hectare, pour la canne à sucre (6 à 8 tonnes/ha) c’est 700 à 900 kg de sucre, pour la stevia (3 à 4 tonnes/ha), avec 1 tonne de feuilles de stevia on obtient de 3,6 à 4,5 kg de steviosides, équivalent à 1400 à 1800 kg de de sucre, l’extrait de stevia étant 300 fois plus sucrant que le sucre…

Un succès mondial

Aujourd’hui, de nombreux pays se sont mis à la culture de la stevia : Afrique du Nord, Amérique du Sud, Australie, Canada, États-Unis, Inde, Israël, Russie et, depuis 2010, la France. Un essai dans l’Hérault, autorisé par la DGCCRF, est mené sous la direction de la chambre d’Agriculture de l’Hérault. En agriculture biologique. Si les résultats sont concluants, le développement d’une filière biologique française a toutes les chances de séduire des consommateurs soucieux tant de l’écologie planétaire et du « développement durable »… que de la qualité des extraits ! Car pour l’heure, cette dernière n’est pas contrôlée, comme l’a confirmé la DGCCRF : « Il suffit juste que le laboratoire souscrive au cahier des charges définissant l’extraction chimique du rébaudioside A, avec une exigence de pureté de 97 % ! ». Le seul critère de qualité reste donc pour l’instant la bonne foi des laboratoires. Et, en août 2010, une affaire de stevia bolivienne frelatée, coupée à 20 % à la saccharine, n’a pas été sans semer quelques doutes ! Pour l’heure, le marché mondial de la stevia s’organise : une Organisation Mondiale de la Stevia (WSO) s’est même montée en 2010.
Elle vient d’ailleurs de tenir son 3e Congrès Mondial à Paris, le 25 mai dernier. Cet organisme privé qui réunit des industriels (Coca Cola et Nestlé par exemple) et des universitaires (comme le Pr. Maixent de l’Anses), illustre tout l’engouement que porte le monde des édulcorants à cette nouvelle plante. Tout comme l’enthousiasme mis pour lever les obstacles à son développement : le dernier congrès de la WSO avait pour thème le moyen de neutraliser l’arrière-goût de réglisse de la plante, qui perturbe les consommateurs occidentaux, et a déjà fait renoncer certains industriels, comme les bonbons Ricola par exemple, à l’employer. Sur l’affaire, tous les chimistes sont déjà sur les rangs… Que restera-t-il bientôt de la Stevia naturelle, qui aurait pu faire la richesse des Indiens guaranis, si la convention de Nagoya sur les brevets avait été signée avant ? Une molécule chimiquement parfaite, sans doute….

Le microbiote : des microbes qui nous veulent du bien

Aujourd’hui plus que jamais, la recherche s’intéresse à la population si particulière que représentent les bactéries contenues dans notre tube digestif. Ses mystères commencent à être décryptés. Petit tour d’horizon…

On les regroupait si poétiquement sous l’appellation de flore intestinale. Aujourd’hui, sous la pression des scientifiques américains, c’est désormais de microbiote que l’on parle pour évoquer ces bactéries qui colonisent nos organismes. Ce n’est pas une découverte, cela fait des années qu’elles sont étudiées et que l’on sait à quel point qu’elles participent à notre bon équilibre. Déjà dans les années 1920, on vendait des yaourts en pharmacie pour soigner les diarrhées des bébés ! L’affaire n’est donc pas neuve. Mais les connaissances s’étendent, découvrant le rôle de ce microbiote dans de nombreuses maladies, voire même dans nos comportements psychiques !

Ce microbiote qui nous est propre…

Si le fœtus en est dépourvu, dès sa naissance, le nouveau-né est exposé à toutes les bactéries de son environnement : celles des voies naturelles par lesquelles il doit passer pour venir au monde (s’il naît par césarienne, ou trop prématuré, les choses seront différentes), celles qui se trouvent sur les mains des infirmières, etc. Peu à peu, jusque vers l’âge de 2 ans, les bactéries avec lesquelles le nourrisson est en contact et qui entrent peu à peu dans toutes les cavités de son organisme vont constituer son microbiote personnel, sa carte d’identité bactérienne en quelque sorte. Cette colonisation se fait selon un ordre précis, certains types de bactéries venant en premier, d’autres s’installant bien plus tard. Elle dépend aussi de l’environnement, différent par exemple selon que l’enfant est allaité ou pas. Le microbiote petit à petit devient un monde à part entière et même… 90 % de notre constitution. En effet, des cellules qui nous composent, seules 10 % peuvent être considérées comme d’origine « humaine », les 90 % restants sont des cellules « étrangères », des bactéries plus précisément, auxquelles nous offrons le gite et le couvert. En échange, « nos » bactéries nous aident à digérer les aliments, produisent des vitamines (K, B12, B8), mais aussi combattent les infections (70 % de notre système immunitaire étant associé au tube digestif, le microbiote collabore sans doute grandement avec lui…). Certains chercheurs sont d’ailleurs convaincus que les allergies des enfants sont dues au fait qu’ils n’ont pas été mis en contact avec les bonnes bactéries : selon cette théorie dite « théorie eugéniste » », ils doivent être envoyés en séjour à la ferme pour être exposés aux « bonnes » bactéries, animales et autres, qui sauront les immuniser.   Sans microbiote, nous ne pourrions pas vivre. Impossible ne serait-ce que d’assimiler les végétaux, si nous n’avions pas dans le microbiote des bactéries capables de casser la cellulose, l’amidon et autres polysaccharides qui les constituent ? Mais, alors que l’on pourrait penser que cette flore microbienne est propre à chacun, et qu’il en existe donc autant que d’individus, une chose étonnante vient d’être confirmée par une équipe internationale de chercheurs[1] : le microbiote serait un peu comme le groupe sanguin. Il n’y en aurait en fait qu’un nombre très limité : tout comme il n’y a que 4 types de groupe sanguin, il n’y aurait que 3 types de microbiotes, caractérisés du nom des populations majoritaires de bactéries qui s’y trouvent, à bactéroidètes, à prévotelles ou à ruminocoques… Ces chercheurs ont ainsi, après avoir étudié des microbiotes très similaires, d’une trentaine de Japonais, Français, Espagnols, Danois et Américains, constaté qu’il existait de grandes similitudes entre les flores intestinales des Français et des Japonais par exemple, pourtant soumis à des régimes alimentaires et des environnements très différents. Des résultats dont on ne connaît pas encore bien les implications, car ils doivent être confirmés par l’étude plus large des selles de 250 personnes américaines et danoises.

Microbiote sous influence

Quand bien même on ne discerne que trois types de microbiotes dans le monde, ceux-ci restent influençables. Premier facteur : l’environnement, et plus exactement les bactéries qu’il contient. Grâce à elles, nos microbiotes acquièrent les capacités nécessaires pour mieux digérer. C’est ainsi que l’on explique par exemple pourquoi les japonais digèrent mieux les makis que les Occidentaux : habitués depuis plus longtemps à en manger, ils ont dans leur flore acquis de quoi les digérer. Ainsi, rapporte une étude parue en 2010, la flore intestinale des Japonais contient une bactérie spécifiquement dotée des  gènes permettant de digérer les fibres des algues alimentaires. Comme la « porphyra » (ou « nori ») par exemple qui entre justement dans la composition des makis. Ces gènes, dont sont dépourvues les bactéries des Occidentaux, auraient été transmis aux bactéries intestinales des Japonais par des bactéries marines qui les contenaient naturellement. Hypothèse évoquée : voici mille ans environ, et probablement avec l’introduction du nori dans l’alimentation, les gènes seraient passés, des bactéries marines aux bactéries humaines. Bien d’autres facteurs existent, parmi lesquels on peut citer  le stress : il vient d’être démontré que les patients soumis à un stress présentaient dans leur flore un plus grand nombre de bactéries pathogènes. Ce qui offre quelques nouvelles pistes d’explications au fait que certaines maladies comme le syndrome du côlon irritable ou l’asthme soient particulièrement renforcées  en période de stress. [2]

 

Des maladies expliquées

En étudiant le microbiote (ce qui est possible par l’analyse des  bactéries qui sont contenues dans les selles), les chercheurs ont confirmé que de nombreuses maladies étaient effectivement liées à une dysbiose, autrement dit à un déséquilibre  des populations bactériennes de la flore intestinale. Ainsi, des maladies digestives comme la maladie de Crohn, le syndrome du côlon irritable, les troubles fonctionnels intestinaux ou les maladies inflammatoires de l’intestin ont trouvé un nouvel éclairage. Mais la « dysbiose » serait aussi impliquée dans des pathologies plus inattendues comme dans l’obésité. En cause, un déséquilibre de répartition entre deux grandes populations bactériennes : les obèses ont ainsi plus de firmicutes que de bactéroidètes. « Des études ont montré que lorsqu’une personne obèse maigrit, son microbiote se met à ressembler à celui d’une personne mince ! » poursuit Gérard Corthier, ancien directeur de l’unité Inra d’Écologie et de Physiologie digestive [3]. Leur population de bactéroidètes se met à augmenter. Autre implication possible du microbiote : les maladies auto-immunes telles que le diabète de type I.  Et même certains troubles du comportement alimentaire. « Si l’on prend des souris sans microbiote (sous bulle) et que l’on rajoute diverses microflores humaines, on observe que sur des tests de comportement (test de peur dans un labyrinthe par exemple), elles n’ont pas le même comportement en fonction de leur microbiote », poursuit-il. En extrapolant, et « même si cela n’excusera pas les grands criminels, est-ce qu’une partie de notre comportement ne pourrait pas être liée aux bactéries qui nous habitent ? » s’interroge Gérard Corthier. Certaines formes d’autisme semblent d’ailleurs déjà pouvoir être grandement améliorées… par la prise d’antibiotiques !

 

Pré et Probiotiques….

Toutes ces découvertes confortent l’idée qu’en agissant sur la flore intestinale, on agit aussi sur la santé. Depuis longtemps, les autorités sanitaires reconnaissent d’ailleurs l’intérêt des prébiotiques, des ingrédients alimentaires non digestibles qui stimulent la multiplication et l’activité de certaines bactéries intestinales, les bifides (effet « bifidogène »), tels que les Fructo-Oligo-Saccharides (FOS) ou l’Inuline, extraite de la chicorée, ainsi que celui des probiotiques, des bactéries d’origine naturelle, comme les lactobacilles par exemple, que l’on trouve dans la choucroute, les laits fermentés… et bien sûr dans les yaourts ! Dans un monde où les allégations de santé sont soumises à l’exigence des preuves, et sont sous le feu des législateurs, il n’est pas étonnant que la plupart des recherches menées dans ce domaine intéressent avant tout…les grandes industries de produits laitiers comme Danone ou Nestlé, par exemple, qui, avec leur « bifidus actif », participe au financement, de programmes menés à l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) par exemple. Heureusement, la question des conflits d’intérêts se trouve atténuée par le fait qu’il n’y a pas de dangers à taire, les bactéries sont ici là pour nous servir : plus belle peau, meilleure immunité, et amélioration des troubles fonctionnels intestinaux en sont ainsi les principaux bénéfices revendiqués ! À noter enfin qu’il existe aussi des symbiotiques, qui allient à des souches probiotiques à une matrice prébiotique pour une action plus totale.

 

Vous avez dit dysbiose ?

La flore intestinale peut être momentanément perturbée, on le sait depuis longtemps, par la prise d’antibiotiques par exemple. Ou par le lavage au PEG (polyéthylèneglycol) précédant une coloscopie. Ou bien encore par le lavement à l’eau lors d’une hydrothérapie du côlon. Mais elle finit toujours par se reconstituer, au bout d’un certain temps plus ou moins long. En cas de dysbiose avérée, la recherche d’intolérances alimentaires, suivie des corrections diététiques qui s’imposent est une première étape. Elle peut être complétée par la prescription de traitements naturels à base d’huile essentielle de cannelle (qui assainit la lumière intestinale), de curcuma (qui apaise l’inflammation de la muqueuse intestinale), de chlorophylle magnésienne pure (qui cicatrise la muqueuse altérée) et de divers nutriments spécifiques (comme la L-glutamine) [4].…. En attendant que l’on puisse agir directement sur la flore intestinale, ce qui pourra sans doute être possible un jour, avec des bactéries soigneusement choisies. Mais pour l’instant, les chercheurs sont encore en phase d’exploration et n’ambitionnent apparemment pas du tout de jouer aux apprentis sorciers. L’un d’entre eux, Jeffrey Gordon, celui-là même qui a mis en évidence les différences de microbiotes entre personnes obèses et saines a même déclaré : « il est urgent d’attendre ! »   Une prudence d’autant plus salutaire que si l’on s’intéresse aux bactéries d’origine naturelle, il est désormais aussi possible de créer des bactéries de toutes pièces et avec tous les gènes que l’on veut, de nouveaux OGM en somme !

 Les antibiotiques diminuent-ils notre immununité ? Les antibiotiques ne perturbent  pas seulement notre flore en y semant la diarrhée : une expérience menée chez les souris a montré que celles qui prenaient des antibiotiques se défendaient moins bien contre le virus de la grippe que celles qui n’en prennent pas. Comme si les antibiotiques « tuaient » aussi les bactéries qui permettent notre immunité….[5]

Des microbes dans tout le corps !

Le microbiote ne se limite pas à notre tube digestif : toutes les cavités du corps (bouche, vagin, système urinaire) sont colonisées par les bactéries et des pathologies sont directement liées à la multiplication incontrôlée de certaines d’entre elles : Escherischia Coli, responsable des gastro-entérites mais aussi des cystites, d’un streptocoque qui dans la cavité buccale favorise l’apparition des caries ou d’autres micro-organismes comme Candida Albicans, une levure ayant évolué en moisissure, capable de coloniser tout le tube digestif et même plus, puisqu’elle est impliquée dans des mycoses vaginales ou le muguet du nouveau-né. (voir le numéro d’Alternative Santé de février 2010)

 

 Intolérance alimentaire et réaction inflammatoire de l’intestin

L’intolérance digestive au blé et à ses protéines entraîne des fermentations et des putréfactions intestinales qui modifient la perméabilité intestinale. Déréglée, la muqueuse intestinale s’inflamme, et laisse passer les grosses molécules comme le gluten, qui se transforme en glutéomorphine, interagissant avec les récepteurs morphiniques du système nerveux central. D’où, chez les intolérants au gluten, des troubles du comportement qui viennent se surajouter aux symptômes intestinaux…. Si l’intolérance au gluten est bien définie, la plupart des intolérances alimentaires semblent en revanche loin d’être réductibles à une simple analyse sanguine visant à rechercher les différents types d’immunoglobulines (IgG , IgE, etc…) : les personnes allergiques au lait de vache peuvent avoir des IgG positifs, des IgE positifs ou rien du tout ! rappelle le docteur Éric Ménat. Les tests, disponibles sur internet, sont onéreux (jusqu’à 400 euros) et d’efficacité douteuse, comme envisage de le dénoncer prochainement la SFA (société française d’allergologie).

 

 



[1] Manimozhiyan A et al – « Enterotypes of the human gut microbiome »  Nature, 472 (7343) (21 avril 2011)

 

 

[2] Bailey MT « Exposure to  a social stressor alters the structure of the intestinal microbiota : implication for stressor-induced immunomodulation » Brain, Behavior and Immunity 25 (3), (03/2011)

 

[3] Gérard Corthier – « Bonnes bactéries et bonne santé », 128 pages, éditions Quae, 2011 (disponible auprès de Editions Quae, c/o Inra, RD 10, 78026 Versailles Cedex, France)

[4] Communication du Dr Eric Ménat lors des 27èmes Rencontres des Médecines Alternatives et Complémentaires à l’hôpital Tenon en 2010, dont le thème était  « L’intestin, carrefour stratégique de la santé »

[5] Cité dans Science 179(8) du 09/04/2011


Vers une « médecine environnementale » ?

Les 12 et 13 avril dernier, l’ARTAC  [1] organisait son troisième colloque international, avec des médecins et scientifiques du monde entier, autour du thème « la Santé des Enfants et de l’Environnement ». L’amorce d’une reconnaissance officielle des travaux visant à relier l’environnement et la santé ?

Genon Kensen de l’Alliance pour la Santé et l’Environnement, un réseau européen d’ONG qui vise à améliorer la santé grâce à des politiques publiques qui promeuvent un environnement plus propre et plus sûr, ne mâche pas ses mots : « l’exposition quotidienne à des produits chimiques “industriels” peut être nocive pour la santé. Les effets sur les enfants peuvent être le résultat d’une exposition maternelle avant et pendant la grossesse et après la naissance. » Dans la droite ligne de l’Appel de Paris, un manifeste lancé en 2004 par un groupe d’experts internationaux, les scientifiques continuent d’affirmer qu’un grand nombre des maladies actuelles sont causées par la dégradation de l’environnement…

Des maladies chroniques de plus en plus préoccupantes

Signe des temps, le colloque de l’ARTAC était soutenu, pour la première fois, par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). L’OMS vient d’ailleurs de reconnaître, dans un communique du 27 avril dernier, que « les maladies chroniques telles que le cancer, les maladies cardiovasculaires ou le diabète ont atteint des proportions épidémiques bien plus préoccupantes que les maladies infectieuses ». Un constat que confortent les statistiques françaises selon les données des assurances : « Un français sur sept est aujourd’hui en ALD (Affection Longue Durée), rappelle le professeur Belpomme, fondateur d’ARTAC. “Or on sait que ces maladies peuvent être liées à des causes environnementales…» C’est le cas de nombreux cancers par exemple, cela ne fait plus de doutes. Des cancers qui frappent de plus en plus tôt, de 2 à 3 % plus d’enfants qu’il y a 30 ans. C’est aussi le cas de bien d’autres maladies. La liste des maladies pour lesquelles l’environnement est au banc des accusés s’est étendue depuis à l’obésité, au diabète ou à l’asthme… « On note aussi que de plus en plus de sujets jeunes sont atteints de maladies d’Alzheimer » complète le professeur Belpomme. « Et l’on assiste à une véritable épidémie d’autisme »… Mais alors que les scientifiques ont toujours eu tendance à rechercher des facteurs déclencheurs immédiats et directs à ces maladies, de nouvelles pistes de compréhension vont probablement générer une nouvelle façon d’approcher la question. En effet, développement de l’épigénétique aidant (voir notre numéro de mars 2011), on sait aujourd’hui que tout commence probablement bien avant la naissance : comme l’a expliqué le pédiatre italien Ernesto Burgio, qui étudie l’origine embryo — fœtale des maladies de l’adulte « nos propres phénotypes physiologiques et pathologiques sont largement déterminés par l’induction/modulation de marqueurs épigénétiques de nos cellules et tissus par des facteurs environnementaux ». En d’autres mots, les facteurs environnementaux auxquels est exposé un fœtus vont le « programmer » à développer plus tard telle ou telle maladie. Dans cette conception, une maladie peut être « un résultat tardif chez l’adulte d’un processus de développement qui a mal tourné, profondément enraciné dès les premiers stades de développement et du fœtus. » L’exemple des petits-enfants de mamans ayant pris du distilbène montre en outre un impact transgénérationnel qui va plus loin que la simple exposition du fœtus à un polluant. Raison de plus pour faire attention aux générations futures !

Sous la pression des lobbys industriels…

Pour autant, malgré les connaissances qui s’accumulent, peu de mesures ont été prises pour lutter efficacement contre les pollutions chimiques ! Même si les liens ne sont pas toujours faciles à prouver… « Il est particulièrement difficile d’établir de manière irréfutable l’impact sur la santé des polluants environnementaux », explique le Pr. Hanns Moshammer, chercheur spécialisé en épidémiologie, qui faisait l’ouverture du colloque de l’ARTAC. La société civile a ici un rôle essentiel à jouer. Surtout dans notre société, où, a-t-il rappelé, « on a tendance à transformer les victimes en coupables ! » Ana Soto, professeur de biologie cellulaire à Boston, et spécialiste des perturbateurs endocriniens, a pour sa part rappelé comment l’histoire du bisphénol A était un triste cas d’école : bien que le Congrès américain ait voté dès 1993 un droit à une eau et à une alimentation sans perturbateurs endocriniens, le bisphénol A a continué d’être autorisé – maintien des intérêts économiques des industriels du plastique oblige – bon an mal an, son côté perturbateur étant régulièrement contesté, jusqu’en 2009  aux États-Unis ! Car pour chaque polluant, c’est le même scénario : lorsque l’effet pathogène d’un produit est démontré par une étude scientifique, le lobby du produit en question s’empresse d’aller financer un laboratoire pour démontrer qu’il n’y a pas tant d’effets que cela, et donc que l’étude montrant sa toxicité n’est pas valide ! Comme les études scientifiques coûtent chers à réaliser, ce sont bien souvent ceux qui ont le plus d’argent à y consacrer qui les orientent… Un procédé que la mention seule des conflits d’intérêts éventuels ne suffit pas à enrayer. Et qui sème le doute chez les politiques au point de freiner la prise de décisions ! En France, le statut du bisphénol A est ainsi suspendu jusqu’à la fin de l’année, les politiques préférant attendre les résultats de l’expertise de l’INSERM que de suivre les associations qui souhaitent élargir l’interdiction actuelle dans les biberons à tous les plastiques alimentaires…

Bien d’autres problèmes posant toujours des questions sanitaires ont été exposés au cours de ce colloque. Les champs électromagnétiques par exemple, qui faisaient l’objet d’une table ronde spécifique, au cours de laquelle il a été rappelé que l’exposition aux champs magnétiques engendrés par les lignes électriques de haute et de très haute tension accroit le risque de leucémies infantiles et, comme l’a souligné le professeur Franz Adlkofer, coordonnateur du programme de recherche REFLEX financé par la communauté européenne et portant  sur les  effets biologiques des champs électromagnétiques, qu’ « il est fortement probable que le risque de développer une tumeur cérébrale chez l’enfant à cause de la téléphonie mobile soit une réalité ». Si les mesures officielles récentes (périmètre de sécurité, démontage des antennes relais existant sur les établissements scolaires, interdiction de l’utilisation des téléphones portables pour les moins de 6 ans ainsi que dans les écoles…) témoignent d’une prise de conscience dans ce sens, elles doivent encore être étendues. Le professeur Lennhardt Hardell, professeur suédois en onconlogie médicale, a exposé les risques similaires liés à l’utilisation…de simples téléphones DECT, les téléphones sans fil que l’on trouve partout aujourd’hui. Enfin, actualité oblige, le scandale  actuel du nucléaire a été aussi dénoncé. Et en premier lieu, comme l’a rappelé Paul Lannoye, député vert européen, que l’OMS est liée par un accord à l’AIEA, l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (le lobby du nucléaire, donc), qui lui interdit d’aborder la question des effets du nucléaire sur la santé. Si cet accord n’existait pas, l’OMS aurait été dans l’obligation de faire son travail, c’est-à-dire un bilan sanitaire en Biélorussie par exemple des conséquences de Tchernobyl… Le colloque était dédié à la mémoire du professeur Lorenzo Tomatis, mis en 1993 à la porte de l’IARC (centre international de recherche sur le cancer) qu’il présidait pourtant depuis 1982. Il avait dénoncé les conflits d’intérêt en jeu dans les études scientifiques sur lesquelles s’appuyait l’IARC pour établir la liste des différents produits chimiques cancérogènes probables, présumés ou avérés. Aujourd’hui, les scientifiques qui lancent des cris d’alarme se font probablement mieux entendre. Sauront-ils pour autant convaincre les pouvoirs publics, comme le souhaite le professeur Belpomme, « d’inclure enfin la santé dans le principe de précaution » ? Car ce principe ne concerne pour l’instant… que l’Environnement !


[1] L’ARTAC (Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse) est un organisme de recherche indépendant, privé à but non lucratif, fondé en 2004. A l’origine de l’appel de Paris et de la mise au point de plusieurs médicaments anticancéreux,   l’ARTAC travaille aussi  sur la prévention.

 

Le quinoa, vertus et bienfaits

Le quinoa : Vertus et bienfaits

Redécouvert avec le développement de l’agriculture bio, le quinoa, cette petite graine originaire des Andes et cultivé dans de nombreux endroits du monde, jouit aujourd’hui d’une immense popularité. Ses qualités nutritives exceptionnelles, ses vertus antidiabétique et anti-inflammatoire en font un aliment de choix, à consommer de mille et une façons et… sans modération ! Ce livre vous révèle : L’histoire du quinoa et de sa culture autour du monde ; Ses vertus nutritionnelles et thérapeutiques extra-ordinaires ; Des recettes simples et savoureuses à base de quinoa : galettes, veloutés, gratins, fondants…
  • Broché: 116 pages
  • Editeur : Guy Trédaniel éditeur (21 juin 2011)
  • Collection : Pratique
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 281320269X
  • ISBN-13: 978-2813202697
  • 13€

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Que doivent manger les enfants ?

Au mois de mars, un fait divers tragique nous a interpellé.  Dans le contexte actuel, si conscient des pollutions et des problèmes écologiques, que devons-nous  donner à manger à nos enfants ?  Les écologistes ne prônent-ils pas de plus en plus une alimentation sans viande ? Le lait de vache est-il à proscrire ? Peut-on donner du soja ? Bref, que doivent manger nos chers petits ?

C’était au début du printemps. Un couple de végétaliens a été jugé aux assises de la Somme pour avoir « privé de soins ou d’aliments » leur fillette de 11 mois, décédée le 25 mars 2008. Exclusivement allaitée par sa mère, la fillette souffrait d’une carence en vitamine A et B12, révélée à l’autopsie, et qui pour la partie civile était en lien avec le régime alimentaire de la mère. Or ces carences rendent les enfants plus sensibles aux infections : la fillette est d’ailleurs morte d’une bronchite face à laquelle les parents n’avaient pas voulu donner d’antibiotiques, leur préférant des cataplasmes d’argile…[1] . Pour autant, si l’on ne refuse pas aux adultes le droit de manger ce qu’ils veulent (ou non !), les enfants ont des besoins nutritionnels qui doivent être comblés pour qu’ils puissent avoir une croissance harmonieuse. Et les adultes, responsables de leur équilibre alimentaire, ne savent plus toujours que faire !

Les enfants doivent-ils manger de la viande ?

 « Le problème c’est que le mot “viande” ne veut rien dire ou
plutôt est souvent mal interprété » précise  Éric Ménat, médecin généraliste très orienté sur la nutrition [2]« Les protéines animales sont indispensables pour la croissance. Mais on ne les trouve pas que dans la viande rouge ! » L’autre grand problème lorsque l’on parle des enfants, c’est… l’âge. Car il va sans dire qu’un bébé n’a pas les mêmes besoins qu’un enfant de 10 ans ! La dernière grande étude nutritionnelle menée en 2008 pour le compte du syndicat français des aliments de l’enfance (ces études sont menées depuis 25 ans tous les 8 ans auprès des enfants de moins de 3 ans en France) a révélé par exemple que les enfants ingurgitaient 15 % de protéines en trop entre 18 mois et 3 ans ! Or, l’organisme du jeune enfant a besoin de taux de protéines modérés, car il risque sinon d’être surchargé. Alors quelle est la juste quantité ? Entre 1 et 3 ans, elle peut être calculée grâce à une formule : 10 g/année d’âge + 10 g par jour. Et bien sûr, s’agissant de protéines, il n’est pas question que de « viande », mais aussi d’œufs, de jambon, de poisson et de volailles (parfois appelées, à tort, viandes blanches) qui sont aussi de bonnes sources de protéines animales. « Les enfants doivent manger des protéines au moins tous les midis, explique Éric Ménat, et une seconde fois dans la journée, de préférence le matin (œufs, jambon) ou éventuellement le soir (poisson, voire de temps à autre tofu, certaines protéines végétales pouvant avantageusement compléter l’apport) ». Tout étant question d’équilibre, il faut donc se garder de donner de la viande rouge en excès. Outre l’excès de protéines, comme le rappelle Éric Ménat, on risque en plus d’apporter trop de graisses saturées. Voire, si la cuisson se fait à trop hautes températures, des composés carbonés néfastes ! « Entre 6 et 12 ans, en terme de fréquence, on peut en proposer au menu, 80 à 100 g, 2 fois par semaine », conseille Éric Ménat.

Autre question, héritée partie des préoccupations écologiques, partie des conseils alimentaires qui ne s’inscrivent pas dans les droites lignes des recommandations officielles, l’agitation autour du lait de vache, accusé de nombreux maux : allergies, eczémas, affections ORL à répétition, mais aussi, perturbations endocriniennes…

Le lait, est-il si « vache » ?

Doit-on encore donner du lait de vache aux enfants après qu’ils sont sevrés ? Au motif que les enfants ne sont pas des veaux, certains préconisent la suppression totale des produits laitiers. Sur cette question polémique, la Société Française de Pédiatrie (SFP) a rappelé dans un communiqué le 8 avril dernier, que les enfants « privés » de lait voient leur risque de carence en calcium augmenter. Une alerte sans doute un peu plus influencée par le lobby du syndicat des produits laitiers que par des considérations médicales, puisque la SFP rappelait dans ce même communiqué le fait divers du couple de végétaliens. Or la fillette souffrait probablement moins de carences en calcium (puisqu’elle était allaitée par sa mère) qu’en vitamine B12 et en fer. Comme le rappelle Éric Ménat, « le calcium est indispensable à la croissance. On doit donc donner du calcium. L’erreur est de faire un parallèle automatique entre calcium et lait ». Le lait est d’ailleurs, rappelle-t-il, le moins intéressant de tous les laitages, poursuivant : « Les fromages de qualité sont la meilleure source de calcium, mais sont un peu gras. Il est bon d’en consommer une part tous les jours. »  Le calcium se trouve aussi dans d’autres aliments : dans le cresson, les figues séchées et le pissenlit (160mg pour 100g), dans le brocoli (93mg pour 100g) et dans les noix (65mg pour 100g). Mais aussi…dans l’eau ! En particulier, dans les eaux minérales calciques comme l’Hépar, la  Contrex ou la Courmayeur qui en contiennent autour de 500 mg par litre, soit à peine 2 fois moins que le lait ( 1200 mg/l). Tout est question de biodisponibilité et de capacités d’assimilation, le calcium d’origine végétale étant réputé peu absorbable (sauf celui du chou [3]!), étant solubilisé par les acides contenus la plupart du temps dans les végétaux (acide phytique et oxalique). Ceci dit, « un litre d’Hepar couvre la moitié des besoins quotidiens d’un enfant de 10 ans, avec du calcium de très bonne disponibilité, attention. » rappelle Fabiola Flex, auteur[4]. Et pour les tout petits ? L’allaitement maternel reste bien sûr la meilleure source de lait. S’il n’est pas possible, et en cas d’intolérance aux laitages de vache ou d’autres animaux (chèvre, jument)  ou au lactose[5], les laits végétaux, qu’ils soient d’amande, de riz, de noisette ne suffisent pas… « Ces “laits” ne sont pas du lait, ne se rapprochant ni de près ni de loin, du lait maternel. » dénonce la SFP, face à l’engouement pour ces nouveaux produits.     « S’ils sont très bons pour la santé, ils  sont très pauvres en calcium », confirme Éric Ménat.   Dans ce cas-là, conseille-t-il, « une supplémentation en calcium (en comprimé)  s’avère nécessaire… »

Et le soja, alors ?

Ceci dit, des préparations infantiles parfaitement équilibrées en calcium, à base de lait de soja, sont données couramment depuis 40 ans aux nouveau-nés américains allergiques au lait de vache, en remplacement du lait maternisé. Mais elles sont accusées de contenir trop de phytoestrogènes dont la structure chimique proche des hormones humaines peut interférer avec l’oestradiol, principale hormone féminine, en se fixant sur les récepteurs spécifiques des oestrogènes, stimulant ou diminuant leur action. Dans un rapport paru en 2005[6] , l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) soulignait ce problème dans ces formules à base de lait de soja, adaptées à l’alimentation des nouveaux nés, déconseillant le lait de soja avant l’âge de 3 ans  : un rapport que le toxicologue Jean-François Narbonne, lui-même membre de l’AFSSA, estime quelque peu exagéré.   D’ailleurs, un rapport des experts du Centre pour l’évaluation des risques liés à la reproduction humaine (CERHR) paru aux États unis en janvier 2006 conclut qu’« il n’y a pas suffisamment de données valables pour permettre de déterminer la toxicité des formules infantiles au soja sur le développement ou la reproduction ». Bref, pas de quoi entraver la « part de liberté individuelle, y compris pour le corps médical, dans la mesure ou il n’est pas démontré qu’il existe des risques particuliers. ». Et le calcium alors ? En mai 2008, le comité de nutrition de l’Académie américaine de pédiatrie dans un rapport sur les préparations infantiles à base de soja a relevé que « chez les nourrissons nourris avec ces formules, la minéralisation osseuse était équivalente à celle obtenue avec des laits artificiels à base de lait de vache… »  Pour les plus grands, c’est comme pour tout aliment. L’excès n’est jamais bon. « On peut en donner un peu, mais pas trop.
résume Éric Ménat. Le soja n’est ni un bon ni un mauvais aliment, conclue-t-il.

Existe-t-il certains aliments déconseillés aux enfants ?

Au nom de l’équilibre alimentaire, les rigoristes de la diététique voudraient supprimer tous les aliments “inutiles”, nutritionnellement pauvres. Au premier rang desquels les gâteaux, desserts, sucreries ou les fast-foods. Les interdits ne sont jamais bons ! Le chocolat ? Si gras ? Ce n’est pas un mauvais aliment, rappelle Éric Ménat, s’il est consommé avec modération. Le préférer noir (y compris dans les biscuits).” On évite ainsi de mauvaises graisses lactiques et trop de sucre.  Les bonbons  et gâteaux ? “Ils n’ont qu’un intérêt ‘plaisir’ et sont à réserver aux occasions comme les anniversaires ou les moments de fêtes. Idem pour le coca,” poursuit-il. «Attention  aux desserts lactés qui se présentent souvent à tort comme des produits laitiers : trop gras et surtout trop sucrés ils ne doivent ne pas être consommés régulièrement. Le Mac Do n’est en revanche pas forcément catastrophique, rassure-t-il. On peut même tout à fait initier son enfant à manger correctement équilibré au Mac Do !”  Peut-être se rassurera-t-on aussi en se disant qu’aujourd’hui, que les examens médicaux permettent de ne pas passer à côté d’une éventuelle carence. « Même si il n’y a  bien sûr pas lieu de la chercher si un enfant va bien ! » précise Éric Ménat.« La recherche du Fer, de la vitamine D et du calcium (voire éventuellement de la vitamine B12 et du zinc) est un examen peu cher et remboursé par la sécurité sociale qui  peut parfois être très utile », complète-t-il. N’oublions pas qu’une carence alimentaire avérée, heureusement habituellement fort rare, peut aussi être soignée…tout simplement  en donnant le complément vitaminique  adéquat !

 


Minitableau récapitulatif 

Viande 2  fois par semaine

Volaille

3  fois par semaineJambon1 fois par semaine

Poisson2 -3 fois par semaine

Œufs2  fois par semaine

Soja (lait, yaourt ou tofu)

1 fois par jourFromage1 fois par jour

Légumes ou cruditésà chaque repas

 

 

Le saviez-vous? Le miel, biologique ou non quelle que soit son origine est déconseillé aux enfants de moins de 12 mois et quelle qu’en soit l’origine ! C’est une recommandation officielle de l’OMS. Le miel est en effet susceptible de contenir des spores de Clostridium botulinum, un toxique botulique, responsables du botulisme infantile.


[1] La cour les a condamnés, histoire de marquer le coup,  à 30 mois de prison ferme, mais qu’ils devraient, ayant déjà effectué quatre mois de détention provisoire et remises de peine aidant,  ne pas avoir à faire.

[2] Eric Ménat est l’auteur du Dictionnaire pratique de la diététique (Ed. Grancher), Je nourris mon enfant (Ed. Alpen), et avec le Dr M. Larocque –  de « Bien dans ta tête bien dans ton corps,c’est ton choix » ,  Ed. Harmoxel

 

[3] Selon l’AFSSA dans la 3ème édition des Apports Nutritionnels conseillés pour la population française paru en 2004

[4] Fabiola Flex est co-auteur avec le Pr. Patrick Tournian d’un ouvrage sur l’alimentation des enfants paru en 2010 – «  L’alimentation de vos enfants, enquête sur le marketing et les idées reçues », Ed.Denoël Impacts.

[5] la SFP rappelle que de telles intolérances existent, tout en précisant qu’elles  restent peu fréquentes et que c’est au pédiatre d’en poser le diagnostic…

[6] « Sécurité et bénéfices des phytoestrogènes apportés par l’alimentation » , paru en 2005

Maladie d’Alzheimer : une étude prometteuse

Une étude canadienne montre que l’entraînement de la mémoire retarde l’apparition de la maladie d’Alzheimer.

Avec plus de 800000 personnes atteintes en France, la maladie d’Alzheimer gagne du terrain. Devenue priorité nationale, la recherche bat son plein en quête de médicaments capables de la soigner ou de ses causes, comme en témoigne, début avril, l’identification de 5 nouveaux gènes de susceptibilité.[1] Moins médiatisées mais porteuses d’espoir, des recherches portent depuis quelques années sur une capacité que possède le cerveau, la plasticité cérébrale, capacité qui permet à ce dernier d’établir de nouveaux circuits de neurones afin de compenser la perte de ses fonctions. « La plasticité cérébrale est une formidable capacité de réorganisation », explique Sylvie Belleville, dont l’équipe a publié fin mars les résultats d’une étude menée à l’université de Montréal[2].

Plasticité à tout âge

Affectant tout le monde, et de façon inéluctable, le vieillissement condamne à lui seul le cerveau humain à perdre de 5 à 10 % de son poids entre 20 et 90 ans…Et, de fait, condamne aussi les fonctions cognitives à décliner inéluctablement…Ce déclin, dont fait partie la perte de la mémoire, est aussi l’un des premiers signes de la maladie d’Alzheimer. Si toutes les personnes âgées présentant des troubles cognitifs légers (tcl) ne vont bien sûr pas développer une maladie d’Alzheimer, il est établi qu’elles ont dix fois plus de risques de développer la maladie. À l’occasion de l’étude, trente personnes âgées (15 en santé et 15 présentant des tcl) ont participé à un programme d’entraînement de leur mémoire. Leur activité cérébrale a été analysée grâce à l’imagerie par résonance magnétique, 6 semaines avant, une semaine avant et une semaine après ce programme. « Alors qu’on a longtemps pensé que le cerveau perdait cette capacité plastique avec l’âge, notre étude montre que ce n’est pas le cas et ce, même dans les stades précoces de la maladie», affirme Sylvie Belleville. En effet, grâce à ce programme simple, d’autres zones du cerveau vont prendre la relève des zones qui commencent à décliner…

L’entraînement?

Très simple, il porte sur le développement de stratégies comme l’utilisation de moyens mnémotechniques, pour retenir, par exemple des listes de mots. Grâce à lui, le cerveau augmente l’encodage et la récupération des informations dans d’autres zones. « La comparaison de l’activité cérébrale avant et après le programme d’entraînement indique que les personnes âgées atteintes de tcl vont mobiliser de façon plus importante les régions normalement impliquées dans la mémoire mais également de nouvelles régions du cerveau habituellement reliées au langage, à la reconnaissance spatiale et aux capacités d’apprentissage. C’est ainsi qu’une région du cerveau saine (le gyrus inférieur pariétal droit) prend la relève de la zone malade », confirme Sylvie Belleville. De quoi retarder temporairement l’apparition de la maladie d’Alzheimer ! Un précieux répit…j’y

Clara DELPAS


[1] Paul Hollingworth et al- « Common variants at ABCA7, MS4A6A/MS4A4E, EPHA1, CD33 and CD2AP are associated with Alzheimer’s disease » Nature Genetics, 03/04/2011
[2] Sylvie Belleville et al. « Brain Training-related brain plasticity in subjects at
risk of developing Alzheimer’s disease » Brain : A journal of neurology 23/03/11

Inde : à la poursuite du diamant vert ?

Novethic   : http://www.novethic.fr/novethic/planete/economie/matieres_premieres/inde_poursuite_diamant_vert/133669.jsp

Sur fond de certification environnementale et de promesses écologiques, la récente réouverture de la mine de diamant de Mahjgawan nargue les lois indiennes et les associations de protection de la nature… en validant les prospections du géant minier américain Rio Tinto.

Dans l’état du Madhya Pradesh (Inde), la mine de Mahjgawan, la plus grande mine de diamant mécanisée d’Asie, a du mal à se refaire une réputation. Sécurisée comme une zone militaire (personne n’y est même autorisé à faire des photos), elle ne manque pas de revendiquer son caractère « eco-friendly ». Des panneaux, écrits et dessinés à la main, sont là pour affirmer que l’écologie est ici une priorité : sur l’un deux, une main porte la planète terre, qui saigne, sur un autre, on peut lire, en anglais, que le personnel du site bénéficie d’un programme d’éducation à l’environnement.  Pourtant, ici, on semble toujours extraire le diamant comme au début du siècle dernier,  en saignant l’unique filon diamantifère à grands coups de dynamite. Les montagnes de cailloux de kimberlite — la roche volcanique qui contient les diamants — sont ensuite ramassées au bulldozer et mises à sécher au soleil pendant plusieurs mois. Puis, on concasse la roche devenue plus friable dans des presses mécaniques, avant de tamiser les poussières de l’ensemble pour en extraire directement les diamants.

Un désastre maquillé de vert

Si l’incidence des diamants est faible (une petite dizaine de carats* pour une centaine de tonnes de kimberlite), les conséquences de leur exploitation sont colossales, à l’image du trou de près d’un demi-kilomètre de diamètre sur plus de 100 m de hauteur creusé par l’extraction minière sur ce site. Au fond du trou, un lac d’une dizaine de mètres de profondeur témoigne que l’on a atteint les ressources souterraines d’eau.

Même si Rajeev Wadhwa, l’ingénieur géologue en chef responsable de la mine, explique que « cette eau vient… du ciel, le trou faisant office de citerne de récupération d’eau de pluie ! » ** ! Pourtant, l’exploitant de la mine, depuis 1995, est… la compagnie minière gouvernementale, la NMDC (National Mineral Development Corporation). Malgré une norme ISO 14001 acquise en 2004 et une communication soucieuse de l’environnement, le Diamond Mining Project n’a pas su faire oublier que la mine se trouvait en plein milieu d’une réserve de tigres, au cœur du parc national de Panna.

Sa certification n’a d’ailleurs pas suffi à duper le bureau de contrôle de la pollution (le Pollution Control Board) : en juillet 2005, la mine a été fermée du jour au lendemain pour non-conformité avec les normes environnementales. Et son illégalité. Car, depuis 2002, une loi indienne interdit les activités minières dans les aires protégées. Un coup dur pour le Diamond Mining Project, soutenu par le ministère de l’Industrie. Temporaire. Les instigateurs du projet ont saisi la Cour Suprême du pays et  fini par la convaincre : la mine a rouvert en août 2009 !

Coudées franches

Au printemps 2011, le site a pourtant des airs d’abandon : le village de mineurs, qui abritait jusqu’à 900 âmes aux temps pleins de l’activité, est désert. Cykim Do, le directeur actuel de la mine, a beau annoncer l’inauguration d’ « une usine ISO 14001, achetée à l’Afrique du Sud, afin de moderniser l’extraction des diamants… » et « qui devrait employer autour de 300 mineurs », le site semble désaffecté, rendant les objectifs de production de la mine, 100 000 carats par an, bien difficiles à atteindre. Les organisations écologiques, atterrées par la réouverture, craignent désormais que la dérogation obtenue ne fasse tâche d’huile, conduisant à un développement minier sans entrave dans les réserves naturelles indiennes… D’autant que la mine de Majhgawan, en activité depuis près d’un siècle, est de moins en moins riche ; l’exploitation d’autres régions du parc, encore recouvertes par la forêt, semble désormais inévitable.

L’an passé, dans le district de Chhatarpur, toujours dans le parc de Panna, à quelque 70 km de là, 13 villages, soit 350 familles, ont été évacués. Comme le rappelle Yusuf Beag, de l’ONG indienne Mines, Minerals and People pour la bonne cause écologique ! Le gouvernement indien s’est chargé de l’évacuation de la zone, et de l’indemnisation des habitants, au motif de « préserver l’habitat naturel des tigres et prévenir la déforestation… ».

Probablement aussi au nom de la joint venture passée avec la compagnie Rio Tinto sur place depuis 2002. Les campagnes de prospection menées par ce géant minier nord-américain américain ont révélé en 2006 des réserves de 27.4 millions carats , soit 7 fois plus que toute la mine de Mahjgawan,  et toujours dans le parc national de Panna !

L’exploitation devrait en démarrer prochainement sous couvert d’une gestion écologique des ressources en eau et en forêt…et de belles promesses de développement économique et d’éducation, soutenues par l’UNICEF. Le Madhya Pradesh, en passe de devenir l’une des dix régions les plus riches en diamants au monde, ne se souciait déjà plus vraiment de ces tigres, dont il ne reste dans tout le parc de Panna que deux femelles et huit petits nés cette année (contre encore une vingtaine  d’adultes dans les années 1990.)… Se souciera-t-il encore demain du sort des habitants expulsés, qui attendent toujours , par ailleurs, leur indemnisation?
* 1carat = 0,2g
**dans cette zone semi-aride arrosée de de 800 mm de précipitations annuelles

Des gènes sous influence

Que sait-on aujourd’hui des interactions entre l’environnement et les organismes vivants ?  Une interview du Professeur Jean-Claude Ameisen **,   président du Comité d’éthique de l’INSERM * et membre du Comité Consultatif National d’Ethique.

On dit que l’environnement agit jusque sur le développement de tout être vivant. Cela est-il établi aujourd’hui ? 

Tout organisme vivant est en interaction avec l’environnement. Cela commence dès la fécondation : l’embryon se développe dans une succession d’environnements qui lui sont propres et vont influer sur sa croissance et sur sa formation… Par exemple, la température extérieure dans laquelle se trouvent les œufs de certaines tortues ou des crocodiles joue  sur la production des hormones sexuelles dans le cerveau des embryons qu’ils contiennent et donc sur la construction d’un corps mâle ou femelle. Chez certains poissons, c’est l’environnement social qui peut, à l’âge adulte, entraîner un changement de sexe. Et chez les insectes sociaux, comme les abeilles, deux cellules-œuf génétiquement identiques se développeront, selon la nourriture fournie par les ouvrières ou les phéromones émises par les reines, soit en une petite ouvrière stérile qui vivra environ deux mois, soit en une grande reine féconde qui pourra vivre plus de cinq ans ! Si on a longtemps cru que ces différentes façons de construire des corps et des destins radicalement différents à partir des mêmes gènes étaient une exception propre à ces espèces, on sait que le processus est présent chez tous les organismes vivants.

Que deviennent nos gènes, d’ailleurs, dans cette histoire, après la naissance? Pouvons-nous agir sur leur fonctionnement, et donc sur notre vieillissement, et certaines de nos maladies ?

Depuis une dizaine d’années a émergé un nouveau domaine de recherche : l’épigénétique, c’est-à-dire l’étude de tout ce qui vient en plus des gènes (leur(s) environnement(s) et ce qui fait qu’ils vont être utilisés et avoir des effets qui vont être très différents). L’environnement non seulement joue sur la façon dont le corps va se construire puis fonctionner mais nous modèle aussi en permanence, tout au long de la vie, selon un équilibre dynamique : il existe toute une gamme de réponses possibles des individus face  à la complexité des facteurs environnementaux à laquelle ils sont soumis. Et, bien plus qu’un seul facteur donné, c’est une succession d’environnements qui, à des titres divers,  vont agir sur la façon dont chaque cellule va utiliser les informations contenues dans les gènes. Par exemple, chez l’homme, des travaux récents montrent que de vrais jumeaux, c’est-à-dire deux personnes génétiquement absolument identiques, vont acquérir, au cours de leur vie,   même dans des environnements semblables, peu à peu,  des manières différentes d’utiliser des mêmes gènes, différences  qui participent à la construction de leur singularité biologique.

 A-t-on identifié des facteurs prépondérants ? On parle par exemple beaucoup de l’alimentation…Que restera-t-il d’ailleurs  de ces modifications aux générations futures ?

Que les radiations nucléaires provoquent des mutations génétiques dans les cellules y compris reproductrices est connu depuis la découverte de la radioactivité. Il peut être plus compliqué de déterminer l’impact d’autres facteurs de l’environnement. Pour ce qui est de l’alimentation,  on sait que la nourriture agit sur la méthylation de l’ADN, une réaction chimique qui a pour effet d’activer ou d’inactiver l’expression de certains gènes. Un régime peu calorique et pauvre en graisses est réputé depuis longtemps contribuer à notre bonne santé. Mais pas de façon isolée : on sait qu’il faut y ajouter un peu d’activité physique par exemple ! Quant à la transmission  de modifications   acquises par les parents et attribuées à l’alimentation (comme l’obésité par exemple) aux enfants… N’est-ce pas plutôt que les enfants mangent ce que mangent les parents ? Ne  s’agit-il pas ici moins d’hérédité par transmission, que d’un environnement culturel transmis pour reproduire les mêmes conditions de  réinitiation ? Toutes ces études sont très complexes. Récemment, une étude américaine (1) a consisté à nourrir des souris mâles  avec un régime faible en protéines et d’autres normalement, alors que toutes les souris femelles étaient nourries normalement. Les rejetons des souris mâles nourries avec le régime faible en protéines présentaient des modifications dans les gènes impliqués dans la synthèse des lipides et du cholestérol, alors même qu’ils n’avaient pas été mis en contact avec leur père…

Nos comportements  peuvent aussi sembler suivre une transmission biologique héréditaire. Une  étude  menée chez l’animal durant les années 1990 a consisté à étudier des lignées de rats et de souris de laboratoire  qui se distinguaient à l’âge adulte par différents degrés d’anxiété  associés à des différences, dans certaines régions du cerveau, de la quantité de récepteurs pour certaines hormones.  Ils ont eu l’idée de confier un nouveau-né d’une lignée génétique à comportement calme à une mère adoptive d’une lignée génétique à comportement anxieux, et inversement…et   ont constaté  que le nouveau-né manifestait, à l’âge adulte, un comportement et des caractéristiques cérébrales similaires à ceux de sa mère adoptive, et non à celui de ses parents génétiques.  Mais la  véritable découverte a été que si le nouveau-né confié à une mère de substitution était une femelle, celle-ci allait donner elle-même naissance à des descendants qui, à l’âge adulte, auraient les mêmes comportements et les mêmes caractéristiques cérébrales que leur grand-mère adoptive, et non que leurs grands-parents génétiques ! Il n’y avait donc pas ici de transmission sous  forme biologique de ce qui avait été acquis dans l’environnement, mais réinitiation à chaque génération d’une façon particulière d’utiliser des gènes dans certaines cellules, reconstruisant à chaque génération le même type de conséquences.  Ceci nous montre que l’environnement, souvent réduit à une liste de facteurs nocifs ou pas, n’est pas qu’inerte :   la dimension d’environnement relationnel est essentielle. La manière dont la souris s’occupe de son rejeton va interagir avec la façon dont son corps va se développer.

Mais l’impact des relations sociales sur l’expression ou non des gènes est-il  scientifiquement mesurable ?

On peut revenir sur l’étude menée chez ces nouveaux-nés souris ou rats confiés à des mères anxieuses ou calmes. L’explication, apportée en 2006, est que le comportement anxieux de la mère entraîne chez le nouveau-né le « blocage », dans certaines cellules de son cerveau, du gène permettant la fabrication d’un récepteur pour une hormone, induisant  chez lui  un comportement anxieux. Alors qu’à l’inverse, le comportement calme de la mère a pour effet le maintien de l’activité de ce gène… Une autre étude a consisté à placer des souris dans des tubes de sorte qu’elles ne pouvaient plus bouger. Entièrement passives, dans cet environnement que l’on peut qualifier de pauvre, elles n’étaient sorties de leur tube que pour être nourries. Ce « stress sans agression » a eu des conséquences biologiques rapides : en 48h, leur système immunitaire s’est  effondré…Les chercheurs ont ensuite montré que chez les souris présentant déjà une déficience du système immunitaire, ce stress restait sans effet. De même, chez les souris auxquelles on donnait des opiacées. Ils en ont conclu que ce stress sans agression agissait sur le fonctionnement cérébral en inhibant la secrétion d’opiacés, puis en détruisant le système immunitaire. L’environnement affectif, lié au développement de relations humaines et de la confiance que l’on porte à autrui a certes des effets sur le fonctionnement du corps. Être gentil avec quelqu’un a sûrement aussi un effet biologique. Une  étude a consisté à inculquer à des souris le gène de la maladie d’Alzheimer et à d’autres celui de la maladie de Huntington et à d’autres celui de la maladie de Parkinson. Selon que les souris étaient dans un environnement riche ou pas, elles exprimaient ou non les gènes responsables de ces maladies ! Autant de preuves que chez l’animal, l’état mental et la qualité des relations sociales ont une influence majeure sur le développement même des maladies.

Chez l’homme, on peut citer les études menées sur l’effet placebo,  qui établissent là encore un impact biologiquement quantifiable : des malades de Parkinson auxquels on a donné un  placebo de leur médicament habituel (la L-Dopa), se sont mis à produire d’eux-mêmes plus de dopamine. Tout comme des malades atteints de douleurs de la face, auxquels on a donné des placebos d’antalgique et qui se sont mis à produire  des opiacés. En somme, croire que l’on va aller mieux fait déjà aller mieux. Confirmation dans l’étude, parue en décembre 2010  sur  l’effet placebo, menée pour la première fois auprès de patients clairement informés par les médecins eux-mêmes qu’ils prenaient un placebo,  mais aussi des modalités d’action de cet  effet : un effet réel, en réponse à une substance ingérée que le corps assimile comme efficace,  en laquelle on croit ou non, mais  que l’on s’applique scrupuleusement à prendre.  Chez ces patients, on a constaté une amélioration globale des symptômes et de la qualité de vie  près de deux fois supérieure à celle ressentie par ceux qui n’avaient rien pris !   Rien que le « rituel médical » et les explications détaillées du médecin lors de la prescription du traitement semblent ainsi avoir un effet positif. Confirmant au-delà de la connexion corps-esprit,  le pouvoir thérapeutique qu’ont à eux seuls la parole, la confiance et l’espoir, autant d’éléments-clés des relations humaines !

Et la société dans tout cela ? Agit-elle aussi sur notre santé ?

En 2006, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme soulignait que l’espérance de vie et l’état de santé étaient soumis, en France plus qu’ailleurs en Europe, à des facteurs socio-économiques. Par exemple, il a été établi qu’un cadre supérieur de 35 ans avait chez nous une espérance de vie supérieure de plus de 7 ans, en moyenne, à celle d’un ouvrier qualifié du même âge. Autre exemple, on sait bien que les cas d’obésité sont plus fréquents dans les pays  riches chez les personnes défavorisées. Il ne faut pas oublier que les maladies ont des causes biologiques mais aussi sociales, économiques et culturelles : les modalités d’organisation de la vie sociale se traduisent aussi en termes de maladies et de mort. C’est pour cela qu’il reste fondamental de favoriser l’insertion sociale, la solidarité, l’absence de discrimination et d’exclusion. Pour permettre à chacun un accès réel à la possibilité de vivre, comme les autres, parmi les autres, avec les autres…

(Propos recueillis par Clara Delpas)

(1) Rando O et al., Cell, Volume 143, Issue 7, 1084-1096 (23/12/2010)

 (2) Lembo A et coll., PloS ONE (décembre 2010)

* INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

** Jean Claude Ameisen  est  l’auteur de La Sculpture du vivant. Points Seuil, 2003 et Dans la Lumière et les Ombres. Darwin et le bouleversement du mondeFayard, 2008. Il anime une émission sur France Inter « Sur les épaules de Darwin  ».